Hyperlieux mobiles. L’An 01 de la société 3.0
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La pandémie de COVID-19 a conduit à inventer dans l’urgence des services mobiles, capables d’apporter wifi, aides à la personne, secours aux malades dans une société confinée. Elle accélère et accentue une tendance à l’œuvre depuis des années, sur laquelle l’Institut pour la ville en mouvement/Vedecom poursuit un programme de recherche international depuis 2017. Une tendance faisant des véhicules connectés des nouveaux outils du vivre-ensemble. Et bousculant les coutumes du transport public traditionnel, peu enclin à fournir autre chose que du transport…
Les VRP du vrac, sous ce joli nom, Le Monde a récemment célébré des marchands d’un nouveau genre qui ont fait leur apparition sur les routes de France, en vendant céréales ou légumes sans emballage et au poids. Une soixantaine d’épiceries mobiles circuleraient un peu partout dans le pays. Selon le quotidien, « la crise sanitaire, qui a vu les circuits courts rencontrer un succès inespéré, ne devrait qu’encourager le mouvement ».
Ce n’est pas l’Institut pour la ville en mouvement/Vedecom (IVM) qui dira le contraire. En 2017, l’IVM a lancé un programme international de recherches sur ce qu’il appelle des « hyperlieux mobiles ». Un nom un peu chic et intello, mais il faut reconnaître qu’il n’est pas si simple de fédérer sous un concept des initiatives aussi foisonnantes que celles qui intéressent l’Institut. Ces pratiques, l’IVM les réfère à des figures traditionnelles « comme le vagabond, le pèlerin, le commerçant ambulant, le rémouleur et le colporteur, les troupes de cirque et de théâtre, l’écrivain public itinérant ». Figures toujours présentes dans le monde contemporain, mais métamorphosées. L’IVM recense environ 600 initiatives dans le monde entier, qui vont du bikebus (le bus dans lequel on fait du vélo d’appartement) à la Télé imagerie médicale mobile (TIMM) en passant, pourquoi pas, par les épiciers du vrac dont nous venons de parler. Ces pratiques sont largement méconnues.
« Cela n’existe ni comme champ d’études, ni comme domaine statistique », constate Mireille Apel-Muller, la directrice de l’IVM-Vedecom. D’où le programme de recherches d’un institut qui les croit promises à un bel essor.
Car, avec la crise de COVID-19 et le confinement, pour que tout s’arrête et que des millions de personnes puissent rester chez elles, il a fallu que de très nombreux services continuent à fonctionner et que des millions de personnes continuent à bouger. On a beaucoup parlé des premiers de cordée, de tous ceux qui ont dû prendre leur poste de travail dans les grandes surfaces, des éboueurs qui ont continué de vider les poubelles, des personnels des hôpitaux plus que jamais mobilisés. Il n’a pas seulement fallu continuer. Il a fallu innover, et que des services aillent jusqu’aux gens.
En témoignent les photos spectaculaires, dans le monde, de dépistage mobile, de paquebot hôpital ou de TGV transformés en unités mobiles médicalisées. Ou de retour en vogue du drive, pour voir un film ou assister à des offices religieux sur les parkings : certes, les spectateurs et les fidèles se déplacent, mais les officiants ou les opérateurs font une partie du chemin jusqu’à eux.
Ces activités mobiles, on en a déjà vu les prémices dans le monde moderne, rappelle Mireille Apel-Muller, avec les « petites Curie », des véhicules dotés d’unités de radiologie qui allaient au front, au plus près des blessés, pendant la Première Guerre mondiale. On peut aussi penser au tri postal qui s’est longtemps effectué dans les trains et qui met en lumière une autre dimension : le temps de trajet est du temps utile. Mais qui rappelle aussi que les modèles économiques sont fragiles, l’automatisation du tri dans les centres ayant eu raison du service mobile… On peut aussi penser à autre chose que du temps de travail : du loisir ou de la formation. L’idée, pour l’IVM, c’est de voir tout ce qui peut faire du véhicule autre chose qu’un moyen de transport, que le temps de trajet ne soit pas un temps mort, et qu’en définitive le véhicule lui-même devienne une destination.
Une tradition va déjà dans ce sens, rassemblant, on l’a dit, forains et colporteurs, mais aussi artisans allant de client en client et ayant fait de leur véhicule un atelier roulant. A cette strate ancienne, est venue s’ajout
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