Inde, Golfe, Brésil… La ruée vers le transport
A la fin de sa vie, Claude Lévi-Strauss disait au Monde : « Nous sommes dans un monde auquel je n’appartiens déjà plus. Celui que j’ai connu, que j’ai aimé, avait 1,5 milliard d’habitants. Le monde actuel compte six milliards d’humains. Ce n’est plus le mien. » Il tenait ces propos en 2005. Quatre ans plus tard, à l’âge de 100 ans, il disparaissait. Neuf milliards d’habitants sont attendus pour 2050. Les deux tiers vivront dans des villes. C’est le cas de la moitié depuis 2007. Ils étaient 1 sur 10 en 1900. Selon les chiffres de l’ONU de 2014, 54 % de la population mondiale vit dans des zones urbaines. En tête, Tokyo 38 millions. Puis, Delhi avec 25 millions, Shanghai, 23, Mexico, 21, Bombay, 21, São Paulo, 21, Osaka, 20. Des organismes différents donnent des résultats tout autres, selon ce qu’on prend en compte. Exemple : Chongqing, en Chine, pourrait sembler avec 32,8 millions d’habitants (selon Xinhua) l’une des plus grandes villes mondiales. Mais la municipalité a autorité sur un vaste territoire qui englobe des zones rurales, et l’agglomération ne compte, si l’on peut dire, que huit millions d’habitants.
Quoi qu’il en soit la croissance semble inexorable. Elle est diversifiée. Tokyo se tasse, alors que Dacca, Karachi ou les grandes villes indiennes sont appelées à devenir énormes. Eau, approvisionnement, déchets, pollution, congestion. Cette croissance représente des défis inouïs.
Le smog jaunâtre de Pékin est célèbre. La capitale chinoise ne fait pourtant pas partie des métropoles les plus polluées. On cite, parmi celles-ci, Moscou, Mumbai, Delhi, Karachi, Dacca, Mexico, Lagos… Mais cela vient aussi de mesures qui sont faites et publiées par les autorités chinoises, ce que ne font ni l’Inde, ni le Pakistan. Toujours est-il qu’en 2014, selon l’OMS, se fondant sur la moyenne annuelle des particules fines (PM10), les deux villes les plus polluées étaient pakistanaises, Peshawar, et Karachi, et la troisième afghane, Mazar-e Charif.
Autre volet, la congestion. Les économistes attentifs font tant bien que mal le compte de ce que coûte au PIB d’un pays le trafic jam. Les habitants, comptent plus simplement et voient qu’il leur faut parfois deux, trois heures pour se rendre à leur travail. Selon un indice établi par TomTom sur la base du GSM, les plus congestionnées sont Istanbul, Mexico, Rio de Janeiro, Moscou, Salvador, Recife, Saint-Pétersbourg… Une fois encore, le classement est indicatif. Les villes indiennes ne sont pas prises en compte.
Pollution, congestion : nombre de villes frôlent l’asphyxie. Et la croissance va les rendre encore plus invivables. Ces deux maux ont un remède : le développement du transport public.
C’est un des défis de ce temps. Une première étape consiste à mettre des bus. C’est ce que l’on voit par exemple en Afrique noire. Pierre Mongin, venu s’exprimer devant le Club VR&T le soulignait. Il pensait alors à Lagos, mais c’est aussi, dans un contexte différent, ce qui se produit aujourd’hui à Riyad. Or, cela ne va pas de soi. Il faut que les gens prennent l’habitude des arrêts, des fréquences, des tarifs.
Il faut aussi que l’organisation préalable, spontanée, cède la place à une conception d’ensemble. Avant, existent comme en Inde les rickshaws ou, en Amérique latine, des petites entreprises de bus avec des règles de concurrence à couteaux tirés. Curitiba, Bogotá, Santiago ont inventé avec le BRT un vrai système de transport public. Affirmation d’un système, mise en place d’axes lourds. Ce qui est intéressant, c’est que le BRT qui apparaissait la solution n’est qu’une étape. Le BRT ? Un bus qui fait du métro, disait-on. Pas tout à fait, puisque Bogotá ne peut plus se satisfaire de la solution et passe au métro.
