Presque un an après le lancement de son premier train entre Paris, Lyon, Turin et Milan, le 18 décembre 2021, Trenitalia France tire un bilan positif de la première année d’activité. Et même meilleur que prévu. « Nous avons atteint le millionième billet la semaine dernière ; c’est au-delà de nos attentes », affirme Roberto Rinaudo, le président de Trenitalia France, devant la presse le 14 décembre. Après un lancement avec deux allers et retours par jour, ce sont cinq trains quotidiens que la filiale française de l’opérateur historique italien propose depuis juin dans chaque sens entre Paris et Lyon. Deux trains relient ces deux villes avec le nord de l’Italie.
Davantage de trains entre Paris et Lyon, ce sont davantage de places offertes aux voyageurs potentiels, qui ont été au rendez-vous : le taux de remplissage moyen atteint les 70 % depuis le démarrage de l’activité, même s’il est étrangement moins élevé entre Paris et Lyon, de l’ordre de 50 %. « Notre ambition était de faire grandir le marché ferroviaire », proclame le président de Trenitalia France, qui cherche à transposer l’expérience très positive de l’ouverture à la concurrence des trains à grande vitesse en Italie. Entre Rome et Milan, Trenitalia se félicite en effet d’un taux d’occupation de 80 %, alors que le nombre de trains – et de voyageurs – a doublé. « Le marché français est différent, mais les résultats confirment que nous avions raison », ajoute Roberto Rinaudo, en précisant que 37 % de ses voyageurs entre Paris et Lyon n’avaient jamais fait le trajet en train avant l’arrivée des rames rouges Frecciarossa 1000 sur les rails français.
Le précédent Thello
Pour lancer une nouvelle marque, une nouvelle offre et un nouveau service – « nous parlons d’expérience de voyage, de dolce vita à grande vitesse » – Trenitalia n’est pas parti de zéro. L’opérateur italien avait déjà une expérience du marché français : « nous avions Thello depuis 2011 », un train de nuit Paris – Milan – Venise suspendu avec la crise sanitaire de 2020, dont les salariés français ont pu être repris pour assurer les trains à grande vitesse. Plusieurs fois repoussé pour de multiples raisons (homologation du matériel…), le lancement du train à grande vitesse rouge Frecciarossa 1000 a eu lieu fin 2021, alors que toutes les mesures sanitaires n’étaient pas encore levées.
« Nous avions un matériel performant et écologique qui nous a permis de proposer une nouvelle offre sur le marché français », déclare Roberto Rinaudo, qui se félicite de la motorisation répartie des rames Frecciarossa 1000 – alias Zefiro V300, qui autorise une forte accélération (par opposition aux TGV, à motorisation concentrée). Et pour ce qui est du commercial, le choix stratégique « a été validé par nos voyageurs » : simplicité, transparence et lisibilité des prix, offre riche de services dans quatre classes, wifi de qualité, repas à la place, ambiances plus silencieuse dans certaines voitures, restauration variée et de qualité, « avec une âme italienne mais attentive aux demandes françaises ». En effet, l’offre au départ de Paris a été adaptée au marché français, avec davantage de voitures silence, un menu différent…
Un « pari gagnant pour les voyageurs », mais pas gagné d’avance, tant pour la partie technique que pour le recrutement du personnel (150 salariés aujourd’hui) « dans un marché monopolistique où les compétences étaient concentrées par l’opérateur historique ». Et le président de Trenitalia France d’adresser un grand merci au personnel et aux formateurs. Il y a eu aussi le problème des horaires, en fonction des sillons disponibles : « on a pas mal travaillé avec le gestionnaire d’infrastructure ».
Paris-Barcelone-Madrid dans le viseur
Roberto Rinaudo se félicite en outre de résultats « magnifiques » de satisfaction des clients, selon une enquête effectuée en septembre : 98 % des clients, dont près de 60 % voyageaient à bord de Frecciarossa pour la première fois, se disent satisfaits du voyage à bord ; 91 % sont satisfaits du rapport qualité/prix ; 92 % envisagent le train Frecciarossa pour un futur trajet ; 96 % se disent prêts à recommander Trenitalia à leurs proches ; et enfin, les voyageurs se disent très satisfaits du personnel de bord en attribuant une note de 8,4/9.
Mais le futur présente d’autres défis, qu’il s’agisse de la hausse du coût de l’énergie ou du marché des voyageurs professionnels (20 % des clients, plus 20 % pour des raisons à la fois personnelles et professionnelles). Pour le premier point, les gestes d’éco-conduite permettent de profiter de l’énergie au passage des pentes sur la LGV entre Paris et Lyon. De plus, les rames Frecciarossa 1000 sont stationnées pantographes baissés. En contenant ainsi les effets des hausses du prix de l’énergie, Trenitalia France compte ne pas augmenter le prix des billets. Et pour ce qui est des voyageurs professionnels, des précisions doivent être apposées début 2023…
En attendant, les rames Frecciarossa marquent un arrêt supplémentaire à Bardonnèche, en Italie, depuis le 11 décembre. Côté dessertes, aucune autre nouveauté n’est prévue pour 2023, mais de nouvelles relations sont à l’étude : « on n’exclut rien », indique le président de Trenitalia France. La direction confirme qu’une relation Paris – Barcelone – Madrid « fait partie du plan de développement ». Ajoutons que les trains à grande vitesse Frecciarossa ne sont pas la seule activité que Trenitalia France vise à développer, car les TER intéressent aussi l’opérateur : « nous souhaitons participer à des appels d’offres, mais pas tous ». Plus précisément, « nous sommes plutôt intéressés par les régions avec synergies avec la grande vitesse ». En revanche, malgré leur retour en grâce dans le grande public, les trains de nuit ont été une expérience suffisamment contraignante pour que Trenitalia France n’envisage pas d’y retourner pour l’instant.
Tout ceci quels résultats financiers ? « Nous n’avons pas d’objectif de rentabilité, mais de croissance : les bons résultats seront obtenus quand notre offre sera plus robuste et structurée », explique Roberto Rinaudo.
Patrick Laval