Une offre suffisante, facile, rapide, sûre… Ce sont les principaux critères qui font choisir les transports publics, selon une enquête présentée cet automne par l’Union des Transports Publics. Et c’est pourquoi les opérateurs de transport, mais aussi les autorités organisatrices, militent pour un choc d’offre. Qui nécessitera de fait un choc de financement. Des discussions devraient être menées par l’Etat avec les élus qui rêvent d’un accord comparable à celui trouvé en septembre en Ile-de-France (la taxe séjour et le versement mobilités vont pouvoir être augmentés). S’ouvrent des perspectives sur de nouvelles ressources budgétaires pour les collectivités, si l’on en croit Clément Beaune, le ministre des Transports. Depuis le temps qu’on en parle…. Heureusement, les collectivités poursuivent, sans attendre, leurs investissements en faveur des mobilités collectives. Surtout à un moment où il faut, coûte que coûte, réduire notre empreinte sur l’environnement.
C’est sur cette toile de fond que s’inscrit notre 32e édition du Palmarès des Mobilités. Comme chaque année, un jury s’est réuni pour sélectionner les initiatives qui lui ont semblé les plus intéressantes pour faire progresser les transports publics. D’où un classement pour placer sur les plus hautes marches du podium les métropoles qui ont su le mieux conjuguer hausse de l’offre, intermodalité, nouveaux services : cette année, nous récompensons Strasbourg (Pass d’or), Toulouse (Pass d’argent), Lyon (Pass de bronze) et Angers se voit décerner le Prix du Jury, tandis que Bruxelles reçoit notre Grand Prix européen de la mobilité.
Composé de professionnels, d’experts, de représentants d’associations d’usagers et de défense de l’environnement ainsi que de la rédaction de VRT, le jury a aussi attribué des pass thématiques dans les domaines de l’innovation, du développement durable, de la mobilité numérique ou encore pour saluer des initiatives prises en faveur de la mixité et de la diversité. Ce jury, aux tendances diverses mais tout acquis à la cause du transport public, a conscience d’avoir laissé de côté des politiques de mobilité qui auraient pu aussi être récompensées. Ce palmarès est l’occasion de saluer le savoir-faire de toute une profession à l’écoute des autorités organisatrices.
Pass d’Or : Strasbourg veut réussir sa deuxième révolution des transports
La capitale alsacienne conforte l’alliance du tramway, du BHNS, du vélo et des trains régionaux pour réduire encore la part modale de la voiture.
Strasbourg a retrouvé sa place parmi les villes françaises de référence en matière de mobilité ». Trois ans après l’arrivée des écologistes à la mairie de Strasbourg, Alain Jund, vice-président de l’Eurométropole chargé des mobilités, des transports, de la politique cyclable et du plan piéton, dresse un premier bilan de sa « révolution des mobilités ». « C’est la priorité de notre mandat, avec une traduction budgétaire à 500 millions d’euros. Les premiers projets ont commencé à sortir de terre », indique l’élu.
Mise en service le 20 novembre sur 4,5 km depuis la gare Centrale, la ligne G du BHNS emprunte les boulevards qui encerclent le centre historique de la ville. Elle dessert les principaux services publics de la ville et le nouvel hôpital civil, qui n’était pas accessible en direct depuis la gare. « On attend entre 25 000 voyageurs et 30 000 voyageurs par jour sur la ligne G », prévoit Alain Jund.
100 millions pour dix itinéraires cyclables
Dès le milieu des années 1990, avec sa première révolution des mobilités, Strasbourg avait ouvert la voie par un réseau de tramways en site propre, des pistes cyclables et un centre-ville réservé aux piétons. Après le départ de la socialiste Catherine Trautmann, maire jusqu’en 2001, la part modale de la voiture a poursuivi sa chute, passant de 53 % à 47 % en 2010. Mais le réseau de pistes cyclables est vite arrivé à saturation. Pour relancer l’intérêt du vélo, les écologistes élus en 2020 ont engagé 100 millions d’euros d’investissement au profit de dix nouveaux itinéraires cyclables concentriques « à haut niveau de service ».