Le métro c’est la grande affaire. 38 villes en Chine ont eu le droit d’en construire un. En 2030, selon des chiffres communiqués par Emmanuel Vivant, PDG de RATP Dev Transdev Asia, les métros chinois devraient totaliser 7 000 km, soit la moitié du kilométrage mondial. Les tramways qui ne font que commencer devraient suivre : 5 000 km sont prévus à cette même date. C’est énorme, mais 100 villes chinoises au moins comptent plus d’un million d’habitants.
Dans le Golfe, où la densité n’est pas un problème, le passage de Dubaï au métro est apparu comme une surprise. S’agissait-il de répondre à un besoin ? Pas tant que cela. La première raison, c’était l’ostentation. Au moins cela a permis d’inventer une réponse à une question qui finit par se poser, à Dubaï comme chez le grand voisin. Car la grande affaire, dans la zone, c’est bien la conversion (le terme s’impose, même s’il semble malencontreux) de l’Arabie saoudite au transport public. Population relativement nombreuse, chômage menaçant, encombrements qui soulignent les limites de l’automobile, ce que le prix dérisoire de l’essence ne saurait faire.
Sans souci d’exhaustivité, nous faisons dans ce numéro un petit tour d’un monde qui change extrêmement vite. L’impasse sur la Chine serait stupéfiante si nous n’y avions consacré un dossier dans un récent numéro de VR&T (n° 572). Nous nous sommes limités, mise à part l’Australie, à des pays émergents. Ce ne sont pas les seules terres du transport urbain, loin de là. Il y a quelques années, Guillaume Pepy avait entendu Ray LaHood, le secrétaire américain aux Transports, lui dire : vous me vantez les TGV, parlez-moi plutôt des RER… Mais aux Etats-Unis le marché du transport urbain est plutôt de renouvellement. On n’y voit pas l’arrivée, comme incongrue, d’un métro dans un système de transport ferroviaire massif et précaire, comme à Mumbai. On n’y voit pas la ruée vers le tramway que l’on a pu constater à ses débuts à Alger.
Alors que nous rédigions ce dossier, Thales remportait un contrat pour la maintenance du réseau automatique de Dubaï, Faiveley créait une coentreprise à Singapour pour la maintenance et la réparation du matériel roulant ferroviaire, vendait des portes palières en Australie ou un système de freinage pour un tram à Shanghai. Les industriels français (et non les seuls constructeurs) sont présents sur ces marchés appelés à une forte croissance. Pour nombre d’entre eux, cela fait partie du quotidien. D’autres doivent s’y mettre. Est-ce gagné pour autant ? Non. Les Français maîtrisent des solutions sophistiquées et sont à l’aise dans les contrats à forte plus-value. Exploiter un métro ? Pas sûr qu’ils le fassent mieux que d’autres. En Inde, si le métro de Mumbai et bientôt celui d’Hyderabad sont exploités par des Français, d’autres villes sont sensibles à des solutions indiennes fortement marquées par le métro de Delhi. Vendre des rames ? Oui, mais la concurrence est rude et le métro de Mumbai, par exemple, est chinois. Le tramway, matériel et exploitation, est prometteur mais l’avantage n’aura qu’un temps. C’est plutôt dans les outils d’intégration, de billettique, de multimodalité, que l’apport est sensible. Car en Inde aujourd’hui, et souvent encore en Chine, les villes continuent à penser en silos, alignant mode après mode. C’est la pensée de la concaténation qui peut aider les Français à apporter leurs solutions. Il faut pour cela s’appuyer sur des autorités organisatrices. Elles sont fortes à Singapour ou à Dubaï. Elles restent souvent à créer. Il faut aussi intégrer les réponses de transport sur une démarche plus vaste, celle que promeut la marque Vivapolis. Cesser de courir derrière une demande croissante, et infléchir enfin par l’urbanisme la demande. Les Indiens, les Chinois ou les Brésiliens auront-ils si longtemps besoin de nos conseils ? Le BRT est né au Brésil. Le funiculaire urbain est porté par la Colombie. Le Premier ministre indien vient d’annoncer un programme de 100 smart cities. L’ouverture permet au moins de ne pas être largué. Et de contribuer (on peut l’espérer) à l’ordonnancement d’un monde qui reste le nôtre.
