Mixité-diversité - Gagnant : conducteur et sourd sur le réseau urbain du Cholet

Ce prix récompense des entreprises, des collectivités ou des associations qui ont mis en œuvre des politiques favorisant l’inclusion, la diversité ou la mixité et/ou des actions permettant des montées en compétences et en responsabilités.

On peut conduire un bus lorsqu’on est sourd. Romuald Poupard en est la preuve. À l’occasion de la journée nationale de l’audition, le 9 mars, les Transports publics du Choletais (TPC), le réseau urbain de Cholet, ont annoncé qu’ils avaient recruté, le 16 janvier 2023, un conducteur non entendant. Dans un premier temps avec un CDD de six mois. « C’était un moyen de s’assurer que cela fonctionnerait, pour nous comme pour lui », expliquait alors Marc Delayer, directeur général de Choletbus. Passionné par la conduite de bus depuis l’enfance, Romuald Poupard a multiplié les stages au sein des TPC. À commencer par le fameux « stage de 3^e», la semaine d’observation organisée au collège pour découvrir la vie en entreprise. Pour travailler dans le domaine des transports, il passe un bac pro Transport Logistique en 2015. Mais aussi le permis B et le Certificat d’aptitude à la conduite d’engins en sécurité (CACES). Il effectue même un nouveau stage aux TPC en tant qu’agent de méthodes et d’exploitation, dans le cadre d'une formation de technicien d’exploitation logistique. Rien ne semble le détourner de son envie de conduire des bus. Il entame les démarches pour passer son permis D, transport en commun, mais ses tests auditifs sont « non concluants ». Il change ses appareils auditifs pour de plus récents, et un nouveau médecin agréé de la Préfecture, rencontré en juin 2021, valide son projet de formation au permis D.

Il intègre donc en mars 2022 le centre de formation Forget et obtient, deux mois plus tard, sa FIMO et son permis D. De leur côté, les TPC ont dû s’adapter. « Mais rien de discriminant. On ne voulait pas, ni ne pouvait, tout révolutionner pour un seul conducteur. Romuald ne le voulait pas non plus », poursuit Marc Dulayer. « Il utilise les mêmes bus que ses collègues. Il a les mêmes contraintes, les mêmes obligations. » Simplement, les outils de communication ont été adaptés. Pour les appels radio, qui permettent notamment aux contrôleurs d’entrer en relation avec les conducteurs, le prestataire des TPC, Arantel, a développé un outil spécifique qui lie le système radio existant aux TPC à un réseau mobile. Cela permet de transcrire les paroles en un texte qui s’affiche sur la tablette dont est doté Romuald Poupard. Cet outil électronique ne lui est pas réservé. Tous les conducteurs en utilisent un qu’ils installent à bord à la prise de service. Celle de Romuald Poupard a été enrichie d’une application speach-to-text, en l’occurrence Ava Pro, qui transforme les demandes et les questions des clients en texte qui s’affiche à l’écran. Néanmoins, le conducteur est capable de lire sur les lèvres et maîtrise également la langue des signes (langue des signes française – LSF).

Par ailleurs, en interne, une note a été diffusée auprès de l’ensemble du personnel, reprenant, sous forme de dessins, les conseils pour communiquer avec une personne sourde (parler de face, dans la lumière, sans articuler exagérément, etc.) et les principales formules de politesse en langage des signes (bonjour, au revoir, oui, non). Une manière de bien accueillir et intégrer leur nouveau collègue. « Pour la fête de Noël, on avait fait appel à une interprète qui a signé pendant la cérémonie. Mais ça reste exceptionnel. » Le métier de conducteur est déjà pratiqué par d’autres sourds, mais dans les transports interurbains où les interactions avec un PCC ou des collègues contrôleurs sont quasi inexistantes, ou en tout cas, beaucoup plus rares que dans l’urbain. Pour les Transports publics du Choletais, cette démarche fait partie de la démarche RSE. L’entreprise n’en est d’ailleurs pas à sa première embauche originale. Elle compte dans ses rangs, d’autres conducteurs en situation de handicap.

L’adaptation des outils de communication a été réalisée avec l’aide de Cap Emploi 49, un organisme qui accompagne les personnes handicapées vers et dans l’emploi et Audinome, cabinet de conseil pour le bien-être auditif de tous les salariés sourds ou malentendants, grâce à des adaptations de poste, une sensibilisation aux surdités, une aide à la communication. Pour la partie financement, les TPC se sont rapprochés de Pôle emploi, dans le cadre de la Préparation opérationnelle à l’emploi individuelle (POEI) pour le titre professionnel. Un dossier a également été déposé auprès de l’Agefiph. À ce jour, les investissements nécessaires représentent un coût d’environ 25 000 €. « Cela couvre la quasi-totalité des frais », assure Marc Delayer.

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