Elections régionales. Les grands enjeux du transport
Dans les deux, cas il faut améliorer les relations entre les grands pôles urbains. Amiens et Lille au nord, Charleville-Mézières, Metz, Nancy et Strasbourg à l'est. Villes qui sont parfois plus tournées vers Paris que vers leurs voisines. Une véritable réorientation des territoires s'impose, qui ne va pas de soi et qui prendra des décennies avant d'entrer dans les faits. Pas de changement en Paca, mais la région souffre particulièrement de la faiblesse endémique de son système de TER, que n'arrange pas la restriction générale des crédits. En Ile-de-France enfin, la grande affaire est de ne pas accentuer la coupure régionale : la petite couronne est plutôt bien dotée et le sera encore mieux avec le métro du Grand Paris alors que les habitants de la grande couronne souffrent de l'état des RER. Les principaux candidats promettent des investissements massifs…
Nord-Pas-de-Calais-Picardie.
Le bien-fondé de la fusion diversement apprécié
« C'est une aberration économique et sociale », avait fustigé Martine Aubry l’été dernier à l’annonce de la fusion des deux régions. « Deux régions pauvres n’ont jamais fait une région riche », avait-elle ajouté… La maire de Lille s’est ainsi opposée avec des mots fermes à cette fusion prévue au 1er janvier 2016. Ses craintes peuvent s’entendre : le Nord-Pas-de-Calais est la troisième région la plus pauvre de France, avec près de 20 % de la population qui vit sous le seuil de pauvreté. La Picardie, sans être au niveau de sa voisine du Nord, se situe également au-dessus de la moyenne nationale, avec 13 % des habitants vivant sous le seuil de pauvreté. Pourtant, avec un PIB de plus de 150 milliards d’euros, elle sera la quatrième région la plus riche de France.
La position de la maire de Lille est plutôt représentative du scepticisme des habitants. Selon un sondage réalisé par La Voix du Nord en juin dernier, plus de la moitié des Picards (53 %) ne sont pas favorables à cette fusion. Les Nordistes eux sont plus optimistes, puisque 58 % d’entre eux y sont favorables. Il faut donc encore convaincre les habitants du bien-fondé de cette fusion, et pour cela la question de la mobilité est essentielle.
Il existe, malgré ces craintes et ces réticences, d’importantes similarités entre les deux régions dans l’organisation du territoire. Elles sont par exemple toutes deux organisées autour des villes : selon l’Insee, 89 % des habitants des deux régions sont sous l’influence des grandes aires urbaines (les pôles de plus de 10 000 emplois). Elles sont un peu plus espacées en Picardie qu’en Nord-Pas-de-Calais, mais le fait est que sur ces deux territoires, l’influence des villes sur le territoire est considérable.
La première nécessité est donc d’améliorer les échanges entre les grandes agglomérations du territoire. Certes les deux régions disposent d’un réseau routier et autoroutier dense, mais celui-ci est souvent saturé. Et « les liaisons ferroviaires entre les deux régions sont encore trop faibles », selon Raymond Annaloro, président de la commission transport au Conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) du Nord-Pas-de-Calais. « Ces liaisons efficaces entre les deux régions, il n’y en a quasiment pas… », assène-t-il. Un exemple : il faut une heure en train pour relier Lille à Paris, mais il en faut plus d’une heure vingt pour relier Amiens et Lille… « Il faut prolonger certaines lignes pour qu’elles aillent d’une région à l’autre », affirme-t-il. Par exemple, le Ceser milite pour que le projet de RER Grand Lille (reliant Lille au bassin minier) soit prolongé jusqu’à Amiens. Mais le projet fait encore débat, du fait de son coût : plus de deux milliards et demi d’euros.
Les deux régions se distinguent également par un réseau fluvial important : ensemble, les deux régions représentent environ 18 % du réseau navigable national. Mais « les échanges fluviaux entre les deux régions sont faibles à cause du tonnage limité des canaux », explique le responsable du Ceser. Alors la région, avec l’aide de l’Union européenne, a entrepris la construction d’un grand canal reliant la Seine (et le port du Havre) au Benelux, traversant la future grande région de haut en bas.