F. D.
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MOYEN-ORIENT / Dubaï. Un tram « en diamant » pour 10 000 voyageurs par jour
Design unique, alimentation par le sol, stations luxueuses, composants résistant aux conditions extrêmes… comme tout ce qu’elle fait, Dubaï a mis les bouchées doubles pour son tram inauguré en novembre dernier. 700 millions d’euros pour apporter un peu plus de prestige à la ville.
Dans l’émirat de la démesure, un tramway ne pouvait être qu’exceptionnel. Et celui qui a été inauguré à Dubaï, le 11 novembre dernier, l’est à plus d’un titre. Il concentre quelques premières mondiales. Un Citadis au nez taillé tel un diamant ; une alimentation par le sol (APS) déployée sur l’intégralité du tracé ; des stations luxueuses entièrement fermées et climatisées à 21 °C ou 25 °C selon la saison ; et des composants développés spécialement pour supporter des conditions climatiques extrêmes – températures pouvant dépasser les 50 degrés, tempêtes de sable et pluies diluviennes, sans parler de la forte hygrométrie. Au final, ce tramway, signé de l’industriel français Alstom et du groupe de BTP belge Besix pour le génie civil, a presque tout d’un… métro !
Il en a coûté quelque 700 millions d’euros, dont la moitié est allée à Alstom, qui a récupéré aussi un contrat séparé pour la maintenance sur 13 ans de 60 millions d’euros.
Avec, entre Al Sufouh et la plage de Palm Jumeirah, près de 11 km, 11 rames et 11 stations, dont deux en correspondance avec le métro et une avec le monorail, il a transporté 830 000 personnes durant les cent premiers jours. Circulant de 5 h 30 à 1 h 30 à 21 km/h en exploitation commerciale, il lui faut 12 minutes pour effectuer le trajet complet dont six minutes sur la boucle autour de la marina. Les rames passent toutes les dix minutes en emportant, en mars dernier, en moyenne 10 000 voyageurs par jour, selon la RTA (Road and Transport Authority), l’autorité organisatrice. L’objectif visé est à court terme de 27 000 personnes et même de 60 000 en 2020. Pas si évident dans une ville dont les deux millions et demi d’habitants sont plutôt adeptes de l’automobile, malgré les embouteillages. On compte aussi sur les dix millions de visiteurs annuels, touristes et hommes d’affaires. A l’intérieur du tram, les voyageurs trouvent trois classes, dont une « gold » au cuir très confortable en tête de rame.
Les avenues étaient pourtant récentes, mais on n’a pas lésiné sur les travaux. Toutes ont été refaites avec un corridor de tram dont la largeur flirte avec les dix mètres afin de loger une piste verte, piétons et cyclistes. « En plus d’une insertion esthétique de la ligne dans la ville, Dubaï souhaitait aussi rénover certaines zones avec une approche de façade à façade », affirme Vincent Prou, directeur du projet à Dubaï et directeur général pour la région du Golfe. Ce tram hors du commun afficherait de plus des qualités quasi-parfaites, avec « un taux de disponibilité de 99,99 % et une ponctualité de 99,65 % », affirme-t-il. Beau succès aussi pour l’exploitant choisi pour cinq ans, Serco, qui exploite déjà le métro. L’APS, lancé si laborieusement à Bordeaux il y a une dizaine d’années, serait désormais tout aussi performante que l’alimentation traditionnelle par fil de contact. Le secret ? En dehors d’un coût plutôt pharaonique, de l’ordre de 68 millions d’euros du km, soit deux à trois fois plus que le prix habituel dans un projet de tram, celui-ci a surtout été conçu et fabriqué tel un système de transport dans son ensemble. Cette stratégie de développement de solutions intégrées est l’un des axes de la stratégie de vente (voir encadré page précédente).
