Claude Bartolone: « Il faut un même maillage sur tout le territoire de la région »
Ville Rail & Transports. A comparer votre programme transports à celui de votre principale concurrente, Valérie Pécresse, la différence ne saute pas aux yeux. Vous dénoncez « des thatchériens avec trente ans de retard », « des candidats du tout-business », en mettant ensemble droite et extrême droite. Mais, en ce qui concerne les transports, on n’a pas l’impression que Valérie Pécresse tombe vraiment sous la coupe d’une telle critique…
Claude Bartolone. Si l’on considère les transports uniquement comme dossier technique, vous avez raison. Mais si vous imaginez comme moi que c’est le début de tout, vous avez tort. On ne peut pas traiter les transports indépendamment d’une réflexion sur la ville et de la volonté absolue d’assurer le vivre ensemble et la mixité. Nous ne voulons pas faire tout ce que nous proposons pour dire aux quartiers populaires, aux plus pauvres ou à la grande banlieue : « Maintenant taisez-vous, vous avez gagné une demi-heure de temps de transport, ne venez pas réclamer la mixité ! »Le transport sans le logement, ce n’est pas suffisant. Sur la base du même réseau de transport, on peut penser deux systèmes de ville totalement différents. C’est pour cela que je ne parle jamais des transports sans évoquer le parcours de vie.
« Sur la base du même réseau de transport, on peut penser deux systèmes de ville totalement différents »
La grande différence entre ce que propose la droite et ce que nous proposons, c’est que pour nous le transport est nécessaire mais n’est pas suffisant.
Je l’ai déjà dit : en mai 68, l’émancipation c’était de dénoncer le métro, boulot, dodo. Aujourd’hui, l’émancipation, c’est d’assurer le métro, boulot, dodo, écolo. Si l’on n’a pas l’intégralité de la formule, le transport peut être comme la langue d’Esope : la meilleure comme la pire des choses.
VR&T. Pour améliorer les conditions de transport, vous insistez sur la modernisation de l’infrastructure ferroviaire. Comment la conduisez-vous ?
C. B. Le premier rapport de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, qui date de 2005, nous disait déjà : attention, danger, il y a un vieillissement trop important de l’infrastructure. Quand la droite met ce vieillissement sur le dos de la région, dont ce n’est pas la responsabilité, elle fait une faute technique, pour faire oublier que les décisions n’ont pas été prises par l’Etat entre 2005 et 2012. Le nouveau rapport de l’EPFL sur l’infrastructure en Ile-de-France, qui vient d’être publié, recommande d’investir 800 millions par an pour la rénovation pendant dix ans. L’EPFL a raison, et c’est ce que je demande. Sur le RER C une partie de la caténaire a 80 ans. Quelle est l’entreprise privée qui aurait laissé son patrimoine se dégrader ainsi ? Nous devons réagir. Plus jamais de Brétigny !
Il a fallu la décentralisation du Stif, conjuguée à l’arrivée de la gauche au pouvoir, pour qu’enfin SNCF Réseau et l’Etat accordent une attention plus importante aux infrastructures en Ile-de-France. L’effort doit être accentué. Il dépend d’une somme garantie par SNCF Réseau et l’Etat.
« Sur le RER C une partie de la caténaire a 80 ans. Quelle est l’entreprise privée qui aurait laissé son patrimoine se dégrader ainsi ? »
De ce point de vue, je rappelle que l’Ile-de-France représente 2 % du territoire national, 10 % du réseau ferré, et 70 % des voyageurs… Il faudra bien qu’un certain nombre de droits de péages perçus sur le réseau Francilien reviennent au réseau Francilien.
Mais il faut aussi une organisation nouvelle de la part de la SNCF en particulier. Il ne suffit pas d’annoncer des niveaux d’investissement. Il faut dire comment on s’organise, comment on restructure les équipes. Comment on entre réellement dans une programmation de la régénération du réseau qui permette d’obtenir un résultat.
VR&T. En mettant ainsi l’accent sur l’existant tout en acceptant le métro du Grand Paris, vous vous placez donc dans la continuité de l’accord Etat-région de 2013 ?
C. B. D’autant plus que j’ai fait beaucoup pour qu’il soit conclu ! Si l’on en était resté au discours de Chaillot du président Sarkozy, le financement aurait consacré le nouveau réseau de métro express, sans porter attention au plan de mobilisation sur le réseau historique. Et il n’y aurait pas eu les interconnexions entre le réseau historique et le nouveau réseau.
Cette interconnexion est nécessaire, et doit permettre que le nouveau réseau n’amplifie pas un « effet splash » sur l’Ile-de-France, c’est-à-dire un déménagement des pauvres de la ville, provoqué par la main invisible du marché. On peut être heureux en vivant en grande couronne. Mais ce n’est pas la même chose si on l’a choisi ou si on l’a subi.
VR&T. Ce « déménagement » vers la grande couronne, n’est-ce pas le risque que fait courir le passe Navigo unique, que vous soutenez ?
C. B. Pouvait-on continuer à dire à ceux qui habitent en grande couronne : « Pas de chance ! c’est vous qui avez la moins bonne partie du réseau mais c’est vous qui payez le plus cher ? » Et laisser les Parisiens, qui disposent, malgré des défauts, d’un des meilleurs maillages du monde, payer moins cher que les autres Franciliens ?
Je connais bien et je comprends le débat dont vous faites état, qui a été porté notamment par la Fnaut. Mais refuser le passe unique, c’est en rester à une position défensive. La vraie réponse, c’est une position offensive. C’est la métropolisation régionale. Je me suis battu pour que la métropole du Grand Paris assure la péréquation financière entre collectivités riches et collectivités pauvres et assume la dimension logement. Des élus ne l’ont pas accepté pour des raiso
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