Transports publics suisses. Un exemple à suivre ?
Par Christoph Schaaffkamp et Andreas Wettig, consultants à Trans-Missions (Tours) et à KCW (Berlin) et Christian Desmaris, chercheur au Laboratoire Aménagement Economie Transports et enseignant à Sciences-Po Lyon. Alors que les transports publics en France sont soumis à une contrainte de financement de plus en plus rude et que leur modèle contractuel semble limiter les marges de progression à attendre, la Suisse, pays voisin, réussit à accroître l’attractivité des transports publics, et tout particulièrement des chemins de fer, tout en maintenant le coût pour la collectivité.
Quels sont les secrets de cette réussite durable helvétique ? Quels sont les enseignements possibles pour les décideurs en France ? Cet article propose quelques pistes fruits de réflexions croisées entre experts allemands, français et suisses.
De la crise au renouveau
Comme dans le reste de l’Europe, les transports publics en Suisse ont connu une période de contraction jusque dans les années 1970. Après un tournant vers le milieu des années 1980, ils connaissent aujourd'hui un succès singulier.
Avec 22,3 %(1), la part de marché (en voyageurs-km) des transports publics en Suisse est une fois et demie supérieure aux parts de marché en France ou en Allemagne. La part du mode ferroviaire atteint pratiquement deux fois le niveau français ou allemand.
La Suisse détient même le record du monde de la distance parcourue en train (kilomètres par habitant et par année). Aujourd'hui, plus d'un Suisse sur deux est abonné aux transports publics (abonnement général ou demi-tarif).
Le succès auprès des voyageurs a été accompagné d'un progrès significatif dans la productivité : entre 1990 et 2013 le nombre train-km par agent a été multiplié par 2,3. Le nombre de voyageurs-km par agent a même été multiplié de 2,55. Les Chemins de fer fédéraux suisses (CFF), l’opérateur ferroviaire historique principal, sont devenus une entreprise (société publique) profitable, notamment par le trafic de voyageurs, mais aussi, et pour beaucoup, par ses revenus immobiliers.
Des clés de compréhension multiples
Un territoire relativement favorable aux transports publics
Les villes historiques denses, avec une haute qualité urbaine et des centres-villes habités, s’opposent à une croissance non maîtrisée de la voiture individuelle. Dans beaucoup de régions, la densité de population est favorable aux transports publics (moyenne nationale de 199 habitants/km²).
La Suisse manque d’espace. De ce fait, il n’y a pas d’acceptation pour un réseau autoroutier à 2×3 voies à travers tout le pays. La protection des paysages est revendiquée par tous les courants politiques et l’aménagement du territoire est un enjeu politique important. Les transports publics profitent de l’avantage de leur faible consommation d’espace.
Une gouvernance politique efficace et le soutien des citoyens
Une organisation décentralisée des transports publics, y compris de son financement
L’organisation de la Suisse est très décentralisée. Beaucoup de décisions sont prises au niveau des communes et des cantons, qui disposent de leurs propres financements et ressources fiscales. Pour le ferroviaire, les cantons disposent de 48 % des moyens financiers (2010), en forte augmentation. En conséquence, les besoins locaux, en particulier de mobilité, sont mieux pris en compte. Il résulte aussi de ce fédéralisme décentralisé une plus grande proximité entre les entreprises de transports publics et leurs clients. Les citoyens peuvent participer à la définition de l’offre, ce qui renforce leur lien avec les transports publics. Du point de vue des politiciens, les modalités de financement dans les cantons rendent attractif d’investir localement et de façon visible.
La Suisse dépense beaucoup plus pour ses transports publics que tous les autres pays européens, en particulier en investissement. Ce fait doit être relié à une volonté politique favorable. Ainsi en 2013, le Parlement a doublé les moyens dédiés aux infrastructures ferroviaires (FAIF) à 6,4 milliards CHF (5,8 milliards d’euros), sans que ces moyens fussent discutés. Ce niveau de dépenses est très supérieur même si l’on tient compte du revenu moyen plus élevé. Ce fait traduit une volonté politique explicite et renouvelée, qui fait la différence avec les autres pays.
Grâce à ces moyens financiers, il est aussi possible de subventionner les transports publics afin de les rendre performants et abordables pour la plus grande partie de la population. Par conséquent, la population soutient le financement des transports publics dans sa globalité et pas seulement des projets isolés. La participation des citoyens aux décisions, leur propension à financer et leur satisfaction se renforcent mutuellement.