Le réseau doit maintenant s’agrandir. Une première extension de 4 km jusqu’à l’hôtel Burj Al Arab est prévue à court terme. « L’option figurait au contrat initial mais elle n’a pas été exercée dans les délais impartis, raconte Vincent Prou. Elle sera remise en appel d’offres en 2016 et les travaux lancés dans la foulée. » La RTA a également un projet de prolongement de 15 à 20 km le long de la côte, à l’horizon 2025. « Avec la phase 2, la ligne battra son plein, car on interconnectera deux quartiers hypertouristiques en allant jusqu’à la fameuse piste de ski du Mall of the Emirates et au célèbre palace en forme de voile, le Burj Al Arab », assure Vincent Prou.
Cécile NANGERONI
Une vitrine pour Alstom
Vendu comme une solution intégrée et concentrant les innovations d’Alstom, le tram de l’émirat constitue une vitrine, notamment pour toute la zone du Golfe. « Les marchés émergents où les pouvoirs publics financent souvent leurs projets sous forme de PPP sont très demandeurs de solutions clés en main, souligne le directeur du marché des solutions systèmes et des concessions chez Alstom Transport, Christian Messelyn. L’offre intégrée comporte de nombreux atouts : un seul appel d’offres et un contrat unique, des coûts et des délais de réalisation optimisés et respectés car la coordination de toutes les activités est plus aisée… », prêche-t-il. A Dubaï, 34 mois seulement se sont écoulés entre le feu vert de la RTA en janvier 2012 et l’inauguration.
En apparence plus coûteux, ces projets seraient, selon lui, financièrement plus intéressants sur le long terme que ceux menés via des contrats séparés. A l’actif du groupe, 16 projets de tram intégré vendus dans dix pays, dont la moitié en service. Le Français, qui revendique la place de leader mondial sur le segment du tram, avec 50 % de parts de marché, entend la conforter. Il estime n’avoir pas de vrai concurrent sur ce segment. « Nous sommes les seuls à pouvoir livrer tous les composants du sous-système tramway et les services qui vont avec, entretien et maintenance, à proposer l’ingénierie, à avoir l’expertise du PPP, etc. », assure Christian Messelyn.
Or, d’après les estimations de l’Unife, rien que pour le tramway intégré, le marché serait de 3,2 milliards d’euros pour 2015-2017, contre 1,4 milliard entre 2012 et 2014. En tête de cette formidable croissance, la région du Moyen-Orient et de l’Afrique (MEA), qui représenterait 882 millions d’euros. Fort de cette manne potentielle, l’industriel, qui a déjà lancé une offre intégrée de métro léger en viaduc pour le créneau des 10 000 à 45 000 voyageurs par heure et par sens – baptisée Axonis – s’apprête à labelliser une offre de tram intégré, présentée ce mois-ci à Milan.
C. N.
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Le métro de Dubaï sera prolongé pour l’Expo universelle de 2020
Sept stations et 14,5 kilomètres de ligne supplémentaires devraient être opérationnels pour l’Exposition universelle en 2020. Un projet lancé immédiatement dont on attend les appels d’offres pour juillet prochain.
Dans la perspective de l’Exposition universelle de 2020, Dubaï avait annoncé son intention de prolonger le métro. La RTA a confirmé le 11 avril le lancement des opérations, le cheikh Mohammed bin Rashid Al Maktoum, vice-président, Premier ministre des Emirats Arabes Unis et souverain de Dubaï ayant donné son accord au projet Route 2020. Il s’agit d’une extension de 14,5 km de la ligne rouge, de Nakheel Harbour & Tower au site de l'Expo 2020, près de l’aéroport international Al Maktoum. Les études prévoient une section aérienne de 10,5 km desservant cinq stations, ainsi qu’une partie en souterrain de 4 km et deux stations.