Pour faire en sorte que les deux régions regardent dans le même sens, leurs Ceser travaillent depuis plus d’un an pour harmoniser ce grand Nord. Et alimenter de propositions la campagne des régionales : le canal Seine – Nord, le doublement de la RN25 pour soulager l’A1, une billetterie SNCF unique pour les deux régions, etc. « Il faut que le centre d’intérêt de la Picardie se tourne davantage vers le Nord que vers l’Ile-de-France », ajoute Raymond Annaloro. Assurément le sujet des transports tiendra une place prépondérante dans l’élection, pour construire la future grande région.
Théo HETSCH
Pierre de Saintignon (PS, majorité sortante) : la SNCF dans le viseur
Le candidat socialiste veut renégocier le plus vite possible les conventions avec la SNCF : « En Picardie les trains sont bondés et souvent en retard, déplore le premier adjoint de Martine Aubry, il faut tout remettre à plat. » Autre motif de colère : l’écotaxe, qu’il voudrait voir appliquée à l’échelle régionale. Son colistier dans le Pas-de-Calais, l’ancien ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, avait suggéré cette idée afin que la région profite de sa situation de carrefour européen, mais il a reçu un refus clair du gouvernement. « Nous remettrons le sujet sur la table, persiste-t-il, aux heures de pointe il y a des longues files de camion qui entravent la circulation. » Parmi ses autres propositions : concrétiser le projet d’autoroute ferroviaire entre le Pas-de-Calais et les Landes – lui aussi retoqué par le gouvernement – ou encore valoriser le covoiturage : « il faut une voie spéciale sur certaines routes pour les voitures transportant plusieurs personnes en covoiturage », propose-t-il.
Xavier Bertrand (LR) : des projets ambitieux mais coûteux
Fin septembre, le candidat Les Républicains s’est rendu à l’aéroport de Lille-Lesquin, qui avec 1,6 million de passagers par an, peine à décoller, notamment en raison de sa situation : il est coincé entre l’aéroport de Charleroi, à une centaine de kilomètres, et celui de Beauvais, à 150 km. Xavier Bertrand souhaite dynamiser l’aéroport, « il faut qu’il soit mieux desservi avec une vraie gare », déclare-t-il. Le Picard veut aussi améliorer la sécurité : s’il est élu, il promet la création d’une police régionale des transports et l’équipement en caméras de surveillance de certaines lignes de train. Pour désengorger la métropole lilloise, il veut ressortir des cartons le contournement sud-est, vieux serpent de mer de la politique régionale depuis les années 1980. Ce projet autoroutier avait été enterré par le rapport Duron en raison de son coût : plus de 350 000 millions d’euros. Autre investissement important : le RER Lille – Lens (plus de deux milliards d’euros), qu’il souhaite relier à la Picardie.
Marine Le Pen (FN) : relier les « oubliés »
Le FN du Nord fustige régulièrement la congestion automobile autour de Lille. Pour Philippe Eymery, tête de liste dans le Nord, « il faut relocaliser davantage d’activités vers les zones rurales ». Fervent partisan du projet de Réseau Express Grand Lille, un projet de RER entre Lille et le bassin minier, le FN veut « fluidifier le trafic entre Lens et Lille », explique Philippe Eymery, « il y a 28 passages à niveau entre les deux villes, ce n’est pas possible ! »
Marine Le Pen, qui a lancé sa campagne fin septembre sur une péniche, croit aussi au développement du réseau fluvial, avec l’apport considérable du canal Seine – Nord. « Mais il faut qu’il y ait un lien entre la façade maritime et le canal Seine – Nord », ajoute Philippe Eymery.
Mais le grand credo du parti d’extrême droite est la sécurité. Marqué par la tentative d’attentat du Thalys en gare d’Arras, le FN veut entamer une réflexion sur des portiques de détection, « un peu comme pour accéder au métro, car l’accès au train est trop aisé ».
