Rapprocher de Paris la Corrèze, ses présidents actuel et passé, son désert démographique et son économie vacillante ne saurait être un projet sérieux en ces temps de vaches maigres. Voilà pourquoi, la seule et peu engageante déclaration d’utilité publique pour la construction de la ligne Poitiers -Limoges suscite autant de désapprobations… Ce jour-là, la France avait bien d’autres choses en tête. La nouvelle a soulevé peu d’intérêt : le Premier ministre, Manuel Valls, et la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, ont signé samedi 10 janvier dernier un décret « déclarant d’utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation de LGV Poitiers – Limoges ». Nul doute pourtant, l’annonce va réveiller les ardeurs des nombreux opposants au projet. Sa légitimité, sa rentabilité improbable font débat depuis des années, et voilà que la construction de la ligne à grande vitesse des présidents (l’actuel, François Hollande, et l’ex, Jacques Chirac –flambeau repris par Bernadette) serait bel et bien lancée malgré tout ? En ces temps d’alerte rouge sur les risques de dépenses inutiles ? Soit 105 kilomètres à quelque… disons deux milliards d’euros (1,68 milliard selon l’estimation remontant déjà à 2012). On sait comme ces choses-là ont tendance à filer.
Pourtant malgré cette signature, il ne faut, c’est sûr, pas aller à si grande vitesse en besogne. Une chose est sûre : côté procédure, ne pas apposer la signature du gouvernement au bas de l’enquête d’utilité publique avant la date au taquet du 12 janvier aurait quasiment signé en pratique l’abandon de ce projet lancé en 2003 d’une liaison LGV connectée, au sud de Poitiers, à la future ligne Paris – Bordeaux. Obligeant à reprendre les choses au point de départ.
Décider de signer n’en constitue pas moins une décision politique. De nature à concilier les élus locaux. Même si le décret précise que les « expropriations nécessaires devront être réalisées dans un délai de 15 ans à compter du 11 janvier. » Ce qui nous emmène – et le tour est joué– à l’horizon difficile à apercevoir de 2030.
Un renvoi à 2030 conseillé, rappelons-le, dès juin 2013 par la commission « Mobilité21 pour un schéma de mobilité durable », constituée à la demande du gouvernement lui-même et présidée par le député (PS) du Calvados Philippe Duron. Elle considérait déjà que la capacité de financement de telles infrastructures avait « atteint ses limites ».
Mais ce TGV-là, d’autres voix de la sagesse se sont encore élevées contre lui. Les magistrats de la Cour des comptes ont brandi le même signal «stop »en octobre dernier considérant l’ensemble du modèle TGV comme « à bout de souffle »pour un « coût devenu non soutenable ». Le Conseil d’État a rendu contre le projet Poitiers – Limoges un avis négatif en décembre.
C’est d’ailleurs vers le Conseil d’État qu’entend bien aujourd’hui se tourner la Fnaut. La Fédération nationale des usagers des transports veut déposer un recours contre la DUP. Pour entraver un projet qu’elle considère, dit-elle au Figaro le 13 janvier, comme « un projet de prestige au détriment d’investissements indispensables pour éviter un enclavement ferroviaire de tout le centre de la France. »
Un centre de la France pour lequel il faudrait au contraire des Trains d’équilibre du territoire (TET) revitalisés. Mobilité21 prônait un modèle de développement « à réinventer », qui se concentre notamment sur la poursuite impérative de la régénération du réseau ferroviaire classique.
Reste qu’elle n’avait pas retenu dans sa liste non plus la modernisation (trop chère) de la ligne Polt Paris – Orléans – Limoges – Toulouse, lui préférant Bordeaux – Toulouse et Roissy – Picardie. Les Verts, eux, plaident depuis quelque temps pour la création d’un train à haut niveau de service à200-220 km/h sur le Polt. France Nature Environnement voit déjà dans cette signature «une provocation » au détriment de l’irrigation de la région par le Polt.
Rappelons en tout cas que le gouvernement, à la recherche d’un avenir pour ces trains Intercités, a également demandé–encore à Philippe Duron – un autre rapport dont la sortie est attendue dans quelques mois. Quant à la nouvelle SNCF, rappelons-le, elle hérite déjà du problème de la dette qui n’est pas réglé.
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