Le souverain a stipulé que le projet devait était lancé immédiatement. Les appels d'offres sont attendus pour juillet, afin de s’assurer que le projet soit opérationnel en 2018 ou 2019. L'itinéraire traversera plusieurs quartiers densément peuplés (240 000 habitants) ainsi que les zones industrielles de Discovery Gardens, Dubai Investment Park, Furjan et Jumeirah Golf Estates. A l’aéroport, la ligne sera en correspondance avec Etihad Rail, qui doit desservir l’installation aéroportuaire en 2018.
Ce prolongement portera à 90 km le réseau de métro dubaïote, actuellement composé de 49 stations sur deux lignes entièrement automatiques : la red line – dont la première section avait été inaugurée le 09/09/09 – et la green line (23 km et 16 stations). Il faut actuellement une heure pour parcourir la ligne rouge de bout en bout, l’extension ajoutera 16 minutes de transport. Deux autres extensions sont étudiées par la RTA, notamment 3,5 km de Rashidiya à Mirdif (ligne rouge) et 20,6 km sur la ligne verte entre Jaddaf et Academic City, desservant Festival City, Ras Al Khor, International City, Silicon Oasis et Academic City.
C’est le consortium Dubai Rapid Link formé des sociétés japonaises Mitsubishi, Obayashi et Kajima et du turc Yapı Merkezi, qui avait été sélectionné pour les précédentes phases, Thales étant chargé de l’automatisation et récemment de la maintenance des systèmes pour cinq ans. Nul doute que les industriels sont déjà prêts à répondre au nouvel appel d’offres imminent. Qui portera symboliquement le kilométrage de transports collectifs ferrés à 101 km, en incluant la ligne de tramway.
C. N.
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MOYEN-ORIENT /Péninsule arabique. Des projets prestigieux… et désormais nécessaires
Dubaï s’est lancé dans le métro et le tramway pour le prestige. Abu Dhabi et le Qatar lui ont emboîté le pas. L’Arabie saoudite aussi, mais avec une autre dimension. A Riyad notamment où il faut enrayer la congestion qui menace ses cinq millions d’habitants.
Dans le Golfe, Dubaï a ouvert la voie. Par deux fois. Le métro, le 9 septembre 2009. Le tramway, le 11 novembre dernier. Lorsque, en 2003, Systra décroche un contrat pour les études du métro, Philippe Citroën, alors directeur général, s’enthousiasme. Si Dubaï y va, estime-t-il, « toute la zone va suivre ». Pour une excellente raison. Ni la pollution, ni la congestion, ni les besoins de la population. Le prestige. Le métro fait partie d’un jeu dont d’autres pièces sont la tour Burj Khalifa, la compagnie Emirates ou l’Exposition universelle de 2020.
Aujourd’hui, « l’ensemble des pays du Golfe a l’ambition d’appartenir au cercle des villes de rayonnement mondial », dit Arnaud Van Troeyen, DGA Stratégie et développement de Keolis, les Etats de la région emboîtent le pas. Le plus grand des Emirats, le plus riche, et la capitale fédérale, Abu Dhabi, va se lancer. Voisin, le Qatar l’a fait : le tramway de Lusail est attendu en 2018 et le métro de Doha entre 2019 et 2026, avec une première phase en service avant la Coupe du monde de football de 2022.
En Arabie saoudite, la première ligne du métro de La Mecque est déjà réalisée. Le prochain grand rendez-vous de la planète transport sera le métro de Riyad. L’appel d’offres pour l’exploitation, selon des observateurs, pourrait être lancé en trois lots, correspondant à ceux attribués à des consortiums pour les six lignes projetées. Consortiums dans lesquels on retrouve, pour le matériel roulant, Siemens (lignes 1 et 2), Bombardier (ligne 3), Alstom (4, 5 et 6).
