« Ceci n’est pas une renationalisation. C’est plutôt une simplification ». C’est par ces deux mots-clés que Grant Shapps, secrétaire d’Etat britannique aux Transports a résumé la réorganisation des chemins de fer britanniques présentée dans le nouveau plan dont il est co-signataire, intitulé Great British Railways – The Williams-Shapps Plan for Rail. Un plan très attendu, suite à l’annonce de la fin du système des franchises britanniques, en septembre dernier. Résumant le nouveau plan, le ministre conservateur a précisé qu’une renationalisation aurait été le retour à une solution « qui a mené les chemins de fer à l’échec » ; un message de toute évidence destiné à l’opposition travailliste et, plus largement, à tous les partisans d’un retour à la situation antérieure au milieu des années 1990.
Un nouvel organisme public baptisé GBR
Comme son titre le laisse deviner, et conformément aux annonces de septembre dernier, la pièce maîtresse du plan Williams-Shapps est la création d’un nouvel organisme public, Great British Railways (GBR), responsable de l’intégration du système ferroviaire britannique (et non du Royaume-Uni, l’Irlande du Nord n’étant pas concernée). Outre la gestion des infrastructures, ainsi que l’exploitation et la gestion des sillons sur le réseau, actuellement sous la responsabilité de Network Rail, GBR assurera également la gestion des gares, la perception des recettes d’exploitation, ainsi que l’établissement de la plupart des tarifs et des horaires, rôles actuellement assurés par de multiples acteurs, tant publics que privés. Enfin, GBR jouerait un rôle d’autorité organisatrice nationale, tout en laissant une grande latitude aux collectivités ou aux Autorités organisatrices issues de la dévolution pour la définition des dessertes ou des tarifs, les actuelles franchises accordées par le ministère britannique des Transports (DfT) étant destinées à être remplacées par des contrats d’exploitation.
« La plupart du temps, GBR signera des contrats avec des entreprises privées pour exploiter des trains avec les horaires et les tarifs qu’il aura spécifiés, d’une façon similaire à ce qui est fait par Transport for London (TfL) sur l’Overground et ses bus, avec succès », est-il écrit dans la préface du plan Williams-Shapps. Réseau de trains orbitaux et de banlieue constitué ces quinze dernières années dans la proche périphérie de Londres et actuellement exploité par Arriva (sur des lignes dont TfL est partiellement propriétaire, mais aussi sur le réseau ferré national), l’Overground est actuellement un des services ferroviaires ayant souvent les meilleurs résultats dans les enquêtes de satisfaction réalisées par l’organisme indépendant Transport Focus auprès des usagers britanniques.
Disparition de Network Rail
Comme on le voit, si les franchises ont vocation à disparaître, ce n’est pas le cas des entreprises privées dans la nouvelle organisation. En revanche, cette dernière devrait d’emblée faire disparaître le principal organisme public du paysage ferroviaire britannique actuel : le gestionnaire d’infrastructure Network Rail, qui devrait être absorbé en 2023 par Great British Railways. Ce dernier centraliserait, outre les revenus, les subventions versées par le DfT et par d’autres financeurs publics. Et le nouvel acteur aurait également pour rôle de simplifier et de (re)centraliser la structure des tarifications pratiquées sur le réseau ferré britannique, tout en assurant une meilleure intégration intermodale avec les autres transport publics ou le vélo. La conception des horaires et l’information destinée aux voyageurs devrait également être centralisée. Les entreprises privées garderaient quant à elles un rôle de prestataire de services pour le compte de GBR ou des Autorités organisatrices issues de la dévolution en cours outre-Manche, qui auraient leur mot à dire dans les décisions de GBR, Enfin, l’organisme de défense des usagers Transport Focus devrait se voir attribuer un rôle de conseiller auprès du secrétaire d’Etat pour les priorités concernant les voyageurs.
Pour ce qui est du fret ferroviaire, Grant Shapps estime qu’il n’y a pas vraiment besoin de redresser un secteur qui fonctionne déjà bien, est en grande partie privé « et le restera ». L’objectif serait plutôt de l’aider à se développer, avec une coordination, un soutien et des garanties supplémentaires au niveau national. À cet effet, le plan Williams-Shapps envisage de créer « une équipe de coordination nationale du fret au sein de GBR en tant que point de contact unique pour les opérateurs de fret et leurs clients sur tout le réseau ». Cette équipe aiderait en particulier à « intégrer le fret dans les décisions stratégiques », qui comprennent en particulier la modernisation et l’électrification du réseau ferré.
Peu de place pour l’open access
Enfin, on notera que le plan Williams-Shapps est très vague sur les opérateurs en open access, qui n’ont pas vraiment prospéré du temps du système britannique des franchises, alors qu’ils étaient en plein développement ailleurs en Europe avant la crise sanitaire. En effet, alors qu’en Italie, en Suède ou en Allemagne, les nouveaux entrants se sont généralement lancés sur des dessertes reliant entre elles les principales villes du pays, en concurrence avec les entreprises « historiques », les trains britanniques hors franchises assurent généralement des relations directes « oubliées » par ces franchises, entre Londres et des villes de moyennes ou petites tailles, d’où des fréquentations plutôt faibles… Évoquées moins de dix fois tout au long de la centaine de pages que compte le plan Williams-Shapps, les dessertes en open access « seront également étudiées là où il restera de la capacité » est-il écrit au point 25 des 62 engagements listés en fin de l’ouvrage. On ne saurait dire plus élégamment que les opérateurs de trains de voyageurs hors du cadre, s’ils ne sont pas exclus, ne ramasseront que les miettes !
P. L.