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Retour sur… les limites du modèle TGV avec David Azéma

21 Sep 2011

Grande vitesse , SNCF

Mis à jour le 23 mai 2017

Pour le numéro 2 de la SNCF, on a peu à peu dérivé du modèle initial en utilisant très largement la compatibilité du TGV?avec le réseau classique. Résultat, un système très consommateur en capital, que la tarification d’infrastructure ne permet pas de corriger. Ville, Rail & Transports. Michel Walrave, en revenant sur la période où on inventait la première ligne TGV, a dit un jour : « Si on se limite à des trains Paris – Lyon s’arrêtant à Lyon, point final, on passe certainement à côté de choses intéressantes. » Mais n’a-t-on pas mis ainsi le doigt dans un engrenage dangereux ? Ce à quoi on assiste aujourd’hui, dans la crise du modèle, n’est ce pas un retournement de l’effet réseau ?
David Azéma. Il fallait aller au-delà de Lyon, mais je ne sais pas dire exactement où il aurait fallu s’arrêter dans l’extension des dessertes. Entre le seul Lyon ou toutes les dessertes que nous assurons aujourd’hui, la vérité économique du seul point de vue de l’opérateur est sans doute entre les deux, et la vérité du point de vue de la politique des transports se trouve encore ailleurs. D’un point de vue de pur opérateur, y compris d’opérateur intégré, il y a dans le réseau TGV, comme dans tous les réseaux ferroviaires, un point d’extension au-delà duquel on rencontre une rentabilité décroissante. C’est ce qui s’est passé à la fin du XIXe siècle pour les compagnies ferroviaires qui sont allées au-delà de cette limite : les investissements marginaux ne produisaient pas de revenus suffisants. Il y a un point au-delà duquel il devient extrêmement difficile de justifier l’infrastructure et les besoins de parc supplémentaires.
Si d’un point de vue strict d’opérateur on ne peut pas justifier qu’on couvre l’ensemble des dessertes actuelles, cela se présente autrement d’un point de vue collectif, public. Pour la part du réseau qui sera sous-utilisée, ou utilisée par des gens qui ne seront pas prêts à le payer entièrement, il s’agit d’une décision d’arbitrage entre clients et contribuables. Cet arbitrage en France a été placé assez loin en faveur du client par les pouvoirs publics, sans que le contribuable soit sollicité pour combler l’écart. C’est alors la dette des établissements publics qui fait la soudure.

VR&T. Fallait-il imaginer un produit mixte voie classique-voie à grande vitesse ?
D. A. C’est l’originalité du modèle français par rapport à son prédécesseur, le modèle japonais. Le modèle japonais, c’était un réseau dédié, neuf, qui dans l’équivalent japonais allait bien au-delà de Lyon. Ce n’est pas Tokyo – Osaka seulement, c’est Tokyo – Osaka – Kobe – Kyushu. Par contre, les trains ne vont pas plus loin, ils ne sortent pas de cette ligne nouvelle. Les voyageurs qui en ont besoin ont alors recours aux correspondances, à partir de ces grandes métropoles.
D’un point de vue d’opérateur, en France, on est sans doute allé trop loin dans la suppression des correspondances. On a cherché à capter le maximum de volumes en réduisant au maximum l’effet correspondance, en offrant le plus d’origines – destinations directes possibles. C’est le contraire de la stratégie aérienne : on ne rassemble pas à un point de correspondance, ou hub, des flux de taille faible pour faire un gros flux qu’ensuite on rééclate. On a de ce fait un système très consommateur en capital. Cela m’a beaucoup frappé quand j’ai comparé le nombre de rames au Japon et en France. JR Central réalise un trafic annuel de 42 milliards de voyageurs-kilomètres et nous de 45 milliards. Mais JR le fait avec 103 rames quand nous en avons 475. Le fait qu’elles soient moins capacitaires n’explique pas tout l’écart. On a longtemps dit qu’on était le premier pays TGV parce qu’on avait le plus de rames, mais ce n’est sans doute pas le bon critère d’appréciation de la performance économique.

VR&T. Un peu comme les Espagnols, qui ont le kilométrage le plus conséquent…
D. A. … alors qu’il n’y a pas beaucoup de voyageurs dessus ! Eh bien, si nous sommes nettement meilleurs que les Espagnols dans l’optimisation du « capital lignes », nous sommes beaucoup moins bons que les Japonais dans l’optimisation des rames.
Cela dit, si les pouvoirs publics jugent qu’il faut maximiser les volumes qui utilisent les infrastructures, maintenant qu’elles sont construites, alors, il n’est pas idiot de faire le plus possible de dessertes directes. Car, on le sait, moins il y aura de correspondances, moins on mettra de temps, et plus on aura de voyageurs qui prendront le train. Mais du coup il faut concevoir la tarification d’infrastructure en fonction de cet objectif politique. Il faut que la tarification d’infrastructure intègre la désoptimisation de flotte que suppose ce type de desserte pour l’opérateur.
Par analogie, si on voulait que les habitants de Memphis (Tennessee) bénéficient d’un vol direct en A380 en prolongement de Paris – New York, il faudrait sacrément modifier les taxes d’aéroport ou les redevances de route pour trouver un équilibre économique à cette desserte.
D’où notre exigence d’un taux de marge opérationnelle sur chiffre d’affaires pour l’activité TGV de minimum 20 % (sur la base d’un mix de dessertes constant), très supérieur à celui d’une compagnie aérienne dont l’utilisation du capital, bien qu’il soit beaucoup plus cher, est beaucoup plus optimisée. Une compagnie aérienne adapte ses tailles d’avions aux tailles de marchés, les fait tourner plus vite puisqu’ils vont plus vite et fait du hub. Nous n’avons pas toutes ces souplesses.