RATP Dev sera sur les rangs, via la joint-venture créée en 2010 avec Saptco, le transporteur routier saoudien, dans laquelle le français est partenaire minoritaire (80/20). Riyad a confié la réalisation de son premier réseau de bus à la JV saoudo-française. On attend Keolis aussi. Guillaume Pepy l’a affiché : Keolis, disait-il récemment selon l’AFP, sera « candidat pour exploiter trois, quatre, ou cinq des lignes de la ville de Riyad ». Le groupe ne va pas s’en tenir là : « derrière il y a Djedda, derrière il y a Médine, derrière il y a La Mecque ». On attend aussi Serco, l’exploitant du métro et du tram de Dubaï. Pourquoi pas le hongkongais MTR, le britannique National Express, le singapourien SMRT… Mais pas Transdev. Pour l’instant, le groupe se consolide là où il est déjà. Or, il n’est pas présent dans la zone, sauf en Israël, ce qui n’est pas le meilleur passeport pour les pays arabes.
En attendant les attributions, partout, les projets avancent. C’est surtout le temps des ingénieries. Systra et Egis sont très présents. Avec Parsons, mandataire, ils ont remporté ensemble le management de projet et la supervision des lignes 1, 2 et 3 de Riyad. Tous deux (Systra mandataire) ont remporté les études préliminaires du métro de Médine. A Djedda, Systra a gagné seul les études préliminaires du système de transport. Au Qatar, Systra a remporté la partie système du métro de Doha et Egis, avec Louis Berger, assure le management de projet de la ligne jaune et des parties aériennes des lignes verte et rouge.
La déconvenue cuisante du métro de Dubaï, ce fut l’attribution du matériel à un consortium japonais emmené par Mitsubishi. D’aucuns jugeaient que Systra ayant fait les études, ce contrat devait revenir à Alstom… Alstom s’en tire finalement bien, avec les tramways de Lusail, de Dubaï, une grande partie du métro de Riyad… Et, disait récemment à l’AFP Gian Luca Erbacci, vice-président d’Alstom Transport pour la région : « Notre plus grande région en chiffre d'affaires est encore l'Europe. Mais la région Moyen-Orient-Afrique va devenir la deuxième, elle sera de la même taille que la France d'ici trois ans, probablement dès l'année prochaine. »
Le métro dans le Golfe fut et reste affaire de prestige. Mais avec l’Arabie saoudite, la naissance du transport public prend une autre dimension. Les Emirats ne comptent même pas 10 millions d’habitants dont 10 % environ d’Emiriens. En Arabie saoudite, on compte 30 millions d’habitants dont les deux tiers sont saoudiens. Riyad, qui a plus de 5 millions d’habitants, connaît la congestion. La population croît, le chômage menace. Il faut créer de l’activité pour employer les jeunes. D’où une stratégie de villes nouvelles, de développement d’activités qui nécessitent des infrastructures de transport. Tout se passe comme si Dubaï, pour des raisons inattendues, avait trouvé une solution aux questions qui commencent à se poser chez son grand voisin.
F. D.
Keolis partenaire d’Emirates transport
L’accord de partenariat a été signé le 22 mars à Dubaï. Le groupe de transport Emirates Transport (bus, taxis, limousines) et Keolis devraient créer ensemble une joint-venture, qui répondra aux appels d’offres transport qui pourraient se présenter. Lesquels ? Tout dépendra des appels d’offres. L’accord porte sur les Emirats. Et, comme Keolis a un bureau à Abu Dhabi avec une dizaine de personnes, pour observer ce qui se passe dans la zone, on peut penser que les appels d’offres que lancera Abu Dhabi pour l’une ou l’autre pièce de son système de transport (métro, tramway, bus) devraient retenir l’attention des partenaires. Mais pas exclusivement.
