CBTC : le système qui fait passer un train toutes les 90 secondes
Personne n’est parfait. Les professionnels du transport raffolent de sigles. Par exemple CBTC. Ceux qui ne savent pas ce que ça veut dire n’ont pas envie de le reconnaître. Et les rares qui savent tout jugent que le système est tellement trivial que ce n’est pas la peine de s’en expliquer. De quoi parle-t-on ? Dit très sommairement, dans un langage qui va faire bondir les ingénieurs, d’un système de signalisation ferroviaire, pertinent pour les besoins les plus denses (métros et RER), fondé sur la communication (essentiellement radio, même si on range communément la ligne 14 du métro parisien, dont la communication se fait par le tapis, au nombre des CBTC). Avantage du système : il permet de resserrer l’intervalle entre les rames, en passant à 90 secondes. Ce qui permet d’augmenter la capacité d’une ligne existante, donc de retarder la mise en œuvre de travaux d’infrastructures, voire de s’en passer. Cela peut aussi permettre de mieux desservir une ligne à parc égal, voire d’offrir une desserte identique à parc réduit. Ou de livrer d’emblée une ligne flambant neuve avec d’énormes capacités.
Il y a un an et demi, à Dubaï, chez Thales, qui célébrait les 25 ans du système de Vancouver, et qui a fait des systèmes de « Rail Control » son cœur de métier, on glissait : le BTP ne nous aime guère… Aujourd’hui, le ton n’est pas le même. Car l’histoire accélère. L’innovation dont on célébrait l’anniversaire est devenue, nous dit-on chez Alstom, « l’état de l’art » dans le domaine de la signalisation des métros. La niche d’hier est maintenant une option par défaut. Plus question de l’ignorer.
En France, le CBTC est bien présent dans les métros parisiens. C’est sur un système de ce type (dont a hérité Thales, via Alcatel) que la ligne 13 compte sur sa désaturation. En partie seulement, car le grand rendez-vous pour la ligne sera le prolongement de la 14. Et sans succès jusqu’à présent, car le système pourtant éprouvé dans son principe a eu du mal à s’adapter à la ligne parisienne surchargée. D’où une communication longtemps très prudente de la RATP, gênée aux entournures par les retards de la 13 et de son système Ouragan. La parole est maintenant plus facile depuis que la ligne 1 est automatisée avec succès, que la ligne 3 a été rénovée, que la 5 et la 9 doivent suivre, en se fondant toutes sur un système CBTC.
En France, un prochain grand rendez-vous va concerner la région capitale. Le futur prolongement du RER E jusqu’à La Défense par une ligne nouvelle en tunnel devrait être doté d’un CBTC. Devrait ? Le conditionnel est de mise, car un système ferroviaire ERTMS complété par un système de conduite automatique des trains pourrait aussi être envisagé. Mais la solution ne semble pas convaincre les responsables du futur système d’exploitation, appelé Next (acronyme que les professionnels écrivent NExT, pour « nouvelle exploitation des trains »). Elle n’a pas convaincu ceux du projet londonien CrossRail qui, pour leur « RER » ont explicitement demandé un CBTC, dont l’industriel devait être désigné le 25 octobre. En Ile-de-France, après Eole, le système retenu pourrait ensuite être adapté et étendu à d’autres lignes de RER. RFF et la SNCF, qui travaillent ensemble sur Next y pensent, mais ne veulent pas s’avancer, afin de ne pas donner l’impression de forcer la main au Stif. Mais, pour ne pas « insulter l’avenir », il faut bien se préparer à répondre aux futurs besoins. La RATP a des liens de très bon voisinage avec le plateau commun RFF/SNCF. Car l’éventuelle migration du futur Next la concerne directement, pour les RER A et B. Bref, mieux vaudrait, même si les systèmes restent distincts, qu’ils aient des éléments communs.
Cela ne va pas de soi, car le CBTC n’est pas standardisé. Les systèmes ont été développés dans le monde entier pour les besoins de lignes de métro précises, qui sont pour la plupart des ensembles fermés. Et, même dans le cas d’Octys (lignes 3, 5 et 9), la RATP vise une interchangeabilité des éléments, sans aller jusqu’à la standardisation dont elle n’éprouve pas le besoin, puisque les lignes sont exploitées indépendamment. D’ailleurs, la standardisation n’est pas une garantie. On peut la développer, ce qui est coûteux, et être peu à peu amené à dériver pour répondre aux besoins de chaque réseau. En témoigne ERTMS, conçu comme un standard, mais qui, en s’adaptant peu à peu à des besoins nationaux, a tendance à offrir autant de versions qu’il y a de pays.
Une exception toutefois. Et non des moindres. C’est le métro de New York, dont l’exploitation ne se fait pas ligne par ligne, mais en réseau. D’où le besoin d’un CBTC standard. Il a été déployé pour commencer sur deux lignes qui ne communiquent pas, Canarsie et Flushing, mais doit maintenant être installé sur une ligne où l’interopérabilité va être requise. New York apparaît comme un évangélisateur de la standardisation ? Sans doute, mais ce serait d’une standardisation née des besoins de New York.
