« La mobilité, contre une France fracturée à l’extrême »
Tribune de Dominique Busserea, ancien ministre, député Les Républicains
et président du conseil départemental de Charente-Maritime, président de l’Assemblée des départements de France, vice-président du Gart.
En signant en commun, avant le second tour de l’élection présidentielle, une tribune sur la liberté fondamentale que représente la mobilité, mes collègues députés (Philippe Duron, Gilles Savary, etc.) et moi avons non seulement effectué une démarche politique forte mais également tiré collectivement les conséquences du premier tour.
Deux éminentes personnalités, le démographe Hervé Le Bras et le géographe Christophe Guilluy expriment, en termes proches, les mêmes conclusions.
Hervé Le Bras constate : « L’émergence géographique de l’extrême droite a des raisons objectives : là où elle obtient ses meilleurs résultats c’est là où les problèmes économiques et sociaux sont les plus graves… Que l’on cartographie le taux de chômage, la proportion des jeunes sans diplôme, la pauvreté, la fréquence des ménages monoparentaux ou le niveau d’inégalité locale, on obtient des répartitions très semblables : une grande zone au nord de la ligne Le Havre/Belfort, le rivage méditerranéen jusqu’à cent kilomètres de profondeur, la vallée de la Garonne entre Toulouse et Bordeaux… On peut parler de périphérie, de sentiment d’abandon… »
Le constat est donc clair : les périphéries des agglomérations et des villes moyennes, la ruralité ont exprimé et expriment un sentiment de délaissement et d’abandon.
Il est évident que l’absence de services (téléphonie mobile, Internet, transports de proximité) est perçue par bon nombre de nos concitoyens comme fracturante et qu’ils en tirent un sentiment d’exclusion avec des conséquences politiques très claires.
L’amélioration de toutes les mobilités est donc – sans exclusive ! – une des manières d’effacer ce sentiment d’abandon.
Les chiffres fournis en 2016 par l’Observatoire de la mobilité piloté par l’Union des Transports publics et ferroviaires (UTP) montrent que les Français font preuve d’un véritable engouement pour les transports collectifs et la mobilité durable mais que paradoxalement par rapport à 2015 le taux d’utilisation du TER a perdu trois points.
De même l’UTP constate que l’augmentation de recettes, dans le transport public incombe exclusivement aux grands réseaux (+4 %) qui augmentent l’offre (+1,5 %) et la concentrent sur des lignes à fort potentiel de clientèle. Dans les agglomérations de taille moyenne, l’offre n’a augmenté que de 1,1 % et dans les plus petites collectivités, les chiffres sont différents : l’offre ne progresse que de 0,5 % et la fréquentation de 0,6 %.
Face à cette situation et aux difficultés financières des collectivités (les élus ne diminuent pas par plaisir l’offre et la qualité des services publics) il faut donc rappeler – comme le fait régulièrement le Gart – qu’il est nécessaire d’investir massivement dans l’amélioration des transports au quotidien.
Chacun sait ce qu’il faut faire : donner une vraie qualité de service aux clients, baisser la fraude et surtout l’acceptabilité de la fraude, rétablir la sûreté sur les réseaux, garantir un service permanent malgré les conflits sociaux…
Dans nos territoires ruraux, malgré les aberrations de la loi Notre, il faut conforter le rôle des départements dans les transports de proximité (covoiturage, transports sociaux par taxis au profit des plus défavorisés) et donner aussi plus de liberté aux régions, ce qui passe par l’ouverture immédiate de la concurrence pour les TER.
Enfin les enjeux sont financiers : le transport public est sous-financé par ses clients et l’effet de ciseau augmente : entre 2003 et 2013, la dépense a progressé de 6 % dans les transports urbains et la recette a baissé de 12 %.
Les recettes tarifaires doivent donc couvrir au minimum la moitié du coût tout en favorisant la mise en place d’une tarification sociale intelligente, selon la réalité des revenus et l’éloignement et non pas en fonction du statut social ou de l’âge.
Enfin, nous ne ferons pas l’économie de revenir sur les décisions néfastes du quinquennat achevé : la suppression de l’écotaxe et l’augmentation de la TVA dans les transports du quotidien.
J’en reviens ainsi à la conclusion de notre tribune pluraliste, citée plus haut : « Liberté, égalité, fraternité, telle est la devise notre République. Tel est également, dans ce second tour de l’élection présidentielle, le chemin du projet que nous choisissons pour une qualité de service des transports au bénéfice de nos compatriotes et de nos entreprises. »
Publié le 10/01/2025 - Philippe-Enrico Attal