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MOYEN-ORIENT / Tramway. Le futuriste qui n’en a pas l’air au Qatar…
A première vue, le tram Avenio que Siemens produit à 19 unités pour la cité universitaire du Qatar et testé actuellement au centre d’essais de Wildenrath semble très classique. A un petit détail près, que l’on peut observer à chaque extrémité de la toiture : des pantographes aux dimensions inhabituellement réduites. Lorsque le tram marque un arrêt dans certaines stations équipées d’un rail aérien de contact, ces petits pantographes assurent la recharge du véhicule en énergie électrique. Egalement proposée en Chine par CSR, cette application innovante du « biberonnage » (déjà pratiqué par les bus électriques) au tram s’explique par le fait que sur la ligne de 11,5 km à laquelle il est destiné, il a été demandé de ne pas installer de ligne aérienne de contact. Dans la solution réalisée par Siemens, pas d’alimentation par le sol non plus, mais un stockage d’énergie à bord. Avec une deuxième innovation : alors que les avantages et inconvénients respectifs des batteries et des super-condensateurs sont déjà connus, le stockage Sitras HES de Siemens combine ces deux solutions. Ainsi, les super-condensateurs (plus adaptés pour les cycles rapides) sont mis en œuvre pour le biberonnage, alors que les batteries lithium-ion (qui peuvent stocker des charges importantes) récupèrent jusqu’à 30 % de l’énergie de freinage.
Vu que la ligne desservie, qui comptera 24 arrêts lors de son ouverture en 2016, est établie dans un environnement essentiellement piétonnier, la vitesse n’y dépassera pas 40 km/h. Une performance qu’autorise, avec une autonomie de 2,5 km, l’énergie embarquée à bord de ce tram plutôt compact (trois modules, 27,7 m de long, 239 voyageurs maximum). L’aménagement intérieur fait alterner des groupes de deux places assises individuelles et de larges sièges, ces derniers offrant aux voyageuses la possibilité de ne pas avoir de voisin. Encore une solution discrète, qui permet ici aux hommes et aux femmes de voyager dans les mêmes espaces.
Dénommée Education City People Mover, cette ligne de tram sera également une première au Qatar dans la mesure où l’émirat ne disposait pas de voies ferrées jusqu’à présent. Mais elle ne restera pas longtemps un cas isolé : vers 2018-2020 devraient ouvrir les lignes du réseau Lusail, un métro léger largement équipé par Alstom et Thales. Egalement dépourvu de lignes aériennes de contact, ce réseau sera quant à lui équipé de l’APS, solution aujourd’hui à l’œuvre dans l’émirat voisin de Dubai.
… et le rétro qui n’en est pas un à Dubaï
Dans les rues de Dubaï, Emaar l’un des plus grands aménageurs de l’Emirat, vient de lancer son « Street Trolley Tram », sans aucun lien avec le tram de Dubaï ouvert il y a quelques mois, si ce n’est qu’il est également dépourvu de ligne aérienne de contact. La ressemblance s’arrête là, car le tram d’Emaar ne met pas en œuvre l’APS d’Alstom, mais une pile à combustible. Dix ans après les essais sur les bus, les trams exploitent à leur tour cette solution qui tire de l’énergie électrique de la réaction chimique entre l’hydrogène (stocké) et l’oxygène (de l’air). A Dubaï, les médias soulignent que c’est une première mondiale. Au même moment en Chine, CSR Sifang annonce également que son tram pour Qingdao est le premier à avoir une pile à combustible. Toutefois, des essais ont déjà eu lieu en Espagne il y a quatre ans (sur un ancien tram vicinal belge) et depuis, le tram touristique à pile à combustible d’Oranje-Stad (Aruba, Antilles néerlandaises) est entré en service.
Si l’alimentation du tram d’Emaar est à la pointe de la modernité, son look est volontairement aussi rétro que celui d’une motrice britannique d’il y a un siècle, avec plateformes et impériale ouvertes. Dans un premier temps, son parcours se limite à une boucle d’un kilomètre desservant le Burj Khalifa (la plus haute tour du monde) et le centre commercial de Dubaï (le plus fréquenté du monde), deux réalisations signées&he
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Publié le 16/12/2024
Publié le 16/12/2024 - Olivier Mirguet
Publié le 13/12/2024 - Yann Goubin