Le « Ring » cyclable, qui encercle le centre historique, a été mis en service progressivement au milieu de l’année 2023. Un autre tronçon cyclable, situé boulevard de Lyon, sur un secteur essentiel à proximité de la gare, a été inauguré au début du mois de novembre 2023. Et la ville planifie d’autres équipements pour la mise en sécurité des vélos sur des axes (avenue des Vosges, avenue de Colmar) toujours dominés par la voiture. Des itinéraires cyclables ont été aménagés sur de longues distances dans le cadre du réseau Vélostras, jusqu’à une vingtaine de kilomètres, vers des communes en grande périphérie (Breuschwickersheim, Achenheim). « Le vélo à assistance électrique a changé la donne », souligne Alain Jund. L’agglomération compte désormais 700 kilomètres de pistes et d’itinéraires cyclables. « Le tramway reste la figure de proue de notre politique des transport, mais il nous faut développer un ensemble de modes de déplacement alternatifs à la voiture individuelle, en prenant en compte l’ensemble du territoire de l’Eurométropole », affirme l’élu. Avec 250 millions d’euros de chantiers engagés et à venir, le réseau de tramways (77 km de lignes de tram et BHNS) de la CTS (Compagnie des transports strasbourgeois) mobilise la moitié des investissements en cours. Le prolongement de la ligne F jusqu’à Wolfisheim, à l’ouest, a été initié en août 2023 pour une mise en service prévue en 2025. Au nord, la nouvelle ligne vers Schiltigheim et Bischheim entrera en service en 2026. Une autre branche du tramway est prévue en direction des institutions européennes, dans le quartier du Wacken.
Réseau de transport à la demande
La « révolution des mobilités » défendue par Alain Jund comprend aussi une hausse des dépenses de fonctionnement. La mise en place de la gratuité pour les moins de 18 ans sur le réseau de la CTS, promesse électorale tenue par les écologistes élus à Strasbourg en 2020, représente une dépense de 7 millions d’euros par an. Dans le dernier rapport d’activité de la CTS (2022), le taux de couverture des dépenses par les recettes commerciales ne s’établit plus qu’à 35,6 %, contre 48 % en 2019. Le réseau express métropolitain européen (Reme) de l’agglomération strasbourgeoise, exploité depuis décembre 2022 par la SNCF, incarne l’ouverture régionale de la politique de transport strasbourgeoise. Mais il a connu une mise en service compliquée avec de nombreuses défaillances matérielles, pannes et retards. La promesse était belle avec des horaires cadencés à la demi-heure, des dessertes régionales entre le nord et le sud de l’agglomération sans rupture de charge à Strasbourg et une amplitude horaire élargie. L’ambition initiale de faire circuler plus de 800 trains supplémentaires chaque semaine a été revue à la baisse (650 trains).
Co-organisatrice avec le Conseil régional du Grand Est de cette offre renforcée de trains régionaux, l’Eurométropole a menacé, début 2023, de suspendre ses paiements (7 millions d’euros par an) avant de trouver un accord avec la SNCF. « Il y a encore des ratés, mais nous nous attachons à rendre les choses fiables », indique Alain Jund. Strasbourg table sur une offre complète de transport à la demande, incarnée par le réseau Flex’hop, pour convaincre les habitants de la périphérie de renoncer à la voiture individuelle. Le réseau Flex’hop a été lancé en 2019 sur dix communes de la seconde couronne. La fréquentation se situe à 5 000 voyages par semaine, sur un réseau renforcé à 25 communes avec une amplitude horaire de 5 heures à minuit. « Le développement du transport à la demande a été plus rapide qu’on ne le pensait », reconnaît Alain Jund. Le réseau de transports va encore être étendu : il se déploiera sur six lignes à la fin de l’année 2023. La révolution des transports se matérialisera bientôt dans l’urbanisme de la ville, avec la transformation à venir de l’arrière-gare. « Nous avons conclu un protocole d’accord avec la SNCF et la région sur la gare à 360 degrés, un projet d’ouverture qui apparaissait comme un serpent de mer depuis trente ans », se réjouit Alain Jund. La collectivité s’est déjà engagée à aménager un nouveau parking dans ce secteur. Mal accueillie par l’opposition strasbourgeoise au printemps 2023, la nouvelle politique de stationnement doit permettre de reconquérir des espaces publics. « Nous voulons amener le plus grand nombre d’automobilistes à ranger leur voiture dans des parkings en ouvrage », a déjà prévenu Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg.
Olivier MIRGUE
Chiffres clés
• 6 lignes de tram, 2 lignes de BHNS et 39 lignes de bus
• Km parcourus : 18,4 millions dont 6,1 millions de km en tramway
• Fréquentation : 127,1 millions de voyages
• Taux de couverture des dépenses par les recettes clients : 35,6 %