Peut-on se passer des herbicides pour désherber les voies ferrées ? Infrabel, qui gère les plus de 8 000 km de voies du réseau belge, bénéficie de dérogations régionales permettant d’employer des substances chimiques « pour des périodes limitées et potentiellement renouvelables ». De ce fait, « Infrabel est toujours responsable de la majorité de l’utilisation des pesticides dans le secteur des services publics en Flandre », selon Zuhal Demir, ministre de l’Environnement de cette région.
Pour autant, le gestionnaire d’infrastructure belge explore depuis 2019 plusieurs pistes moins nocives pour l’environnement, en commençant par des aménagements préventifs, défavorables à la pousse de mauvaises herbes, lors des travaux de renouvellement. Alors que sur les voies « accessoires » (gares de triage, par exemple), le désherbage mécanique (fauche, sarclage ou arrachage), devrait permettre à Infrabel de diviser par deux les surfaces traitées par désherbant d’ici fin 2023. Mais ces techniques exigeantes en temps et en moyens ne pourraient pas être généralisées pour désherber les voies principales, sur lesquelles d’autres solutions « techniquement et économiquement réalistes » font donc l’objet de recherches. En particulier le « train eau chaude made in Belgium », qui termine sa deuxième saison de tests dans l’est du pays (une présentation a été faite à Visé, au nord de Liège, sur la ligne entre Anvers et la frontière allemande), après quelques essais limités, l’automne dernier. Ce train offre « des perspectives prometteuses » dans le désherbage des infrastructures, selon Benoit Gilson, CEO d’Infrabel.
C’est en Suisse que le gestionnaire d’infrastructure belge a trouvé son inspiration pour développer son propre train eau chaude, décoré du logo Infrabel et de la formule chimique H2O. Long de 180 m, ce convoi se compose de deux locomotives diesel (série 62) encadrant cinq wagons. Trois de ces wagons sont des citernes, « bien isolées », d’une capacité totale de 3 fois 50 000 litres d’eau portée à 90°C. Les deux autres wagons transportent le dispositif de chauffe, un groupe électrogène et des ordinateurs qui pilotent le système de déversement (deux buses sont situées de part et d’autre des citernes pour traiter les pistes de sécurité latérales, alors que les quartre autres se trouvent sous les citernes pour traiter spécifiquement le ballast).
Dans sa configuration actuelle, le train circule à 20 km/h, vitesse « suffisante pour ne pas gêner le trafic des trains », selon Infrabel. Plusieurs dizaines de kilomètres peuvent être traités par jour, à raison de 3 à 6 mètres cubes d’eau chaude par km. Dans certaines zones, notamment « celles ou la biodiversité est particulièrement riche aux abords des voies », seul le ballast est traité, ajoute Infrabel, qui précise qu’à raison de 3 à 4 passages par an, contre 2 lorsque l’on emploie des herbicides, l’usage d’eau chaude pourrait suffisamment ralentir la croissance de la végétation.
Les premiers tests seront prolongés, au cours des deux ou trois prochaines années, « principalement sur une partie de l’axe Anvers-frontière allemande », le temps aussi que ce train-prototype devienne « écologiquement plus performant ». Infrabel indique qu’à l’avenir, l’eau sera chauffée « à l’aide de pellets ou d’une pompe à chaleur, avant le départ du train ». Un dispositif informatique de détection de la végétation, recourant à l’intelligence artificielle, actionnera les pompes de façon autonome afin de réduire les quantités d’eau utilisées.
Pour autant, le train à eau chaude n’est pas la seule piste explorée par Infrabel pour le désherbage. « Deux millions d’euros supplémentaires ont été accordés à Infrabel pour accélérer la recherche de solutions durables et innovantes dans ce domaine », ajoute Georges Gilkinet, ministre fédéral belge de la Mobilité. Car à terme, le gestionnaire su réseau belge compte avoir recours à une combinaison de solutions, « comme l’acide pélargonique et le train à eau chaude, auxquelles s’ajouteront peut-être de nouveaux bio-herbicides performants ou des systèmes électriques encore en cours de développement ».
P.L