Remobilisation cheminote réussie mais une cinquantaine d’exactions recensées
Pari réussi ! Même si les organisations syndicales avaient revu à la baisse leur mot d’ordre et ne prévoyaient plus vraiment de faire du 14 mai une journée sans cheminots, elles ont en revanche réussi à redynamiser la mobilisation contre le projet de réforme ferroviaire. La participation à cette nouvelle journée de grève (27,58 % de grévistes) se rapproche de celle enregistrée lors du premier épisode du mouvement, les 3 et 4 avril (33,9 % et 29,7 %), après avoir connu un tassement début mai.
La mobilisation a été très forte chez les conducteurs (74,4 %), chez les contrôleurs (74,3 %) et chez les aiguilleurs (36,7 %), a reconnu la direction de la SNCF. Elle enregistre aussi un fort rebond chez les cadres, en grève à 10,14 % (contre 3,1 % mercredi). D’où un trafic « très perturbé » avec, en moyenne, un TGV, TER ou Transilien sur trois et un train Intercités sur cinq, selon la direction.
De plus, des actes de malveillance, qui étaient redoutés, ont contribué à aggraver la situation, dont une particulièrement grave dans l’Eure où un câble de soutien d’une caténaire a été sectionné « très proprement » dans la nuit à Gaillon, a indiqué la SNCF. A la gare Saint-Charles de Marseille, la circulation des trains a aussi été paralysée pendant une partie de la matinée. Une rupture de caténaire a contraint la direction à dérouter une partie du trafic. Il y a également eu « un blocage des voies par des salariés d’autres entreprises, des étudiants et des usagers », venus « nous soutenir », a dit à l’AFP Rémi Hours, responsable local de la CGT Cheminots.
« Il y a eu une cinquantaine d’actes d’exactions, de blocages, de rassemblements, qui ont empêché la circulation des voies, et il y a même des incidents qui ont mis en cause la sécurité, des détériorations de passages à niveau, des détériorations de signalisation, un jeune agent d’accueil qui a été légèrement blessé par l’explosion d’un pétard, bref, des choses qui ne sont absolument pas admissibles, d’ailleurs ce n’est pas l’esprit cheminot« , a raconté Guillaume Pepy le 15 mai sur France Info. Le PDG de SNCF Mobilités a indiqué que l’entreprise avait déjà déposé une quinzaine de plaintes. « On va regarder sur les autres incidents s’il y a matière à porter plainte« , a-t-il ajouté.
Ce même 14 mai, les organisations syndicales ont lancé leur consultation des salariés, baptisée Vot’Action, qui doit durer jusqu’au 21 mai, juste avant que le Sénat commence à examiner le projet de loi. Les cheminots sont appelés à répondre à la question : « Etes-vous pour ou contre le pacte ferroviaire porté par le gouvernement ? »
Le vote se fera dans des urnes, le plus souvent au cours d’assemblées générales. Sur des listes d’émargement doivent figurer les noms, prénoms et numéros de matricule des votants, expliquent des syndicalistes. Ces listes seront détruites après comptage des voix pour que la direction ne puisse pas connaître les participants. De ce fait, la consultation n’aura qu’une valeur très relative puisqu’il n’y aura aucun contrôle. « Nous souhaitons ainsi contrecarrer les propos du président de la SNCF qui affirme que seuls 20 % des cheminots sont en grève et que 80 % soutiennent la réforme », explique à VR&T Roger Dillenseger, le secrétaire général de l’Unsa Ferroviaire.
Les syndicats espèrent ainsi peser sur le gouvernement et sont d’autant plus remontés qu’un document dévoilé le 13 mai par Le Parisien montre que la direction de la SNCF a défendu l’idée, auprès du ministère des Transports, de limiter l’incessibilité du capital de la SNCF au niveau de la holding. D’où les accusations de SUD-Rail affirmant que le gouvernement et Guillaume Pepy œuvrent « en coulisse pour privatiser et filialiser la SNCF ». Alors que le gouvernement et la direction de la SNCF niaient tout projet en ce sens, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a réclamé de son côté le 14 mai que l’« incessibilité » du groupe public ferroviaire soit inscrite dans la loi, afin d’éviter une « vente à la découpe ». Message reçu par Jean-Baptiste Djebbari, député LREM et rapporteur du projet de réforme, qui a indiqué que « comme on ne veut laisser aucune place au fantasme de la privatisation, on inscrira l’incessibilité ». Ce matin sur France Inter, la ministre des Transports a confirmé que SNCF Réseau et SNCF Mobilités resteraient à 100 % public et que la SNCF devait continuer à pouvoir avoir des filiales comme Thalys et Eurostar.
MH P.
Publié le 10/12/2024 - Marie-hélène Poingt