Qu’on se fonde sur New York ou non, il y a un besoin qu’il va falloir satisfaire. C’est de faire communiquer sur une même ligne les systèmes conçus pour les trains en zone dense et ceux conçus pour les zones moins denses. C’est toute la question des RER. C’est celle de CrossRail ou de Next, qui acquiert donc une grande importance pour l’évolution du système CBTC. Ce qui fait le RER, c’est la juxtaposition de transport urbain et périurbain. Pas question de déployer un CBTC sur l’ensemble d’une ligne. On la réserve au tronçon central, où les besoins en capacité sont les plus forts. Mais il faut que l’on puisse poursuivre. Donc dialoguer. La Commission européenne est prête à donner de l’argent à des systèmes modernes de signalisation, pour peu que ceux-ci veulent bien s’unifier. La question qui pourra se poser ensuite est : lequel l’emporte de l’ERTMS ou de CBTC ? Cela n’a l’air de rien mais, chez Thales, on affirme que l’ERTMS doit s’effacer devant le système le plus moderne. Là où les Européens, très forts dans le domaine, ont un temps d’avance sur leurs concurrents. En tête des professionnels de la signalisation, on trouve Thales et Siemens, dont chacun revendique la première place de leader mondial et qui totaliseraient à eux seuls la moitié d’un marché évalué à 1,4 milliard d’euros annuels (estimation Thales, pour le CBTC, sur un ensemble de 1,8 milliard pour la signalisation dans le transport urbain). Dans ce domaine, on relève aussi des constructeurs, Alstom et Bombardier, mais aussi des spécialistes comme Ansaldo STS, Invensys… et même Areva. L’industrie européenne, avec un savoir-faire français très forte dans le secteur, ne souhaite évidemment pas être rattrapée par les Chinois, les Japonais, qui veulent d’autant moins rester en retard que les grands besoins de transport urbain sont asiatiques. Parmi d’autres concurrents, on remarque aussi les américains de General Electric. GE dont on relève la présence, dans une mission de conseil, sur le dossier Next. Dossier français, mais déjà, comme la plupart des sujets de transport urbain, dossier global.
F.D.
CBTC versus ERTMS
Le CBTC (Communication Based Train Control) est un produit né du transport urbain. L’ERTMS (European Rail Traffic Management System), du ferroviaire. Ces systèmes permettent de donner des ordres de marche en fonction de l’état des enclenchements d’itinéraires et des circulations. Le concept est en gros le même, explique Claude Andlauer, responsable de l’ingénierie des systèmes de transports à la RATP. « Cependant, il existe une différence fondamentale : ERTMS est défini comme un système interopérable, autorisant des trains de différentes provenances sur une même infrastructure. Les systèmes sol et bord sont donc des ensembles distincts, et le mode de transmission sol-bord régule les performances globales que peut atteindre le système. Le CBTC, lui, est défini pour un monde fermé – une ligne de métro –, en exploitant au maximum les performances des infrastructures. En conséquence, le système est défini comme un ensemble intégré tirant le meilleur parti de la transmission sol-bord. » Dans le CBTC, poursuit-il, « chaque train est en permanence connecté à l’infrastructure sol, en temps réel et en continu. Le système est défini pour tolérer un “trou de transmission” de 6 secondes. Au-delà, on arrête le train en urgence. Tandis que l’ERTMS utilise un mode de connexion à la demande. Le trou de transmission tolérable est alors beaucoup plus important, limitant ainsi les possibilités de rapprochement des circulations ».?
L’ERTMS peut-il s’adapter à l’automatisation de la conduite des trains ? Selon le même expert, « l’ERTMS assure nativement les fonctions de protection de la conduite en mode manuel : contrôle de l’espacement des trains, de vitesse et de franchissement et, suivant le niveau de définition proposé par la norme, permet aussi de rapprocher les circulations. La fonction de pilotage automatique avec conducteurs fait partie des possibilités du CBTC, pour autant l’ERTMS pourrait le faire dès le niveau 2 de la norme, qui prévoit une transmission continue train-sol via une radio GSM-R. Par contre, l’automatisation des circulations sans conducteur correspond à un besoin essentiellement urbain, que l’ERTMS n’a pas vocation à couvrir. »
Les souhaits des donneurs d’ordres
RFF/SNCF : le projet pour Eole devrait être déployé sur d’autres lignes
Pour le prolongement d’Eole à l’ouest, le calendrier est tenu. L’appel d’offres du matériel roulant, avec une tranche ferme de 71 rames est parti cet ét
Le dossier complet est réservé aux abonnés ou aux détenteurs d’un porte-monnaie électronique, connectez-vous pour y accéder.
*Formule numérique sans engagement à partir d’un 1€ par mois !
Publié le 22/01/2025 - Yann Goubin
Publié le 19/07/2024
Publié le 05/07/2024