Nous étions prévenus : le PDG de SNCF Mobilités, Guillaume Pepy, et la directrice générale de Voyages SNCF, Rachel Picard, ont plusieurs fois indiqué dans un passé récent qu’en raison des gains de temps offerts… les prix allaient augmenter sur les axes Paris-Bordeaux et Paris-Rennes avec la mise en service à partir du 2 juillet des nouvelles lignes à grande vitesse SEA (Sud Europe Atlantique) et BPL (Bretagne-Pays-de-Loire): il sera alors possible de relier Paris à Bordeaux en 2h04 (contre 3h14 actuellement) et Paris à Rennes en 1h25 (2h04 aujourd’hui). « Un tiers de temps gagné, c’est énorme ! » avaient-ils fait valoir en ajoutant que « la hausse des prix ne serait pas proportionnelle au gain de temps ».
La SNCF s’en est expliqué le 13 mars, deux jours avant l’ouverture des ventes de billets : en moyenne, les tarifs augmenteront de 10 euros entre Paris et Bordeaux et de 6 euros entre Paris et Rennes. Mais, a précisé à l’AFP Rachel Picard, la directrice générale de Voyages SNCF, il y aura beaucoup plus de « petits prix » grâce à l’offre de Ouigo et au doublement du nombre de billets Prem’s (qui doit compenser la disparition des IDtgv), avec des prix d’appel à 20 ou 25 euros.
Une offre dite au « prix de référence », inférieure à 50 euros, sera également mise en place, garantissant que ces prix seront disponibles chaque jour sur certains trains même au dernier moment. « Ma volonté depuis le début, c’est que la grande vitesse reste un mode de transport populaire, donc accessible, avec un objectif de remplir nos trains et donc de faire voyager nos clients plus souvent et le moins cher possible », souligne Rachel Picard dans une interview à l’AFP.
Rachel Picard se donne aussi l’objectif d’attirer « 100 % de la clientèle aérienne ». Pour conquérir les voyageurs d’affaires, la SNCF mise sur le confort avec ses nouvelles rames Océane (15 seront en service à partir du 2 juillet) et sur les services (wifi à bord, files d’embarquement dédiées, salons rénovés en gare de Paris-Montparnasse et Bordeaux). Autre nouveauté, les contrôles se feront avant l’embarquement.
Interrogée par VRT, la Fédération nationale des associations d’usagers des transports estime que ces hausses ne sont pas « irraisonnables ». Mais, ajoute Bruno Gazeau, son président, « nous voulons avoir la certitude que les petits prix concernent toutes les destinations et ne s’appliquent pas seulement en semaine ». La Fnaut demande aussi que les familles puissent profiter de ces dessertes grâce à un tarif familles. « Le but, c’est que les trains soient remplis », ajoute Bruno Gazeau.
Or, avec 33,5 dessertes chaque jour sur l’axe SEA (dont 18,5 aller-retour directs entre Paris et Bordeaux permettant de faire l’aller-retour dans la journée) et 29,5 liaisons quotidiennes vers Rennes (12,5 directes), ce n’est pas assuré.
Si l’on tient compte de l’ensemble de l’offre ferroviaire entre l’Ile-de-France et Bordeaux, c’est une véritable navette qui est mise en place avec 35 000 sièges offerts chaque jour. Mais la SNCF n’a pas vraiment eu le choix. Elle a dû plier face aux élus qui réclamaient un niveau de dessertes à la hauteur de ce que l’Etat leur avait promis en échange de leur participation au financement des travaux de la ligne (d’un coût de 8,7 milliards). Et elle s’est fait tordre le bras par le concessionnaire privé de la ligne, Lisea (groupe Vinci), qui a su faire valoir ses intérêts (faire rouler un maximum de train pour maximiser les recettes, à travers un péage jugé exorbitant par la SNCF). Ce qui fait dire à un « haut responsable » de la SNCF cité anonymement dans Libération du 14 mars que « l’offre est surdimensionnée » et que « cette ligne restera dans le rouge indéfiniment »…. Sur les seuls six premiers mois d’exploitation, de juillet à décembre, la SNCF s’attend à perdre à 90 millions d’euros, principalement sur SEA. Le trafic supplémentaire suscité par les deux nouvelles LGV est évalué à 4 millions de personnes : 2,4 millions sur SEA et 1,6 million sur BPL.
MHP