L’opérateur de transport combiné rail-route T3M affiche une belle performance en 2011, alors que le secteur connaît des années difficiles. Un succès expliqué notamment par la maîtrise de toute la chaîne de transport, selon Jean-Claude Brunier, son PDG. Cette société bénéficie aussi des synergies mises en place avec le transporteur routier TAB, qui appartient au même groupe.
Ville, Rail & Transports : Quels résultats avez-vous enregistré l’an dernier et quelles sont vos perspectives pour 2012 ?
Jean-Claude Brunier : Bien que les chiffres ne soient pas encore définitivement arrêtés, T3M devrait afficher un chiffre d’affaires de 22 millions d’euros en 2011, soit une hausse de 30 % par rapport à l’année précédente. 2012 s’annonce excessivement difficile. La lisibilité est faible, bien que l’on observe une demande assez soutenue pour nos métiers de transport longue distance de transport combiné rail-route. Nous voyons aussi arriver de nouveaux clients car, avec l’arrivée de l’écotaxe programmée en 2013, de nombreux chargeurs souhaiteraient recourir au transport combiné. Mais, en même temps, nos clients rechignent à toute revalorisation de nos tarifs, justifiée par l’inflation et l’augmentation du prix du pétrole durant toute l’année 2011. Cette hausse va se poursuivre en 2012.
VR&T : Comment expliquez-vous les bons résultats de T3M alors que le secteur du transport combiné est en crise ?
J.-C. B. : Nous sommes vraiment très très satisfaits des résultats de T3M. Ils s’expliquent par nos choix stratégiques mis en place il y a une dizaine d’années, quand nous avons décidé de devenir opérateur de transport combiné : nous avons décidé de maîtriser toute la chaîne du transport, du sillon jusqu’à la livraison porte-à-porte chez le client. Nous achetons directement nos sillons. Nous ne sommes pas nombreux à pouvoir le faire : seuls les entreprises ferroviaires, les opérateurs de transport combiné, les grands ports et les régions le peuvent. Mais cette faculté est aussi une contrainte car elle nécessite beaucoup d’énergie pour comprendre les méthodes de travail de RFF. Grâce à ce choix réussi, nous maîtrisons la qualité de notre service. Notre objectif était de proposer un service au moins égal ou supérieur à celui de la route. Nous l’avons atteint, et même dépassé. La seconde condition pour être performant, c’est de remplir les trains. Notre taux de remplissage est généralement de 99 %. Nous faisons en sorte que tous nos trains soient pleins grâce notamment à notre gestion très en amont des commandes.
VR&T : Prévoyez-vous d’ouvrir de nouvelles lignes ?
J.-C. B. : Pour lancer une ligne, il faut à la fois des volumes de fret importants et une distance longue, au moins 700 km, pour amortir les frais de coups de pince malgré les subventions des pouvoirs publics au secteur. C’est pourquoi nous sommes présents sur l’axe Sud – Ouest et sur la vallée du Rhône. Début janvier, nous avons fait circuler un train long de 850 m. La différence avec d’autres trains longs qui ont déjà circulé, c’est que le nôtre roule à 120 km/h car nous sommes en concurrence avec les camions. Nous travaillons sur un marché à flux tendus. Ces trains longs rapides sont entrés en service commercial entre Valenton et Marseille-Canet. Notre projet est de le faire circuler entre Bonneuil et Avignon. Très rapidement, un morceau de ce train ira jusqu’à Sète avec un service quotidien. Nous le faisons progressivement car nous sommes une PME. L’important, c’est de bien remplir nos trains.
VR&T : Comment gérez-vous le problème du manque de qualité des sillons ?
J.-C. B. : C’est la plaie du transport ferroviaire aujourd’hui. Il y a trop de sillons précaires. Nous avons besoin de l’avis de l’Araf sur ces sujets. Nous travaillons aussi d’arrache-pied avec RFF. Nous espérons progresser grâce aux contrats de qualité et aux contrats pluriannuels, par lesquels RFF bâtit ses plans de travaux en préservant les sillons commandés sur plusieurs années. Cette démarche devrait conduire à une meilleure qualité. Il y a beaucoup de marges de progrès.
VR&T : Que proposez-vous pour améliorer l’accès aux terminaux, autre souci du transport combiné ?
J.-C. B. : La réussite du transport combiné passe par un bon sillon et par le terminal. Le terminal représente le point névralgique où toute l’organisation se fait. C’est le deuxième poste de dépenses dans nos comptes d’exploitation. Sur la dizaine de cours dont T3M a besoin pour fonctionner, aujourd’hui, nous disposons d’une grande cour à Valenton. Nous venons de nous installer à Bonneuil, où nous sommes en association avec Progeco (du groupe CMA-CGM). Pour les autres terminaux, nous sommes obligés de passer soit par Novatrans, soit par NavilandCargo. Ce qui nous coûte de 30 à 40 % de plus que si nous le faisions nous-mêmes. De plus, la qualité de service est détestable et les situations souvent conflictuelles, même s’il y a du mieux depuis les déclarations de Pierre Blayau en octobre dernier, lors de l’assemblée générale du GNTC (Groupement national des transports combinés, ndlr). Il a pris ses distances vis-à-vis de la proposition de la SNCF de créer des sociétés anonymes par action pour gérer les terminaux. Ces SAS ne nous donnaient aucun droit, juste celui de payer. Personne n’en a voulu. Désormais, il faut construire un outil performant pour le transport combiné. RFF étant le propriétaire de la grande majorité des terminaux, il peut faire ce que bon lui semble. Je propose d’affecter les cours en fonction de leurs activités. Le terminal de Marseille-Canet par exemple est utilisé à 100 % par T3M mais il est sous-traité à NavilandCargo qui nous traite mal. C’est aberrant ! Et ce n’est plus acceptable. Nathalie Kosciusko-Morizet (la ministre de l’Ecologie, ndlr) nous a entendus et a confié une mission sur le sujet à René Genevois. La ministre nous convoque à une réunion le 20 janvier (ndlr : VR&T est en cours d’impression ce jour-là). Nous espérons de bonnes nouvelles !
Propos recueillis par Marie-Hélène Poingt
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