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Demain, des véhicules plus légers ?

Mi-voitures, mi-vélos, les véhicules intermédiaires seraient le meilleur des deux mondes pour décarboner les transports et apaiser la mobilité du quotidien, en zone périurbaine et rurale. Ci-contre, un vélo-voiture à assistance électrique fabriqué par Evovelo.

Légers, sobres, moins chers, recyclables, efficaces, plus lents. Entre vélo et voiture, la promesse des véhicules légers est séduisante, mais tarde à convaincre. Beaucoup de ces drôles d’engins, pas forcément urbains, en sont au stade du projet ou du prototype. Subventionnés par l’Ademe, la bataille du climat passerait aussi par eux. La French tech est sur la ligne de départ.

Après les SUV, bête noire des écologistes, les USV, pour Ultra small vehicles. Petits, légers, musculaires ou à assistance électrique, ils affichent un bilan carbone indiscutable. Et un design qui peut faire sourire. Vélo pliant, allongé, couché, caréné, fuselé, ultra rapide, biporteur, triporteur, vélomobile, vélo-voiture, vélobus, pédalobus, mini-voiture avec pédalier… A l’autre bout du spectre, la voiturette motorisée électrique, avec ou sans permis, qui est en train de devenir un nouveau symbole de la micromobilité. Ces véhicules dits « intermédiaires » sortent tout droit de l’imagination des ingénieurs et nourrissent aujourd’hui les espoirs de PME, équipementiers, acteurs de l’économie circulaire, start-up, et de certains constructeurs automobiles. Vélos augmentés ou voitures diminuées ? Complément aux 38 millions de voitures en circulation en France, alternative à la deuxième voiture dans les zones périurbaines et rurales ? Dans ces territoires où l’automobile est reine, ce pourrait même devenir la première voiture des ménages, se prennent à rêver leurs défenseurs. « En revanche, il ne faudrait pas qu’elle remplace le vélo ou la marche, ou prenne des parts de marché aux transports collectifs urbains », alerte Aurélien Bigo, chercheur en transition énergétique des transports.

Pour l’heure, en France, le marché de ces véhicules intermédiaires, voire très intermédiaires pour certains, ne démarre pas sur les chapeaux de roues. Il est plus dynamique en Allemagne et aux Pays-Bas, surtout pour les engins non motorisés. En Chine, où les « low speed electric vehicle » (voitures électriques à vitesse réduite) sont théoriquement interdits mais roulent quand même dans les campagnes, on peut les acheter sur le site internet Alibaba. Des constructeurs automobiles sont déjà dans la place : Peugeot avec son Twizy qui existe depuis dix ans et n’a jamais brillé par le nombre de ventes, mais va devenir le biplace Mobilize Duo, avec l’autopartage pour marché cible. Citroën avec sa petite AMI, un cube sur roues commercialisé depuis avril 2020 qui voit les immatriculations augmenter de 47 % en un an en France, selon L’Argus. Ce succès, la marque au chevron le doit notamment aux adolescents dont certains parents sont prêts à débourser 8 000 euros pour ne pas les voir rouler en scooter… L’Ami se conduit en effet dès 14 ans. Copiée en Chine et vendue sur Alibaba, elle a déjà sa version cargo et une série limitée Buggy. Les spécialistes de la voiture sans permis (Ligier et Aixam) sont aussi dans la course et sont passés à la version électrique. Le secteur de l’automobile a donc flairé le filon, pour preuve le dernier salon de l’Auto avec de nouveaux modèles qui arrivent sur le marché, mais qui sont plus lourds et vont plus vite, jusqu’à 90 km/h. L’inverse de l’effet recherché puisque les véhicules intermédiaires sont censés alléger le poids des voitures pour une meilleure efficacité énergétique, ralentir la vitesse et la pollution. « Les constructeurs automobiles croient-ils vraiment à ces véhicules ou cherchent-ils à occuper le terrain pour tuer le marché dans l’œuf et ne pas faire de l’ombre à leur produit phare, la voiture électrique ? », s’interroge Frédéric Héran, économiste des transports. « Si on pense le véhicule intermédiaire avec un cerveau de constructeur automobile, immanquablement ça donne une voiture lourde ! », ajoute Gabriel Plassat, cofondateur de La Fabrique des mobilités à l’Agence de transition écologique (Ademe) qui veut être la rampe de lancement des véhicules intermédiaires.

 

Un marché encore naissant

• 738 000 vélos à assistance électrique : ils représentent 28% des vélos vendus, 4 fois plus que les voitures électriques (203 000).

• En 2022 : 60 000 vélos pliants.

• 33 000 vélos-cargos.

• 13 300 voiturettes électriques sans permis entre mai 2021 et mai 2022, portée par l’arrivée de l’Ami Citroën.
Sources : Union Sport & Cycle, L’Argus.

