Mass transit. « Le premier principe, c’est de savoir gérer les foules et donc de concevoir les espaces publics en conséquence »
Consultant expert en exploitation des transports, Pierre Messulam a été directeur général adjoint de Transilien de 2014 à 2020. Il est à l’origine de l’utilisation du terme mass transit en Île-de-France. Il a également participé à une étude sur le sujet avec l’IAU Île-de-France, rebaptisé l’Institut Paris Région. Selon lui, il faut s’inspirer des systèmes de planification asiatiques qui prennent en compte, non seulement les flux de voyageurs, mais aussi les programmes de logements et de localisation des zones économiques. Et ne pas oublier que les réseaux de transport gèrent avant tout des interconnexions.
Ville, Rail & Transport. Comment se positionnent les transports publics franciliens comparés aux réseaux les plus denses du monde ?
Pierre Messulam. Il ressort de l’étude de l’IAU que le réseau d’Île-de-France est singulier. En effet, très peu de métropoles dans le monde ont un réseau ferroviaire qui transporte autant de personnes tous les jours et avec des densités de passages de trains aussi élevées. Il y a Tokyo et Osaka au Japon, ainsi que les réseaux des métropoles chinoises dont la population se chiffre en dizaines de millions d’habitants. Citons aussi Séoul, en Corée. En Europe, seuls Paris et Londres disposent de réseaux très denses. Les autres ne jouent pas dans la même catégorie : soit la zone de chalandise est dix fois plus faible, soit ils ont 20 à 50 fois moins de trains qui roulent en même temps. La spécificité urbaine des deux grandes métropoles, Londres et Paris, a amené, pour des raisons historiques, à beaucoup s’appuyer sur le réseau de chemin de fer pour le fonctionnement économique urbain. À tel point qu’aujourd’hui, l’armature des réseaux ferroviaires est vitale pour le fonctionnement de ces deux métropoles. C’est une situation qu’on ne trouve finalement que dans quelques métropoles asiatiques. Un fonctionnement optimal devient alors une priorité politique et tout éventuel dysfonctionnement un problème d’ordre public. Pour revenir à l’Île-de-France, le réseau ferré est de longue date un réseau de mass transit. L’étude de l’IAU montre que si le métro est absolument essentiel, il ne couvre que le centre de l’agglomération. Pour le reste de la région capitale, qui est le cœur économique du pays avec 20 % de sa population et 35 % à 37 % du PIB, s’il n’y a pas un réseau de transport de moyenne distance capacitaire et efficace, ça ne peut pas bien fonctionner. La SNCF doit être fière de faire du mass transit, parce que c’est une mission d’intérêt général, parce que c’est un enjeu économique vital pour le pays. Et parce que, techniquement c’est extrêmement sophistiqué.
(c) SNCF Transilien Sebastien Godefroy
VRT. Quels sont les principes à respecter pour bien gérer le mass transit ?
P. M. La gare intermodale de Winterthur, en Suisse, est bien conçue : à la sortie de la gare ferroviaire, la gare routière se trouve sous une verrière. Ainsi, quand on sort du train, on monte dans le bus sans se retrouver sous la pluie ou sous la neige. Cela paraît évident, mais en Île-de-France, on n’a jamais considéré que le trajet entre le bus et le train devait être un impératif majeur de la conception des installations. Et pourtant, du point de vue du passager, c’est fondamental. Ce qui contribue à l’attractivité, ce n’est pas tant de gagner trois minutes de temps de parcours que d’éviter de prendre une douche quand on passe du bus au train. C’est d’éviter de devoir gravir des escaliers – si je suis une femme enceinte par exemple – ou de traverser un espace où circulent des bus. Il faut s’assurer que le débit entre le train et le bus soit le plus fluide possible. Quand on fait face à 20 000 ou 30 000 passagers par heure (ce qui représente 20 trains par heure), il faut pouvoir vider les quais en trois minutes. En conséquence,
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