Le cadencement à pas comptés
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le cadencement
1 Après le big bang, la contraction
Comment faire passer auprès du public un radical changement d’horaires ? Première option, dramatiser. Façon de prendre le public à témoin du chamboulement, d’en vanter les avantages, mais aussi d’alerter sur les risques de l’opération. C’est la communication big bang. Deuxième option, euphémiser, tenter de faire passer en douce. Solution intermédiaire : dire grosso modo la vérité. C’est le parti finalement pris après une valse-hésitation. Il y a eu la fronde des usagers des trains, la crise de la régularité : ce n’était pas le moment de jouer à chamboule-tout. Si on n’a jamais vraiment promis le big bang (de crainte d’un effet boomerang), le 11 décembre 2011 a souvent été présenté comme le point de départ du cadencement généralisé. RFF tenait ce langage, même si, rappelle Yann Le Floch, le Monsieur cadencement du gestionnaire d’infrastructure, il a toujours précisé prudemment qu’il s’agissait du début d’un processus. Le début sans doute, mais la nuit du 10 au 11 décembre était quand même le grand soir des horaires. Aujourd’hui, l’euphémisation l’emporte dans l’appellation retenue : « service annuel 2012 ». Comme si c’était l’équivalent du service 2010 ou du service 2011. Or, le changement va être beaucoup plus profond. RFF, la SNCF et l’Etat vont largement communiquer pour présenter les nouveautés et en expliquer les raisons. Au bout du compte, on sera passé d’une première présentation assez ultra et centrée sur le cadencement à une présentation dans laquelle le cadencement n’apparaît que comme l’un des volets du dispositif. D’une communication qui pouvait être inquiétante à une autre qui se veut apaisante. Donc, comme on dit du côté de la SNCF pour présenter les futurs horaires en réfutant l’idée d’un big bang du cadencement : « Ce n’est pas que ça, et c’est moins que ça. » Alors, c’est quoi ? Réponse au paragraphe suivant.
2 Qu’est-ce qui change ?
Au prochain service, 85 % des sillons vont bouger. Et RFF a réorganisé en profondeur 15 000 à 20 000 sillons sur un total de 40 000. Quelle mouche a piqué le gestionnaire d’infrastructure ? Il y en a plusieurs : pour commencer, les débuts du TGV Rhin-Rhône. De plus, il va falloir reprendre la ligne classique Tours – Bordeaux, et déjà préparer le chantier de la LGV SEA. C’est du fait de ce double rendez-vous que RFF a considéré que le moment était venu de franchir le pas : puisqu’il faut quasiment tout revoir, autant tout reprendre de fond en comble. Les travaux eux-mêmes vont être conduits d’une nouvelle façon. Il s’agit, dit-on à la SNCF, de mettre en place un nouveau « système de gestion de la capacité du réseau pour les travaux en fenêtres de disponibilité », offrant des plages de temps plus importantes que les classiques « blancs travaux ». Ces derniers laissent des plages d’une heure cinquante. Avec le nouveau système, on dispose de trois heures ou plus. Les blancs travaux se glissent mieux dans les horaires ; mais il faut « rendre la voie » très vite, et la productivité du système est faible. Le nouveau système est plus efficace, mais il consomme beaucoup de sillons d’un coup.
On peut encore ajouter, parmi les nouveautés, que sur certaines sections de lignes, notamment sur le Nord, RFF doit préparer l’ouverture du réseau, et donc dégager des sillons pour des opérateurs en droit de se présenter.
3 Le cadencement, qu’est-ce que c’est ?
RFF et SNCF sont d’accord sur la définition. On parle de cadencement si et seulement si on a sur une relation sept trains au moins par jour dans un horaire répétitif, et cela 200 jours au moins par an. Sept trains par jour, soit, au minimum, un train toutes les deux heures. Selon cette définition stricte, 8 % des TER sont aujourd’hui cadencés, ils seront 16 % au prochain service. Les TGV, qui donnent en fait la cadence à l’ensemble du réseau, sont aujourd’hui moins de 10 % à être cadencés ; ils vont passer à 30 %.