Sandrine Rousseau (EELV) : vers une mobilité zéro carbone
L’écologiste est la seule des principaux candidats à vouloir renégocier le projet de canal Seine – Nord : « trop coûteux, pas compétitif en raison de la longueur du temps de trajet », avance-t-elle avec un exemple : « Même avec le canal, il faudra cinq jours pour relier Paris et Rotterdam, contre cinq heures en camion, par la route. » Elle souhaiterait davantage investir dans le fret ferroviaire et la rénovation des lignes TER de la région : « Avec 1,5 milliard d’euros, on peut rénover l’ensemble des lignes TER et proposer une haute qualité de service. » Sandrine Rousseau a un objectif majeur : « aller vers une mobilité zéro carbone » dans cette région qui s’est construite sur le charbon. Pour cela, elle veut dynamiser le covoiturage, l’autopartage, le télétravail et veut expérimenter l’écotaxe au niveau régional. « Il faut interdire à certains véhicules de circuler lors des pics de pollution », assène l’élue, qui rappelle que la région compte le plus fort taux d’asthmatiques en France.
T. H.
Grand Est. Des logiques territoriales différentes
«Je continuerai de me battre pour l'aéroport de Vatry, troisième plate-forme du Bassin parisien. » La promesse de Jean-Paul Bachy, président sortant (divers gauche) du conseil régional de Champagne-Ardenne, en dit long sur la nécessaire mise en cohésion des infrastructures de transport dans le « Grand Est ». Favorable à un rapprochement avec la Picardie et regardant naturellement vers l'Ile-de-France pour les échanges économiques, l'assemblée régionale champardennaise s'est soumise à contrecœur à l'idée d'un ancrage à l'Est. Le Lorrain Jean-Pierre Masseret (PS) et Philippe Richert, président sortant (LR) du conseil régional d'Alsace, n'appelaient pas non plus de leurs vœux cette fusion avec la voisine de l'Ouest. Un an après l'adoption de la carte de la réforme territoriale par l'Assemblée nationale, la polémique n'est pas retombée. « La fusion a été décidée de manière très artificielle. Champagne-Ardenne a été collée à l'ensemble constitué par la Lorraine et l'Alsace, parce que les socialistes de l'Assemblée nationale ne savaient pas qu'en faire », résume Roger Cayzelle, président du Comité économique, social et environnemental (Cese) de Lorraine.
Avec cinq aéroports à vocation internationale (Vatry, Metz-Nancy-Lorraine, Mirecourt, Strasbourg, Bâle-Mulhouse) sur son territoire et une zone de chalandise étendue à la Belgique (Chaleroi), au Luxembourg, à l'Allemagne (Sarrebruck, Francfort, Baden-Baden), le conseil régional issu des urnes le 13 décembre devra contrer des logiques territoriales crispées sur les infrastructures existantes. « Il va se créer des habitudes de travail en commun, elles vont s'imposer d'elles-mêmes », tempère Jean-Paul Bachy, soutien du socialiste Jean-Pierre Masseret dans une campagne régionale qui a peiné à monter en puissance, depuis la fin de l'été. Les Alsaciens exigeront le maintien de la priorité à l'Euroairport, qui vient de passer la barre des six millions de passagers grâce aux clientèles suisse et allemande, friandes de low cost. Les Lorrains vont chercher, à tout prix, une meilleure coordination entre l'aéroport de Metz-Nancy, en perte de vitesse, et la plate-forme luxembourgeoise du Findel où l'opérateur national, Luxair, pourrait rechercher de nouveaux partenariats.
Dans le ferroviaire, comme pour les flux économiques sur l'axe Strasbourg – Châlons en Champagne, d'inédites relations est – ouest sont à réinventer. « Nous demandons des liaisons interrégionales directes et refusons le maintien d'une situation ridicule où il faut passer en train par Paris », prévient François Giordani, président de la Fnaut Alsace. « Les liens est – ouest sont plus faibles que ceux nord – sud internes à la région, et &eac
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