« Back to business », a proclamé Jacques Gounon en ouvrant la présentation des résultats du premier semestre 2022 de Getlink, dont il est président du conseil d’administration. Pour autant, ce semestre n’était pas si « normal » : le président de Getlink a rappelé à l’occasion que des contraintes sanitaires étaient encore en vigueur au début de l’année… Bref, ce semestre qui s’achève sur des résultats financiers supérieurs à ceux de la même période en 2019 (EBITDA de 309 millions d’euros, soit 49 millions d’euros de plus) se traduit par un résultat redevenu positif, de 52 millions d’euros. Pour autant, la fréquentation du lien fixe transmanche reste en retrait par rapport à 2019, mais Jacques Gounon assure qu’il y a un « appétit des personnes pour circuler, en particulier les Britanniques ». Ceci alors que l’entreprise ferroviaire du groupe, Europorte, continue à se développer et que l’interconnexion électrique transmanche ElecLink a été mise en service le 25 mai.
Yann Leriche, directeur général de Getlink, précise de quelle manière « les choses reviennent à la normale pour notre groupe », même si l’on se doute qu’une comparaison avec le premier semestre 2021, au cours duquel un troisième confinement est entré en vigueur en France, n’est pas des plus pertinents, en particulier pour le transport de voyageurs. Car si, par rapport à la même période l’an passé, le fret par camion a connu une reprise de 19 %, la croissance du trafic voyageurs est tellement énorme (d’un facteur 3,5 pour les navettes, voire 16 pour Eurostar !) que l’on peut se demander si une telle comparaison a vraiment un sens… S’ajoute une ombre au tableau : le nombre de trains de fret, qui était stable aux premiers semestres des deux années précédentes, a baissé cette année de 13 % (754 trains en six mois).
Reste qu’avec 863 000 passagers dans les navettes Voitures et 3,3 millions sur Eurostar au premier semestre 2022, le trafic voyageurs est indéniablement reparti. Mieux: « nous sortons renforcés de la crise, dont nous avons profité pour innover ou apporter de nouveaux services », ose le DG de Getink, comme « le passage de frontière le plus intelligent du monde ». Avec succès : « plus des deux tiers des clients utilisent nos services digitaux ». Et Yann Leriche de se réjouir que 7 voitures sur 10 traversent aujourd’hui la Manche par Eurotunnel, dont la part de marché est moins importante sur le trafic poids lourds (44 %), mais fait quand même du lien fixe le premier opérateur sur ce marché.
Et « pour mieux connaître nos clients, dont les habitudes de voyage changent », Getlink a conclu un partenariat en marketing et innovation avec Salesforce. Car le contexte est plus instable qu’au cours de la décennie précédente. Non seulement on n’a pas vu une telle inflation depuis longtemps, mais les indices des prix à la consommation varient différemment des deux côtés de la Manche : la hausse est en effet beaucoup plus élevée en Grande-Bretagne (+14 % depuis le premier semestre 2019) qu’en France (+6 %). S’y ajoute la crise énergétique, mais sur ce point, Eurotunnel, qui marche à l’électricité, est mieux loti que les traversées maritimes : « jamais l’écart de prix n’a été aussi faible par rapport aux ferries ».
Avec ElecLink, Getlink se lance dans un troisième métier, après Eurotunel et Europorte, « toujours de gestionnaire d’infrastructure, mais pour transporter des électrons ! ». Le goupe, qui vend la capacité du câble par enchères, constate qu’il y a une différence de coût de l’électricité, que les professionnels appellent « spread », entre la France et la Grande-Bretagne. Et « plus le spread est élevé, plus nous sommes intéressants », explique Yann Leriche.
Dans ce contexte, le DG de Getlink considère que chacune des activités du groupe sont solides. En outre, pour son entreprise ferroviaire Europorte, le train de fret au colza est une réalité, alors que ses locomotives Euro 4000 sont équipées du système européen ETCS pour circuler en Belgique. Pendant ce temps, chez Eurotunnel, la première génération de navettes camions (Breda), qui approche les trente ans d’âge dont près de 28 de service intensif, est progressivement retirée de service. Six navettes doivent être réformées d’ici la fin 2023 (trois l’ont été actuellement), ce qui représente 221 wagons qui doivent être « 100 % recyclés ou valorisés ».
En attendant, Getlink affiche un objectif immédiat : « réaliser un bel été » !
P. L.