La ville 30 : une mise au pas qui séduit les maires
Et si la ville tout entière devenait un quartier tranquille ? C’est l’idée qui préside à cette nouvelle tendance : la ville 30. Le principe est simple : la règle dans le périmètre urbain est de limiter la vitesse à 30 km/h ; les 50 km/h deviennent l’exception, réservée à quelques grands axes traversants. L’idée, née à Graz en Autriche en 1992, est un succès en Suisse alémanique où toutes les grandes villes, de Berne à Zurich, s’y sont converties. « Aux Pays-Bas, 70 % des voies urbaines du pays sont limitées à 30 grâce au cofinancement de l’Etat », explique Alain Rouiller, conseiller en mobilité à l’Association Transports Environnement (ATE). Chez nous, les zones 30 se multiplient depuis les années 90, mais la ville 30 a été inventée par Fontenay-aux-Roses en 2005, suivie par Nogent-sur-Marne, et plus récemment, Villecresnes, Fontainebleau ou Rueil-Malmaison.
Même si « le président des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian, a une conception de la ville “tout auto”, nous avons réussi à créer l’exemple, s’enorgueillit Pascal Buchet, maire socialiste de Fontenay et conseiller général d’opposition. Sceaux s’y est progressivement mise, Clamart commence, Malakoff aussi ». Autres aficionados : Aytré, Lorient, Toulouse, sans doute bientôt Dijon et Montreuil-sous-Bois, sans oublier Strasbourg qui l’a annoncé récemment pour la fin de l’année. Neuf fois sur dix, la décision est motivée par des impératifs de sécurité routière. Car le point ne fait pas débat : la probabilité pour les cyclistes ou piétons d’être tués lors d’une collision avec une voiture croît nettement avec la vitesse.
« Un piéton heurté à 30 km/h meurt dans 15 % des cas, mais renversé à 50 km/h, le risque de décès est de 85 %, explique Benoît Hiron, chef du groupe sécurité des usagers et déplacements au Certu. A 30 km/h, il faut 13 m pour stopper une voiture, à 50 km/h, 26 m sont nécessaires dont 14 m de temps de réaction. » Et c’est pire sous la pluie : selon le baromètre Axa Prévention, il faudra non plus 26 mais 38 mètres à une voiture lancée à 50 km/h pour s’arrêter sur chaussée mouillée. De fait, les villes converties constatent qu’elles ont moins d’accidents et qu’ils sont de gravité moindre. Pour les automobilistes impénitents, de nombreuses astuces les contraignent à lever le pied. Ces aménagements n’ont pas besoin d’être somptuaires. « En Suisse, il y a très peu d’aménagements, mais les zones 30 sont étendues et l’argent va à la sécurisation des axes à 50, où demeurent les problèmes, explique Alain Rouiller. Quand on mise tout sur les aménagements de zone 30, on ne peut pas traiter toute une ville… » Efficace et peu cher, le stationnement en chicane tous les 50 m, ou la mise en double sens de rues précédemment à sens unique, même si les véhicules ne peuvent pas s’y croiser : « C’est radical pour éviter le trafic de transit ».
« On doit souvent se justifier pour demander des limitations à 30, mais la vraie question est plutôt pourquoi 50 km/h dans les quartiers et centres-villes ? », estime pour sa part le groupe de conseil suisse Rue de l’Avenir. Du fait des nombreux ralentissements dus aux feux, stop, manœuvres etc. les pointes à 50 n’ont presque aucun effet sur les temps de parcours : « en milieu dense, un trajet a un profil de vitesse en dent de scie et la vitesse moyenne est de 18,9 km/h. Si l’on passe à une limite à 30 km/h, on supprime simplement les pointes, soit une vitesse moyenne de 17,3 km/h ». En théorie, en zone urbaine, une baisse de 40 % de la limitation de vitesse entraîne une diminution de 10 % de la vitesse moyenne et une hausse de 10 % du temps de parcours. C’est d’ailleurs ce qu’on constate généralement sur le terrain, en plus d’une fluidification globale du trafic. « La limite à 50 km/h en milieu dense a très peu d’utilité avec des gains de l’ordre de 10 à 15 secondes par kilomètre parcouru, poursuit Rue de l’Avenir. En revanche, l’impact sur la consommation de carburant est énorme : 65 %. » Sur la consommation, donc sur la pollution. De quoi tordre le cou aux arguments des provoitures qui affirment qu’à 30, un véhicule roulera en seconde, avec un régime moteur élevé et énergivore. Voilà pourquoi tous les quartiers ont vocation à être en zone 30. D’ailleurs certaines villes passent déjà à l’étape suivante, la « zone de rencontre » à 20 km/h…
TOULOUSE : Zones 30 étendues en toute discrétion
«Notre objectif est l’apaisement de la circulation, le partage de la voirie et un report modal en faveur du vélo et de la marche, explique Joël Carreiras, président socialiste de la commission déplacements et transports du Grand Toulouse. Le centre-ville, les sites scolaires, les zones commerciales et résidentielles ont vocation à avoir un accès et des mobilités où les modes doux seront prioritaires par rapport à l’automobile. Les zones 30 sont des éléments de cette politique globale, comme les zones piétonnes ou les aménagements vélos. »
Quel pourcentage de la voirie les élus toulousains prévoient-ils de passer en zone 30 ? Mystère. On préfère ne pas l’afficher, car ici on réduit la place de l’automobile sans trop le dire. « Strasbourg, qui a une culture vélo, peut affirmer des objectifs comme 70 % de la voirie en zone 30 et le partager avec ses concitoyens, décrypte Philippe Goirand, élu écologiste au Grand Toulouse en charge du vélo. A Toulouse, on reste dans une culture automobile : on a plus intérêt à être modeste dans l’affichage des objectifs et à faire un travail de fourmi. Cependant, je ne serais pas étonné qu’on arrive dans quelques années au même résultat que Strasbourg et qu’il ne reste que les grands axes à 50 km à l’heure. C’est réaliste. »
Fin 2010, 326 km étaient en zone 30 dans la communauté urbaine du Grand Toulouse. A Toulouse même, 243 kilomètres étaient concernés, contre 200 km deux ans plus tôt, notamment tout l’hypercentre, entre les boulevards et la Garonne, hors grands axes, soit 26,7 % de la voirie. Depuis le décret de juillet 2008, un tiers des zones 30 (102 km) est passé en double sens cyclable et 40 % sont en cours d’études. « Nous accélérons la mise en œuvre, mais le délai de deux ans était très court, avec les obligations de sécurisation et de vérification de l’efficacité des dispositifs », explique Joël Carreiras.
Une zone test répondant à la nouvelle définition des zones 30 ave
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Publié le 20/03/2024
Publié le 20/09/2021