Le Stif et la RATP achètent 107 tramways en crédit-bail sur plus de trente ans
Première en Ile-de-France ! Le Stif et la RATP viennent de signer avec le groupe BPCE et la Banque européenne d’investissement un contrat de crédit-bail sur 33 ans. Objet : financer l’acquisition de 107 rames de tram livrables avant la fin 2014. Il fallait 378 millions d’euros pour financer l’achat des 107 rames de tramway destinées aux futures lignes T3, T5, T6, T7 et T8. Où trouver cette coquette somme ? Et quid de l’acheteur, sachant que la RATP finançait jusqu’à présent sur fonds propres l’achat des matériels roulants, mais que la loi relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires (dite loi ORTF) du 8 décembre 2009 en a transféré la propriété à son autorité organisatrice ? Et que de surcroît cette même loi met fin au monopole de la RATP pour exploiter les lignes franciliennes à compter de 2029 ? Ça n’a pas été simple, mais le Stif et la RATP se sont unis dans une formule originale : le crédit-bail. Ils ont ainsi pu signer, le 7 novembre, un contrat sur une durée de 33 ans avec différentes entités de BPCE – Caisses d’épargne Ile-de-France et Rhône Alpes, Crédit foncier de France, Natixis, Ingepar –, ainsi qu’avec la BEI, qui assure un refinancement à hauteur de 300 millions d’euros par un prêt long terme sur ses propres ressources accordé au Crédit foncier de France. « La directrice générale du Stif, Sophie Mougard, et Pierre Mongin, PDG de la RATP, ont trouvé la martingale : le crédit-bail a sorti ce dossier de l’ornière dans laquelle il se trouvait, a avoué Jean-Paul Huchon, président du Stif et du conseil régional d’Ile-de-France. Et nous avons aujourd’hui une proposition efficace et crédible. » Soulignant que ce crédit-bail adossé à un refinancement de la Banque européenne était « une première en France », Philippe de Fontaine Vive Curtaz, président de la BEI, a insisté : « Cela montre la confiance que l’on a dans nos partenaires. » La RATP versera un loyer annuel qui lui sera remboursé par le Stif dans une contribution identifiée. « A compter de la première année suivant la livraison de la dernière rame, les redevances annuelles du crédit-bail devraient s’élever à 20 millions d’euros et progresseront de 1,60 % l’an », a calculé la RATP. Un Stif qui, conformément à la loi ORTF, deviendra propriétaire du matériel roulant à l’issue du crédit-bail. « C’est un peu la logique d’une concession », a schématisé Pierre Mongin. Les livraisons commencent dès ce mois-ci et s’échelonneront jusqu’à fin 2014. Il s’agit d’une opération exceptionnelle par ces temps de rigueur, ont souligné les protagonistes, qui obtiennent un taux favorable de 3,6 % sur un très long terme, notamment grâce au triple A de la RATP. « Cette notation a été récemment confirmée. Malgré nos 5 milliards d’euros de dette d’infrastructure, nous gardons la confiance des agences de notation », a-t-il souligné. La démarche revêt un caractère exemplaire et « répond aux objectifs stratégiques de la Commission européenne : le développement durable, l’innovation technologique et le soutien à l’industrie européenne, la cohésion sociale », a aussi indiqué le PDG de la RATP. Olivier Klein, directeur général du groupe BPCE, a pour sa part rappelé avoir mis en œuvre « à la fois les capacités de financement du groupe et ses capacités d’ingénierie financière », pour mener à bien ce projet. Le groupe bancaire s’enorgueillit d’avoir déjà été choisi pour des leasings ou des PPP à Reims ou à Dijon pour leurs trams, par les régions Rhône-Alpes et Alsace pour l’achat de TER. « C’est assez particulier en ce moment de signer avec des banquiers », a de son côté ironisé Jean-Paul Huchon, tout en rappelant sa qualité d’ancien banquier ! Il juge que le réseau des Banques populaires et Caisse d’épargne est l’un de ceux « qui parient sur le développement des territoires », le tram étant « un instrument exceptionnel de cohésion urbaine ». Et de citer en exemple le T5, qui « rejoint les deux localités les plus pauvres de France : Sarcelle et Saint-Denis ».