 

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Le vélo mobile du fabricant Kinner est un quadricycle à assistance électrique.

Géo Trouvetou

Le gouvernement français subventionne généreusement les projets en raison de leur potentiel pour la transition écologique. Car si 2035 signe la fin de la voiture thermique, sa successeure électrique, gourmande en ressources pour sa fabrication et en électricité pour son usage, ne signifie pas la fin des problèmes. Le passage de la voiture thermique à l’électrique n’a d’intérêt environnemental qu’à condition que les batteries soient de taille et de poids raisonnables. Les engins intermédiaires ont-ils une carte à jouer ? A la faveur de l’Extrême Défi, le programme de l’Ademe pour favoriser l’innovation et la production en France de véhicules légers et de composants durables (15 millions d’euros de dotations sur trois ans), les idées fusent, les start-up foisonnent, il y a profusion de concepts : une quarantaine (voir pages suivantes). Les Géo Trouvetou de la mobilité durable ont jusqu’au 31 juillet 2023 pour déposer leur dossier de candidature et espérer capter des financements publics. L’Ademe promet d’aider les lauréats ensuite dans leur recherche de financements.

Pourquoi cet intérêt soudain ? Parce que la France est en retard sur le sujet par rapport à ses voisins allemand et néerlandais, par exemple. Et parce que si l’on doit limiter l’impact carbone des voitures, rien de tel que de limiter leur masse. Un véhicule léger pèse moins de 600 kg contre 1,2 tonne pour une berline, 1,5 tonne pour un SUV et deux tonnes pour une familiale électrique. Tout cela pour déplacer un individu de 80 kg en moyenne, seul dans sa voiture ! Un taux de poids mort des voitures de 92 %, calculent deux chercheurs, Arnaud Sivert et Frédéric Héran dans la revue Transports Urbains qui a publié un numéro spécial sur les véhicules intermédiaires en septembre 2022. « Toute augmentation du poids conduit à un cercle vicieux, car il faut en conséquence renforcer la motorisation, la chaîne de traction, les pneus, l’insonorisation, la sécurité active et passive… L’ajout de 100 kg d’équipements conduit en fait à un accroissement du poids de 200 kg », ajoutent-ils. Plus légers, électriques ou propulsés à la force des mollets, les véhicules intermédiaires comblent le vide entre vélo et auto pour franchir plus facilement les distances du quotidien, affirment leurs défenseurs. Pas forcément en ville où les alternatives à la voiture sont déjà en train de faire leurs preuves (vélos, trottinettes, VAE, vélos cargos, monoroues…), mais dans le périurbain et en zones rurales.

 

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Gabriel Plassat, pilote de la Fabrique des mobilités à l’Ademe.

Imagine

« Imaginons des scénarios positifs : des départements, des communautés de communes, une région qui verraient dans les véhicules légers l’opportunité de repenser la mobilité quotidienne des personnes, sur un territoire de vie rural et/ou périurbain. Ces collectivités réserveraient un réseau de routes secondaires, voyant dans cette démarche l’intérêt de redonner du pouvoir d’achat aux citoyens (les véhicules légers coûtent moins cher), de réduire le coût d’entretien des routes (10 fois moins lourds qu’une voiture, ils abîment moins les routes), l’accidentologie et la pollution. A moindre coût – celui du changement des panneaux de signalisation routière – ces collectivités deviendraient territoires d’expérimentation à grande échelle. Cela donnerait peut-être envie de basculer d’un mode de vie et de pensée à 90 km/h, et thermique, à une pluralité de solutions de mobilité : vélo, VAE, quadricycles, automobiles. La filière industrielle des véhicules intermédiaires n’aura pas de marché si on ne pense pas aussi l’infrastructure. Si on arrive à convaincre 5 à 10 % des ménages de ne plus avoir de deuxième voiture, le véhicule léger serait même la première voiture du quotidien, ça serait déjà pas mal ».

 

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Extension du domaine du vélo

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Le speed pedelec est un vélo à assistance électrique capable de rouler jusqu’à 45 km/h.

Maintenant que le vélo a fait les mollets des citadins (en ville, son usage a de nouveau progressé de 12 % au premier trimestre 2023, alors qu’il décline ailleurs*), il s’agit de trouver un véhicule de remplacement pour les habitants du périurbain et du rural qui sont dépendants à l’automobile. « L’idée est d’étendre le domaine de pertinence du vélo », résume Aurélien Bigo. Ce qui va du vélo électrique ultra rapide, le Speed pedelec qui atteint 45km/h (interdit sur les pistes cyclables, casque obligatoire, photo page 28) à la mini-voiture électrique sans permis, de deux à trois places permettant de transporter des enfants (et des charges.). En passant par des tricycles, quadricycles avec ou sans habitacle, et même les vélobus à pédaliers (12 personnes à bord et qui pédalent ! ).