Une participation systématique des citoyens à la politique des transports
La démocratie directe force le politique et l’administration à démontrer l’utilité de chaque projet et à le présenter avec un financement adapté. Dans la pratique, en matière de politique des transports, les besoins locaux et des petites évolutions ont plutôt prévalu sur les grands concepts technocratiques. Au niveau national, le mode de décision contraint les acteurs à présenter des projets qui profitent à tout le pays, comme l’illustre le développement de l’ambitieux programme « Rail 2000 ». Les référendums ont contribué à légitimer sur le long terme les décisions pro transports publics qui ainsi peuvent s’appuyer sur une acceptation large et stable.
La démocratie directe a aussi conduit à quelques décisions « abruptes », comme l’acceptation de l’Initiative des Alpes (ayant pour objectif la limitation du transit poids lourds dans les Alpes suisses, favorable au rail) par les électeurs, contre la volonté de la politique et l’administration.
Vraisemblablement, cette culture de participation renforce l’identification des citoyens avec les transports publics à tous les niveaux.
Un paysage politique marqué par le consensus dans une société peu segmentée et moins dominée par l’automobile
Le système politique en Suisse est traditionnellement marqué par le consensus, qui conduit à rechercher des solutions acceptables pour une grande majorité, tant au niveau politique qu’administratif. En conséquence, il y a moins de revirements de stratégie, une plus grande stabilité au niveau des représentants politiques et une administration moins politisée.
L’écart entre les classes sociales est relativement peu développé. Par conséquence les transports publics ne souffrent pas de l’image de transport du pauvre et sont acceptés dans les classes moyennes et élevées jusqu’aux membres du Conseil fédéral, qui utilisent les transports publics.
Le paysage politique helvétique n’est pas marqué par l’industrie automobile et ses lobbyistes. Néanmoins la Suisse finance aussi des infrastructures routières, qui sont souvent motivées par la politique régionale.
Un opérateur historique moins dominant que dans d’autres pays européens et animé par une culture d’entreprise en faveur de la qualité et du service aux clients
Les CFF n’ont jamais été une entreprise publique aussi dominante que les entreprises ferroviaires des autres Etats européens. Il existe depuis longtemps d’autres entreprises ferroviaires, avec une part de marché suffisante pour soutenir une « concurrence des idées » avec les CFF. Même s’il n'y a pas (ou très peu) de concurrence réelle(2), la possibilité de comparer sa performance aux autres opérateurs amène – au moins dans le contexte suisse – à se trouver moralement obligé de s'améliorer ! De ce fait, l’opérateur historique est très sensible à la satisfaction de sa clientèle et aux injonctions de son actionnaire, le Conseil fédéral. Il en résulte aussi une grande plasticité managériale et opérationnelle, facteur de gains d’efficacité et d’efficience productive.
En retour, l’attitude positive de la population envers les transports publics fait que les entreprises de transport public sont des employeurs attractifs et que leur place dans les budgets publics n’a jamais été a priori sources d’économies. Ils offrent de bonnes conditions de travail, y compris pour les postes en bas de la hiérarchie, mais demandent une haute productivité et une grande qualité de service rendu. Cela leur permet d’obtenir le concours d’employés qualifiés et motivés. Les employés sont perçus comme de véritables « ambassadeurs » des transports publics.
Les transports publics en Suisse ont aussi bénéficié du choix heureux de leurs dirigeants à des moments cruciaux. L’identification des directeurs des entreprises de transport à leur société fait que beaucoup de ces dirigeants sont aussi des utilisateurs enthousiastes de leurs services. Ainsi, personne dans la branche n’arrive en réunion en limousine avec chauffeur. Les réunions sont naturellement prévues en fonction de l’horaire des transports. La culture de management est productive et orientée au profit du système dans son entier. La recherche de la qualité et de l’innovation prévaut sur le résultat purement monétaire de l’entreprise.
Le système ferroviaire : une infrastructure optimisée, une offre conséquente associée
à une tarification attractive et homogène et à une gouvernance publique coopérative
Un développement stratégique du réseau ferroviaire existant
Avec le programme « Rail 2000 », lancé en 1987, la Suisse a opté pour une stratégie d’investissement ferroviaire visant à maximiser la performance du réseau existant tant en termes de desserte de tout le pays, que de capacité et de vitesse porte à porte. Une planification très poussée de l’horaire et des correspondances simultanés permettent de cibler les investissements en fonction de l’offre souhaitée. Aujourd’hui, le réseau affiche une productivité élevée des CFF et une bonne robustesse de l’horaire.