Cécile NANGERONI
107 véhicules pour cinq lignes en chantier
Illustration du développement des liaisons de banlieue à banlieue, nécessaires pour adapter l’offre aux besoins des Franciliens et voulu par le Stif, la politique volontariste d’extension du réseau de tramway. D’ici à fin 2014, 5 lignes seront créées ou prolongées. Avec un réseau de 105,3 km et 187 stations, la région jouira du « plus important réseau de tramway d’une capitale européenne », a affirmé Jean-Paul Huchon, président du Stif.
• Le prolongement du T3 à l’est, dont la mise en service est prévue fin 2012, ira de la porte d’Ivry à la porte de la Chapelle sur 14,5 km et 26 nouvelles stations. Afin de simplifier l’exploitation d’une ligne aussi longue, il y aura 2 tronçons et donc une correspondance à la porte de Vincennes. 25 nouvelles rames seront nécessaires, pour un montant de 88 M€. Une extension ultérieure est prévue jusqu’à la porte d’Asnières.
• Le T5 reliera à partir de l’année prochaine Saint-Denis à Garges-lès-Gonesse sur 6,6 km et 16 stations, via Pierrefitte-sur-Seine, Montmagny et Sarcelles. Il s’agit de la première ligne de tramway sur pneus d’Ile-de-France. 15 Translohr STE3 de Lohr Industrie ont été commandés pour l’exploiter (53 M€).
• Prévu pour 2014, le T6 connectera Châtillon-Montrouge, terminus de la ligne 13 du métro, à Viroflay grâce à 21 stations réparties sur 14 km. 28 Translohr STE6 (141 M€) sont prévus pour la seconde ligne sur pneus de la région parisienne.
• Long de 11,2 km pour 18 stations, le T7 reliera fin 2013 Villejuif et Athis-Mons. 19 rames de Citadis lui seront livrées (53 M€). Un prolongement de la ligne sera réalisé ultérieurement d’Athis-Mons à Juvisy-sur-Orge.
• En Seine-Saint-Denis, le T8 desservira en 2014 Saint-Denis, Epinay-sur-Seine et Villetaneuse grâce à 17 stations réparties sur 8,5 km. Les 20 trams nécessaires coûteront 43 M€. Un prolongement de 3 km jusqu’à la future gare Rosa-Parks du RER E est à l’étude.
Après appel d’offres, deux industriels ont été retenus pour la fourniture des tramways : Alstom Transport pour les Citadis 302 (d’une capacité de 200 voyageurs, dont 54 assis), qui équiperont progressivement à partir de l’année prochaine le T3, le T7, le T8 ; le groupe Lohr pour les Translohr STE3 du T5 (125 voyageurs par rame) et les Translohr STE6 du T6 (pouvant embarquer jusqu’à 252 voyageurs).
Quatre lignes de tramway circulent déjà
Depuis l’inauguration de la première ligne francilienne, le T1 (Saint-Denis – Bobigny), en 1992, trois autres lignes sont venues enrichir le réseau de tram francilien. Totalisant 41,5 km et 71 stations, elles sont quotidiennement empruntées par 370 000 voyageurs. Demain, avec le prolongement des T1, T2, T3 et la mise en service des T5, T6, T7 et T8, ce sont 830 500 voyageurs qui prendront tous les jours le tramway.
• Le T1 de Noisy-le-Sec à Saint-Denis (12 km) est actuellement en travaux pour son prolongement jusqu’à Asnières-Gennevilliers-Les Courtilles qui sera mis en service en 2012.
• Le T2 de la porte de Versailles à La Défense (13,7 km) est également en chantier pour être prolongé jusqu’au pont de Bezons d’ici à 2012.
• Le T3 du pont du Garigliano à la porte d’Ivry (7,9 km) a été mis en service en décembre 2006. Egalement appelé tram des Maréchaux, puisqu’il circule sur ces boulevards en lieu et place du bus PC, il transporte plus de 100 000 voyageurs chaque jour de semaine. Depuis 2009, des travaux sont en cours en vue de son extension à l’est.
• Le T4 d’Aulnay-sous-Bois à Bondy (7,9 km) est le seul tram-train d’Ile-de-France. Il est exploité par la SNCF depuis novembre 2006.
Publié le 10/12/2024 - Marie-hélène Poingt