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Vélo cargo à assistance électrique du fabricant Caminade.

Électriques ou musculaires. Les matériaux sont recyclables, les véhicules sont modulables, montables, démontables, reconditionnables. Tous les design sont permis, pas toujours heureux, mais les moyens financiers des acteurs de cette filière naissante ne leur permettent pas de s’offrir un Pininfarina ! Quant au prix, une voiturette électrique coûte quatre fois moins cher qu’une voiture électrique, jusqu’à dix fois moins cher pour un vélo à assistance électrique, un tricycle, ou un vélomobil

Une association pour développer la filière

L’association des acteurs des véhicules légers intermédiaires (Aveli) a récemment vu le jour : elle réunit une vingtaine de fabricants, industriels, et particuliers « autour de la volonté d’offrir une alternative crédible aux voitures dans notre mobilité quotidienne ». Objectif, démocratiser ces véhicules, structurer la filière et disposer d’un « écosystème souverain ».

L’espoir des apprentis sorciers de la mobilité légère est de booster la catégorie des quadricycles. Se posera immanquablement le problème de la cohabitation sur les routes. « Elle fait partie des grandes questions à traiter à l’avenir. Notamment parce qu’il y a des incohérences actuellement, et parce que ce sera une condition majeure de sécurité routière et d’un développement vertueux de ces véhicules. Pour l’instant, ceux qui sont dans la catégorie vélos ont droit aux pistes cyclables (VAE, cargos, vélomobiles), mais pas les voiturettes ou encore les speed pedelecs. Il y a parfois des zones de flou entre certains véhicules, c’est un domaine en forte évolution et les réglementations seront donc très probablement amenées à évoluer aussi », évoque Aurélien Bigo.

 

Mini-voitures, mini prix, maxi contraintes

• Prix d’un quadricycle motorisé électrique : entre 10 000 et 15 000 euros (deux fois moins pour un vélomobile, à pédalier). Une voiture électrique coûte en moyenne 40 000 euros (hors aides et bonus).

• Vitesse limitée à 90Km/h pour les quadricycles légers motorisés.

• Interdiction de rouler sur voies rapides et autoroutes.

• Poids maximum : 450 kg hors batteries.

• Bonus écologique : 900 euros pour une voiturette électrique sans permis, contre 5000 euros pour la voiture électrique.

Efficacité énergétique

« Par rapport à la voiture électrique, l’impact carbone est trois fois moins important pour un quadricycle électrique (type Renault Twizy), quasiment dix fois moins important pour le vélomobile ou le vélo à assistance électrique, et quasiment vingt fois moins impactant par kilomètre parcouru pour le vélo classique », insiste le chercheur dans un article publié sur le site Bon Pote. Si les véhicules électriques sont beaucoup moins polluants à l’usage, leur fabrication est très émettrice en carbone et soulève la question de l’épuisement des ressources, les minerais rares pour fabriquer les batteries. Comme de nombreux experts, le chercheur recommande donc de privilégier des modèles de petite taille. Et demain, des intermédiaires. Ils sont encore en germe, certaines start-up mettent la gomme pour les lancer rapidement sur les routes, sans attendre l’argent public de l’Ademe. A l’image de la française Kate, qui a racheté Nosmoke (elle produit une sorte de mini Moke revisitée et électrique) et a récemment levé sept millions d’euros pour développer sa K1, qui sera dévoilée à l’été 2023. La start-up des Deux-Sèvres qui produit 200 mini-voitures par an vise les 200 par jour avec des moteurs électriques made in France. Ce sera d’ailleurs la condition pour prétendre au bonus écologique. Le coup de pouce financier gouvernemental ne subventionnant plus les véhicules avec des véhicules et des batteries non produites en France. Il est aujourd’hui de quelques centaines d’euros pour un VAE, 900 euros pour un quadricycle électrique, contre 5 000 euros pour une voiture électrique. Plus c’est lourd, plus c’est subventionné

Le sort des quadricycles légers pourrait évoluer. Un comité interministériel devait être installé prochainement pour étudier leur cas : intégration dans le programme de location de voiture électrique à 100 euros par mois (leasing social), les autoriser à circuler sur certaines voies rapides et dans les ZFE, bonus conditionné à un label d’écoconception. Toute la difficulté pour la filière naissante sera de ne pas se faire doubler par la celle de l’automobile, déjà bien rodée, et qui pousse des voiturettes électriques lourdes. « Les chances de succès des véhicules intermédiaires sont faibles, mais ça vaut le coup d’essayer », estime un observateur du secteur qui préfère garder l’anonymat.

Nathalie Arensonas

* Au premier trimestre 2023, l’usage du vélo est de + 12 % en ville, – 7 % -dans le périurbain, – 10 % dans le rural. Source : Vélo & territoires.

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