VR&T. C’est un choix qui a été fait au début du TGV et qui d’ailleurs n’allait pas de soi…
D. A. Ceux qui ont inventé le TGV l’avaient conçu sur un modèle plus compact et ne prévoyaient sans doute pas le contournement de Paris et la démultiplication des origines – destinations longues qui en résulte. Ils prévoyaient encore moins qu’on ferait des Brive – Lille, ou qu’il y aurait une desserte permanente entre la côte d’Opale et Paris.
Ils n’avaient pas anticipé le fait que le TGV soit devenu la seule expression de la modernité ferroviaire à longue distance en France. Je suppose qu’ils avaient anticipé le risque de demande d’arrêts intermédiaires et la nécessité dans leur modèle d’y résister autant que faire se peut, mais pas l’extension actuelle, ni le TGV d’aménagement du territoire. On avait au départ un concept cohérent et compact, né de l’alliance de la recherche économique et de la recherche technique, visant à exploiter avec des navettes hyperdenses et hyperfréquentes des O-D (origines – destinations) particulièrement appropriées avec de gros volumes.

VR&T. Si vous aviez fait l’aérotrain, vous n’auriez pas eu ces soucis d’extension. Vous ne regrettez pas ?
D. A. J’en doute un peu, car je crois que si cette technologie avait été réellement au point, elle aurait réémergé quelque part. Et puis, la technologie compatible avec le réseau classique que nous avons choisie présente de très grands avantages, comme la possibilité d’un phasage dans la réalisation des lignes nouvelles, ou comme la possibilité d’entrer dans les gares existantes.
Ce que je regrette, c’est autre chose. On aurait pu à l’origine penser les gares – leur architecture, leurs plans de voie, leurs flux – plus comme des lieux de correspondances. Ce qu’on n’a pas fait. N’a-t-on pas ainsi complètement raté l’occasion de réaliser, en région parisienne, ce qu’ont les Japonais à Tokyo ? Plutôt que d’avoir un contournement, et de très longs parcours de bout en bout, on a une gare centrale où il n’y pas d’interconnexion. La gare est un hub entre les Shinkansen du Nord, de JR East, et les Shinkansen du Sud, de JR Central. Toute personne qui veut aller de Sendai à Nagoya changera de train en gare de Tokyo Central. Il y a moins de risque de contamination par les incidents d’exploitation et on maximise les emports.
Peut-être que la bonne idée aurait été de faire une grande gare de correspondances par exemple sous la place de la République ou à Roissy ou Marne-la-Vallée. Pour poursuivre cet exercice de rail-fiction, je formulerai un autre regret, c’est que la gare de Roissy n’ait pas été placée sur l’itinéraire entre Paris et Londres, ce qui empêche de faire de Roissy-CDG, grâce à l’Eurostar, l’aéroport du sud-est de l’Angleterre. Ce qui aurait été bon à la fois pour Eurostar, pour Aéroports de Paris et pour Air France.

VR&T. Le modèle TGV aujourd’hui est en crise. On entend dire que vous auriez 150 rames de trop. Vous confirmez ?
D. A. Ce que nous disons, c’est que nous avons plus de 30 % de dessertes TGV qui ne couvrent pas leurs charges de capital. Si nous étions un acteur normal et rationnel, nous aurions revendu les rames utilisées pour ces dessertes aux Espagnols ou pourquoi pas aux Chinois. 30 % du parc, cela fait environ 150 rames. Dire qu’on a 150 rames de trop, c’est un peu un effet de manche, mais ce n’est pas loin de la vérité. Avec la dynamique de péages actuelle, si la branche SNCF Voyages (transport ferroviaire de voyageurs grande vitesse) était une entité autonome, elle ne pourrait pas obtenir d’un banquier le financement pour renouveler la totalité de sa flotte à partir de 2020.