Un haut niveau de service à travers tout le pays
Afin de garantir l’irrigation de la totalité du territoire, la législation fédérale définit deux niveaux minimaux d’offre, en fonction de la population à desservir et de la fréquentation attendue. Chaque lieu avec au moins 100 habitants permanents doit être desservi. A partir de 32 voyageurs par jour, un minimum de quatre allers-retours quotidiens, du lundi au dimanche(3), est exigé. A partir de 500 voyageurs par jour, la cadence horaire est la norme. L’application de ces standards aux lignes de transport régional (rail et route) est exécutée par une commande conjointe de l’Etat et des cantons. Les cantons et/ou les communes sont responsables du transport local.
Le cadencement et les correspondances simultanées sont systématiques pour le réseau ferroviaire. Chaque ligne et chaque gare sont desservies par au moins un train par heure, la règle est même plutôt de plusieurs trains par heure. Ce niveau de desserte est également garanti dans les zones peu denses, comme par exemple dans le canton des Grisons (26 habitants au km²). Dans beaucoup de régions une mobilité sans voiture est devenue réelle.
Une forte tradition suisse des services publics de qualité aussi valable pour les transports publics
Avec 87,7 % (en 2014), la ponctualité ferroviaire semble comparable à la France, mais pourtant ce chiffre traduit une réalité bien différente. La ponctualité des CFF est mesurée à 2 minutes 59 secondes à l’arrivée finale du client, en comprenant toutes les correspondances. La SNCF mesure la ponctualité à 5 minutes et par train, et la DB la mesure même à 5 minutes 59 secondes. Pour réaliser une telle qualité, les CFF stationnent des trains de remplacement dans les nœuds du réseau.
Les transports publics, permettant un très haut niveau de mobilité et garantissant une liberté de choix du moyen de transport, bénéficient d’une grande importance dans la société helvétique. La perception de l’Etat en Suisse repose sur une exigence de solidarité et vise à garantir à toutes les régions les mêmes chances de se développer. Par conséquent, les acquis de Zurich doivent aussi être accordés au canton des Grisons. Dans la pratique, cela conduit plutôt à un nivellement par le haut, qui renforce le maillage des transports publics sur l’intégralité du territoire.
Une tarification attractive et homogène sur l’ensemble du territoire intégrant la totalité des réseaux de transports publics
Avec la tarification nationale unique « Service direct », l’abonnement demi-tarif et l’abonnement général, les transports publics proposent un prix attractif et sont perçus par l’usager comme un réseau global intégré.
Contrairement aux idées reçues, les transports publics sont moins chers en Suisse qu’en France ou qu’en Allemagne, si on les rapporte aux prix de la consommation ou au prix du PIB.
En outre, tous les billets sont des billets ouverts. Ils peuvent être utilisés sur tous les trains, pour tous les opérateurs sur une relation donnée, à chaque heure et sans réservation. Les clients réguliers sont privilégiés par un abonnement demi-tarif attractif (adulte : 185 CHF par an, soit 169 euros) qui offre 50 % de réduction sur tout billet de train, de transport urbain et interurbain. L’abonnement général permet l’utilisation libre de tous les transports publics en Suisse. La politique tarifaire vise explicitement à fidéliser la clientèle, au moyen d’abonnements. La billettique SwissPass, lancée en août dernier, apportera des facilités supplémentaires.
La grande majorité de la population helvétique utilise les transports publics. Environ 50 % de la population dispose d’un abonnement et, parmi eux, 450 000 ont souscrit un abonnement général (un Suisse sur vingt !). En plus, 25 % des Suisses utilisent les transports publics occasionnellement.
Une gouvernance publique privilégiant la coopération et la contractualisation à la recherche de la concurrence
Une différence majeure avec la politique recommandée ailleurs en Europe réside dans la nature du couple coopération-concurrence. En Suisse, les réformes ferroviaires successives conduites depuis 1995 ont associé des exigences accrues, notamment en termes de qualité de service et de respect d’une contrainte financière sévère, à une contractualisation plus exigeante. Pour le transport régional de voyageurs, les CFF ont perdu le monopole légal et la concurrence dans la procédure d’attribution du marché est théoriquement possible, mais elle n’est pas sollicitée. Les cantons, décideurs et financeurs, préfèrent passer des conventions de service et d'objectifs exigeants avec l’opérateur historique. Ces conventions, de très courte durée (deux ans), sont basées sur la coopération, la confiance et la transparence. Les CFF, très intéressés par ces contrats, s’impliquent pour réaliser la qualité demandée par les cantons et les citoyens.
Quant au propriétaire des CFF, le Conseil fédéral, tout en respectant la liberté opérationnelle de l’entreprise, en encadre précisément l’activité par une contractualisation (dite « Convention sur les prestations »). Cette dernière est basée sur un pilotage stratégique fait d’objectifs clairs, précis et contrôlés et, par comparaison avec les attributions directes en France, financièrement contraignantes.