4 Ne pas confondre mise en ordre et mise en rythme
La définition ci-dessus est stricte. Mais que se passe-t-il quand on a six trains par jour circulant dans le même horaire (ou ayant pour être plus précis le même repère minute), et non pas sept ? On peut avoir toute une gamme de trains qui ne sont pas strictement cadencés même s’ils s’inscrivent dans une trame dont les sillons disponibles, s’ils étaient activés, formeraient une desserte cadencée. SNCF et RFF parlent en ce cas de desserte structurée ou de grille organisée. On pourrait dire que les sillons de cette trame sont cadencés en puissance, mais qu’ils ne le sont en acte qu’une fois franchi le seuil de sept trains. Ou, comme le dit Yann Le Floch pour qualifier les trains qui se trouvent en deçà de ce seuil, ils sont « mis en ordre » mais ne sont pas « mis en rythme ». Au prochain service, 60 % des TGV vont se loger dans cette grille organisée, la moitié d’entre eux étant au sens strict cadencés, comme on l’a vu ci-dessus. Ce sera le cas de 30 % des TER dont, une fois encore, la moitié sera précisément cadencée.
On a donc essayé de mettre en ordre tout ce qui peut l’être, dit-on à RFF. C’est dire que tout ne se prête pas à la structuration. Par exemple, les trains de fret de nuit. Et puis, un conseil régional peut juger, sur une desserte très lâche, qu’il n’est pas utile de changer des horaires pour se plier au cadencement général, au risque de manquer par exemple la sortie d’un collège. Or, si la ligne est peu fréquentée, personne ne peut prétendre que la non structuration locale gêne le bel ordonnancement global. Aussi les conseils régionaux demandent-ils en certains cas qu’on fasse « vibrer le cadencement », comme on dit à RFF. Au total, RFF, qui s’est engagé dans la démarche depuis 2006 a mené avec les partenaires du transport plus de 500 réunions au cours des deux dernières années, reprenant des horaires à plusieurs reprises. Ceci n’empêche pas certains élus de trouver que le changement vient d’en haut. Remarque inévitable, puisque ce sont les trains à grands parcours qui sont la colonne vertébrale du graphique. Les TGV donnent le la.
5 Effet papillon dans le chemin de fer péninsulaire
Au bout du compte, tout l’Hexagone va se trouver, plus ou moins, mis au pas cadencé… sauf les régions qui ne le seront pas du tout. Résolument, la Bretagne et les Pays de la Loire ne sont pas de cette fournée. Elles préfèrent attendre la future ligne à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire pour refondre leurs horaires. A la SNCF on mentionne encore, comme semi-exception, l’Aquitaine qui, du fait des travaux très importants « bénéficiera d’un régime adapté ». RFF signale que la Champagne-Ardenne et la Lorraine vont attendre la deuxième phase de la LGV Est pour emboîter définitivement le pas aux autres régions.
La Bretagne, c’est sûr, attend son heure. Et pourtant, à défaut de LGV bretonne, la LGV Rhin-Rhône aura des effets sur le TER breton. En effet, la future desserte comportant des TGV d’interconnexion vers la Bretagne, l’ensemble de la trame bretonne des TGV se trouve affectée… d’où le changement de la moitié des horaires des TER bretons.
Cela dit, il y a des changements liés au TGV qui n’en sont pas vraiment. Par exemple sur la ligne C du RER. Le changement essentiel, c’est une rotation de 7 minutes : du fait du passage à Massy de nouveaux TGV d’interconnexion, tout se trouve décalé. Un train de 8 h sera programmé à 8 h 07, et ainsi de suite. Mais comme les intervalles entre les trains ne changent pas, la desserte reste structurellement stable. Quant à la région Rhône-Alpes, elle aussi doit réaménager ses horaires mais le fait d’être passé au cadencement la première lui permet de ne pas tout reprendre de zéro.
6 Attent
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Publié le 27/02/2025 - Sylvie Andreau
Publié le 05/02/2025 - Nathalie Arensonas