VR&T. Si vous étiez un opérateur normal, quelles dessertes arrêteriez-vous ?
D. A. Nous ne sommes pas un opérateur « normal », et c’est pourquoi cette question est assez virtuelle, une forme de démonstration par l’absurde. En fait, nous savons que la restauration du modèle économique TGV par le seul ajustement des dessertes à la baisse serait impossible. Je vais prendre un exemple qui me semble très révélateur : les liaisons TGV dont le temps de trajet n’excède pas une heure, qui deviennent des trains de banlieue pour leurs clients. Lorsqu’on habite en province à une heure de TGV de la capitale, on peut organiser sa vie pour travailler à Paris et s’y rendre chaque jour en TGV. La distance est importante, 300 km, tout en ayant un temps de parcours de grand banlieusard. Or, en l’espèce, l’abonnement payé par les clients de ce type de liaisons TGV ne couvre parfois même pas le péage que nous payons à Réseau Ferré de France ! Est-ce concevable que nous fermions ces trains à ces clients « commuteurs » ? Sans doute pas, c’est pourquoi nous réclamons une politique de péages d’infrastructures raisonnée qui permette le maintien d’une certaine péréquation entre les TGV.
 

VR&T. Vous évoquiez la desserte de la Normandie. On a l’impression que pour cette ligne comme pour la ligne nouvelle Paca, si on les fait un jour, la SNCF n’a pas la bonne réponse, qu’il faut inventer quelque chose d’autre que le TGV pour ces dessertes en chapelets de villes, à l’allemande.
D. A. Il revient d’abord aux constructeurs de trains d’inventer le produit. Un train conçu pour une relativement longue distance et la très grande vitesse n’est pas adapté à des interdestinations de moins de 100 km : ni dans son temps d’accélération, son temps de freinage, ni dans la conception même de caisse, la façon d’y monter ou d’en descendre. Nous avons, nous aussi, à apporter une réponse, mais nous ne sommes plus aujourd’hui, institutionnellement, le seul penseur du système ferroviaire français. S’il devait y avoir un nouveau concept pour Paris – Rouen – Le Havre ou pour Marseille – Toulon – Nice, il devrait y avoir une réflexion collective. Ces projets de ligne seraient, c’est vrai, un bon support pour faire évoluer le concept.
 

VR&T. Nous avons évoqué deux facteurs qui déséquilibrent le système, certaines dessertes trop longues et les coûts de l’infrastructure. Un autre va s’ajouter : la concurrence.
D. A. A ce sujet, il y a un argument que je réfute toujours, c’est qu’il faudrait augmenter nos péages pour notre bien, pour nous aider à faire face à la concurrence ! Je préfère affronter les concurrents en étant vivant et en bonne santé plutôt que fragile. Car la vraie menace, ce n’est pas l’écrémage, c’est l’étranglement de SNCF Voyages par un niveau de péages trop élevé et une qualité opérationnelle qui se dégrade. J’espère que les pouvoirs publics définiront des modalités d’ouverture du marché qui n’auront pas pour effet d’affaiblir le système ferroviaire, à la fois financièrement et opérationnellement. Il faut que l’ouverture à la concurrence domestique longue distance n’ait pas pour effet de transférer massivement au contribuable les bénéfices restitués au client par la baisse des prix offerte par la concurrence : le système coûte aussi cher, le client paye moins cher et c’est le contribuable qui fait la différence.
Opérationnellement, il faut que la concurrence soit pensée non pas dans un monde où tout le monde est identique et égal, ce qui n’est pas vrai, mais qu’elle soit un aiguillon pour que l’ancien monopole se remette en cause et progresse. Mais il faut que cette concurrence-aiguillon reconnaisse le rôle pivot que joue SNCF dans le système ferroviaire français. Faute de quoi, il n’y aura pas de concurrence car il n’y aura pas d’écosystème ferroviaire offrant le rapport nécessaire à l’exercice de la concurrence.

VR&T.?Alors comment faut-il ouvrir selon vous ?
D. A.?Je pense qu’il faut ouvrir avec un bon régulateur et des pouvoirs publics qui trouvent une balance entre de l’open access challengeant le modèle central et une forme de péréquation admise entre les dessertes phares de l’opérateur historique et d’autres dessertes qu’il assure. Les concurrents ne peuvent pas tout prendre à l’opérateur historique sur les bonnes dessertes et lui laisser le reste.

VR&T. Sur deux points déjà vous avez été bien entendus par l’Araf : le refus du péage à la silhouette et le refus d’un péage plus élevé pour les parcours sur ligne classique.
D. A. C’était tout de même étrange de vouloir nous faire payer plus cher un train qui ne consomme pas plus de sillons qu’un autre, qui est plus plein parce qu’on a fait des efforts de productivité en achetant des véhicules plus gros, et qu’on nous pique une partie de cette productivité. Ce n’est pas une incitation à faire des choses intelligentes. Etrange aussi d’introduire une tarification différenciée selon l’aptitude à la vitesse sur les voies classiques ; parce qu’il peut aller plus vite alors qu’il ne va pas plus vite, le TGV aurait payé plus cher sur les lignes classiques ! L’argument, c’est qu’il serait peuplé de clients payant plus cher. C’est une idée fausse parce que sur pas mal de dessertes terminales, la dégressivité kilométrique, plus la politique commerciale yield-managée peuvent faire que la recette moyenne TGV est moins élevée que celle du TER. Sur ces deux points, nous avons été entendus et nous en sommes heureux. Mais il faut aller au-delà pour sauver une réalisation aussi belle que le TGV.
    

Propos recueillis par François Dumont

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