Quelques conclusions sur les transports publics suisses
Le regain d’attractivité des transports publics pour le citoyen suisse est un fait indéniable. Les comparaisons avec l’étranger soulignent la singularité du succès de cette politique publique volontariste. Quels en sont les leviers les plus significatifs ? Cette analyse nous aura permis de les identifier, sans pour autant nous permettre d’en établir une hiérarchie totalement convaincante. Les facteurs explicatifs sont en fait interdépendants, parfois très fortement. Certains aspects sont autant une cause du succès constaté que son effet.
Au final, la question de la compréhension du « modèle suisse » de redressement des transports publics et des CFF, depuis le milieu des années 1980, reste encore à explorer.
Quels enseignements pour l’organisation des transports publics en France ?
A l’évidence, les conditions géographiques et urbanistiques de la Suisse sont bien différentes de celles de la France et sa culture politique est spécifique. Néanmoins, le « modèle suisse » de transports publics nous autorise à suggérer cinq pistes d’amélioration des transports publics en France.
Poursuivre la décentralisation des financements et des compétences dans le transport public
La régionalisation des trains régionaux a été un succès reconnu dans une première période, avant que le manque de transparence et de progrès de la productivité de la SNCF en ait arrêté la trajectoire. Mais le plus grand succès se trouve dans le transport public urbain. Le versement transport s’avère un formidable levier pour les agglomérations qui peuvent ainsi réaliser nombre de leurs projets – avec, à la clé, un succès majeur, le renouveau du tramway en France. Sur ces bases, accordons aux régions le choix de l’opérateur ferroviaire et un financement propre pour le transport interurbain !
Diversifier les entreprises ferroviaires afin de mettre en marche une spirale d’amélioration productive
La productivité de la SNCF (en train-km par agent) est aujourd’hui la plus faible des grandes entreprises européennes. Elle est deux fois inférieure à celle des CFF. En 1970 ce ratio n’était que 1,5. A l’ombre du succès formidable du TGV, les dirigeants de la SNCF et l’Etat en tant que propriétaire ont négligé la productivité du système dans son entier.
A l’instar de la Suisse, la France serait bien inspirée de réduire la prédominance de la SNCF dans le système ferroviaire. Un grand pas dans cette direction serait de créer des entreprises ferroviaires locales, auxquelles seraient transférées les infrastructures à vocation régionale et qui exploiteront les services ferroviaires et les gares. Une approche complémentaire serait de mettre en concurrence l’exploitation des lignes régionales (le moyen choisi par l’Allemagne). Au niveau de l’entreprise SNCF, les contrats de travail des dirigeants devraient inclure plus d’incitations à la productivité et à la qualité du service rendu.
Investir dans le réseau ferroviaire existant, en associant gains de productivité et offre interconnectée
La politique d’investissement ferroviaire en France a été, depuis les années 1980, centrée sur la création de lignes nouvelles performantes, avec pour conséquence un désinvestissement dans le réseau existant. Il en a résulté des problèmes de qualité dans le réseau, qui est notamment un obstacle au déploiement d’une offre régionale performante et attractive.
L’exemple suisse montre qu’il est pertinent de développer le réseau classique en fonction de l’offre souhaitée. Bien souvent, de « petites mesures » ont un ratio coût/bénéfice particulièrement favorable – tel un signal reposé, un quai supplémentaire, un tronçon de voie double, ou encore, un tronçon de ligne rectifié.
Au niveau de l’offre, la politique de la SNCF visant à supprimer des trains en heure creuse, pour faire des économies, mais aussi la politique de certaines régions tendant à rajouter des trains, surtout en heure de pointe, a mis en péril la productivité du système, aujourd’hui très faible malgré le TGV.
La productivité élevée des CFF est pour partie le fruit du cadencement intégral, qui permet d’optimiser l’usage de ses moyens de production. Faire circuler un train en heure creuse est nettement moins cher qu’en heure de pointe ; le matériel et le personnel roulant étant disponibles et payés. Certaines régions en France, l’Ile-de-France, Alsace ou Rhône-Alpes, l’ont déjà bien compris.
La France a récemment décidé de réorienter ses investissements ferroviaires au profit du réseau classique, qui a accumulé des retards en matière de maintenance et de modernisation. La France pourrait s’inspirer du programme suisse « Rail 2000 » qui associe une offre performante (fréquence, correspondances) et des gains de productivité.
