« L’électromobilité a le vent en poupe »

Entretien avec Marie-Claude Dupuis, directrice du département Matériel roulant bus de la RATP.

  VR&T. Les premières expériences de bus électriques standard à la RATP ont commencé l’an dernier à la RATP. Quels enseignements en tirez-vous ? Marie-Claude Dupuis. Il est un peu tôt pour parler vraiment de retour d’expérience, mais nous avons quelques enseignements. Nous sommes dans une phase d’expérimentation importante, qui a démarré en 2015 et se poursuit en 2017. Elle s’inscrit dans le cadre du plan Bus2025, au terme duquel 80 % du parc sera électrique et 20 % au bioGNV. Pour les bus électriques, nous avons choisi comme modèle de référence la charge de nuit au dépôt. C’est dû à notre environnement urbain dense. Ce modèle ne serait pas forcément le meilleur pour des BHNS en grande couronne. J’ajoute que sur nos lignes, nous roulons à petite vitesse, donc l’autonomie nécessaire est relativement faible mais nous roulons beaucoup, ce qui permet de rentabiliser l’investissement dans le véhicule électrique. Quoi qu’il en soit, dans ce modèle, l’enjeu technique majeur est l’autonomie des bus. Ainsi, le premier appel d’offres que nous avons lancé et qui a été remporté par Bluebus (filiale du Groupe Bolloré) avec le Bluebus 12 m spécifiait une autonomie minimale de 120 km par jour sans recharge intermédiaire et 180 km avec recharge intermédiaire en ligne si nécessaire. Bluebus a pu proposer un bus faisant 180 km d’autonomie sans recharge intermédiaire (et sans dégrader le nombre de passagers transportés vis-à-vis des bus conventionnels). Premier enseignement : dans nos conditions de circulation, nous constatons bien que les bus Bolloré tiennent les 180 km d’autonomie. C’est aussi ce que nous avons pu voir sur les autres bus que nous avons testés. Les 180 km ne posent pas de problème. VR&T. On entend parler pourtant de difficultés, précisément sur ces questions d’autonomie. M.-C. D. Nous n’avons pas de problème… à une nuance près. Nous avons fait des tests d’autonomie en isolant l’impact du chauffage électrique quand les bus en étaient équipés. Et, c’est le deuxième enseignement, tant du côté Bolloré que des autres bus, le confort climatique – chauffage en hiver et climatisation en été – pèse encore lourd sur l’autonomie. Presque 30 % dans certains cas. Mais, sur ces questions d’autonomie, ce que nous avons déjà vu nous rassure. Et les industriels innovent beaucoup, les prototypes se succèdent et s’améliorent. VR&T. On a parlé de retard. Les bus Bolloré sont-ils livrés en temps voulu ? M.-C. D. Sur la ligne 341, nous devions finir la conversion en fin d’année. Nous avons un tout petit peu de retard, ce sera fin janvier [interview réalisée le 17 janvier, NDLR]. Nous avons commencé avec un seul véhicule en mai, un bus tête de série. A la fin de l’année 2016, les deux tiers de la ligne avaient été équipés. Fin janvier, nous aurons réceptionné le parc complet de 23 bus. Quatre semaines de retard de la part d’un constructeur qui n’avait jamais fait de bus et pour des technologies entièrement nouvelles, cela ne me semble pas excessif. VR&T. La disponibilité est-elle bonne ? M.-C. D. Il n’y a pas de problème sur les chaînes de traction. Il y a eu des problèmes de carrosserie, de fuites d’eau, de toiture, de portes, ce qui est classique avec de nouveaux bus ! On a aussi eu des difficultés avec les branchements, ce qui a donné lieu à des modifications. C’étaient de petits défauts de jeunesse pas inquiétants. La toiture a bénéficié d’un retrofit. Le chauffage, thermique, est assuré par un Webasto, un chauffage additionnel thermique, qui fonctionnait au diesel et que nous alimentons maintenant au GTL (« gas to liquid » qui permet d’obtenir un carburant issu du méthane compatible avec le diesel). Nous n’avons jamais caché que le chauffage serait thermique sur ce bus : c’est sa traction qui est 100 % électrique. Ce ne sont que des premières leçons. Le vrai retour d’expérience, ce sera quand la ligne sera 100 % électrique, que nous connaîtrons l’impact d’une ligne complète sur l’exploitation, que nous aurons pu nous approprier les véhicules, et vu comment on peut optimiser la consommation ou la maintenance. VR&T. Dans la nouvelle commande de 20 bus que vous avez passée à Bolloré, vous demandez que la charge puisse se faire aussi au terminus. Changez-vous de modèle ? M.-C. D. Non. Mais nous exploitons aussi des services longs, où il pourrait y avoir un intérêt à charger le bus non pas à chaque arrêt, mais à chaque terminus, pendant les quelques minutes de battement dont nous disposons. Nous utiliserons les mêmes batteries, qui sont d’abord conçues pour la charge lente de nuit. Mais nous prolongerons l’autonomie du bus par ce que j’appelle