Mais l’enjeu majeur des années à venir est d’abord de gagner en productivité. La SNCF doit revoir son organisation productive et, tout particulièrement, son organisation du travail obsolète, voire son management, trop coûteux en charge de structure. Cette amélioration de la productivité permettrait notamment de mieux maîtriser l’évolution de la contribution des régions et rendre financièrement viable la poursuite de l’expansion de l’offre TER.
Créer une tarification unique et attractive du système
Le système tarifaire en France est très éparpillé, avec des ruptures tarifaires à chaque changement de transporteur, ou presque. Cela décourage l’utilisation intermodale du système et la perception des transports publics par les citoyens comme un réseau unique. Le niveau tarifaire est très hétérogène, avec des tarifs très bas et d’autres assez élevés. En dehors des réseaux urbains, la tarification apparaît trop peu orientée vers la fidélisation de la clientèle.
Même si la France est un grand pays, la grande majorité des déplacements sont locaux. S’inspirant de la Suisse, le système tarifaire devrait aller vers plus de simplicité d’usage, plus de flexibilité et plus d’intermodalité. Il devrait aussi évoluer vers une tarification plus homogène, plus abordable et plus à même de fidéliser la clientèle. Une telle réforme aurait le potentiel d’amener de nouveaux clients dans les transports publics.
Réécrire la gouvernance publique sur la base d’une plus grande coopération entre les acteurs et d’exigences accrues en faveur des clients et des contribuables
Le fonctionnement du système ferroviaire en France apparaît coûteux pour les finances publiques, avec au final, des résultats peu satisfaisants pour les clients (en dehors du TGV). La dérive constante des contributions régionales en faveur du TER et le manque criant de transparence en constituent une illustration éclairante.
La Suisse a basé son modèle sur la coopération et la transparence en exigeant des bons résultats de ses opérateurs, en termes de qualité et d’économie. Dans le transport urbain et interurbain, la concurrence est permise là où l’opérateur manque les objectifs convenus.
Il importerait, à l’instar de la Suisse, que les pouvoirs publics en France puissent réformer en profondeur la gouvernance publique de l’opérateur ferroviaire, pour la rendre plus incitative et plus responsabilisante. La qualité de la coopération entre les acteurs et l’exigence de la contractualisation nous apparaissent être des facteurs déterminants d’amélioration. La perspective de la concurrence en cas de manquement des objectifs devrait faire partie de cette gouvernance.
Souhaitons, pour conclure, que les acteurs du système de transports publics en France sachent se montrer, chacun, à la hauteur de ces défis. Leur avenir en dépend.
(1) Eurostat, voyageurs-km en 2012, à comparer à 14,9 % en France, 14,7 % en Allemagne.
(2) La mise en concurrence est pratiquée (et obligatoire) dans le transport public routier en cas d’offres nouvelles et de modifications substantielles. Le canton de Berne est presque le seul à mettre en concurrence aussi des services existants.
(3) Exemple du canton de Berne, Ordonnance sur l'offre de transports publics du 10 septembre 1997, source : www.sta.be.ch/belex/f/7/762_412.html
Qui sont les auteurs ?
Christoph Schaaffkamp et Andreas Wettig sont consultants à Trans-Missions (Tours) et à KCW (Berlin).
Trans-Missions est une nouvelle société de conseil franco-allemande, crée par KCW et Beauvais Consultants, qui se positionne en tant que partenaire fort des autorités organisatrices de transport.
KCW est le leader allemand du conseil en stratégie et en management pour les transports publics. L’entreprise est forte d’une soixantaine d’experts : économistes, juristes, ingénieurs et géographes.
Christian Desmaris est quant à lui chercheur au Laboratoire Aménagement Economie Transports (Laet) qui s'inscrit dans une tradition de recherche en économie des transports et en aménagement du territoire. Le LET est rattaché au CNRS, à l’Université Lyon 2 et à l’Ecole nationale des travaux publics de l’Etat (ENTPE). Ses travaux questionnent les relations entre transports, territoires et société. Pluridisciplinaire, il associe l’économie, l’ingénierie, la géographie, la sociologie et la science politique.
Sources :
Bonnafous Alain, 2013. A quel prix, la réforme ?, Ville, Rail & Transports n° 548, 30-33.
Desmaris Christian, 2014. La régionalisation ferroviaire en Suisse : la performance sans la compétition. Un exemple pour la France ? Revue Politiques et management Public, 31/2, Avril-Juin, p. 169-191.
KCW : recherches et activités de conseil en Suisse.
Statistiques : Eurostat, Statistique Suisse (OFS), Insee, Medde (les comptes des transports), Destatis et DIW (Verkehr in Zahlen)
Litra, service d'information pour les transports publics (www.litra.ch)
Publié le 10/12/2024
Publié le 10/12/2024