4 milliards en trois ans pour l?Ile-de-France
Le triple réseau Transilien, national et fret est à la peine. Le quart des incidents est dû au mauvais état de l?infrastructure. Son gestionnaire RFF va consacrer 4 milliards d?euros de travaux entre 2010 et 2012 Alors que le réseau ferroviaire national est « sous-utilisé », le réseau d’Ile-de-France est, lui, « plutôt surchargé ». Et d’autant plus complexe à gérer, précise Hubert du Mesnil, président de RFF, qu’il combine trois réseaux : un régional (Transilien), un national, voire européen, qui est le cœur du réseau hexagonal passagers, et un réseau fret. Ce triple réseau est à la peine. Comme, pour sa part, la SNCF a tendance à dire qu’il faudrait investir soit plus, soit mieux, on peut penser que, le 12 juillet, le gestionnaire d’infrastructure a tenu à rappeler devant la presse, en toute amitié, l’ensemble de son programme d’investissement sur trois ans (2010 à 2012). Soit 4 milliards d’euros. Somme rondelette. De plus, comme nous le disait récemment François-Régis Orizet, directeur Ile-de-France de RFF, la question dans la région n’est pas tant celle du volume d’investissement que de la possibilité de réaliser les travaux. Or, pour RFF, dans les conditions actuelles d’exploitation, on est au taquet. Et même malgré les mesures radicales dites Castor (l’interruption totale des circulations en été), la rénovation du tunnel du RER C aura pris vingt ans.
Objectif majeur du programme de RFF : réduire, en trois ans, de 30 % l’irrégularité liée à l’infrastructure. Il y a urgence : alors que l’année 2009 a été assez satisfaisante (à quelque chose, la crise est bonne), le début 2010, selon RFF, a été « plutôt mauvais, même mauvais », les intempéries s’étant mises de la partie. Et comme le trafic repart à la hausse (retrouvant le rythme précédent de 2 % en moyenne chaque année), cela ne devrait pas s’arranger.
Selon les chiffres établis par RFF, l’infrastructure est cause du quart des incidents : 26 % précisément, qui se décomposent en 12 % sur lesquels RFF ne peut pas grand-chose (quand un camion tombe sur la voie) et 14 % qui sont de son ressort (défaillances du système lui-même). RFF va se pencher plus précisément sur les grands incidents, dont le traitement est rentable : 2 % des incidents infrastructure impactent 45 % des trains touchés. Pour cibler les interventions, RFF s’appuie sur une étude de criticité conduite avec la SNCF, qui invite à s’occuper d’une cinquantaine de sites, représentant 20 % du réseau, où sont constatés 70 % des incidents liés à l’infrastructure.
Les 4 milliards en trois ans se partagent en deux moitiés : 2 milliards en entretien et fonctionnement, 2 milliards en investissement. Sur la part des investissements, relève RFF, près d’un milliard est engagé pour la modernisation et la fiabilisation du réseau dans le cadre de la convention Stif-RFF de quatre ans (2009-2012) : soit une progression de 50 % par rapport aux opérations de même nature des quatre années précédentes (2005-2008). Dans ce cadre, en investissant 200 millions d’euros, RFF compte redonner de la capacité électrique, « pompée » par le nombre croissant de circulations de trains électriques et par la climatisation. De quoi donc accélérer le redémarrage des trains immobilisés.
Au-delà, c’est en s’appuyant sur trois types de mesures que RFF compte redonner du souffle au réseau. Les décroisements d’abord, qui passent par des solutions d’infrastructure. Témoin, le RER B, dont la modernisation au nord, avec une nouvelle voie Gare-du-Nord – Mitry-Claye, sera achevée en 2012. Elle consiste à concentrer les circulations RER sur deux voies et les autres circulations sur les deux autres voies. De plus, le RER sera exploité en mode métro (arrêt à toutes les stations, ce qui augmente le temps de parcours de certains trains, mais permet d’augmenter le débit de la ligne). La refonte de l’exploitation du RER B est (relativement) simple, puisque de part et d’autre du tronçon central la ligne se sépare en deux branches, ce qui permet de faire partir des trains de chaque terminus toutes les six minutes et d’arriver en zone dense, sur le tronc commun, avec un intervalle de 3 minutes. Les mêmes principes pourront être appliqués, mais ce sera plus complexe, au RER D, et plus complexe encore au RER C (180 km et de nombreuses branches).
C’est encore une même logique de spécialisation qu’on voit avec la tangentielle légère Nord (premier tronçon Epinay – Le Bourget, mis en service en 2014, avec deux voies parallèles à la grande ceinture fret). En fait, le décroisement, qui suppose qu’on redonne de la capacité par de l’infrastructure, conduit assez vite aux grands projets, type l’interconnexion sud des LGV, qui offrira une infrastructure dédiée 100 % aux trains à grande vitesse, la ligne existante retrouvant des capacités pour les RER et le fret.
Pour Hubert du Mesnil, donc, « le réseau sera structurellement plus robuste en le décroisant ». Réflexion largement partagée au Transilien SNCF où on veut dans la mesure du possible séparer les flux en zone dense (pour éviter les conflits entre les missions) tout en leur faisant partager une même infra en zone moins dense (afin d’utiliser au maximum l’infrastructure). En d’autres termes, saturer… jusqu’à ce qu’on soit amené à décroiser. Réflexion qui conduit la SNCF à envisager deux types d’exploitation, l’un pour la zone la plus urbanisée (qu’elle appelle pour l’instant réseau express d’agglomération), l’autre pour le reste de la zone desservie (réseau express métropolitain).
Deuxième mesure, RFF va s’appuyer sur l’installation en cours de la commande centralisée (5 postes à long terme dans la région : Saint-Lazare, Paris-Est, Paris-Nord, Paris-Lyon et Montparnasse avec Austerlitz). Des postes dimensionnés dès le départ pour prendre le contrôle sur tous les aiguillages de la zone, la migration de la commande pouvant se faire progressivement.
Le gestionnaire d’infrastructure veut enfin mettre en place, avec la SNCF, un système d’aide à l’exploitation (CBTC, communication based train control), baptisé Next (nouveau système d’exploitation des trains), qui devrait redonner 25 % de capacité à infrastructure constante. Next verra le jour avec le prolongement d’Eole à l’ouest (2020) et devrait aussi concerner le renouvellement de la signalisation du RER A de la RATP. Un accord devrait être conclu ces jours-ci entre les deux exploitants et le gestionnaire d’infrastructure pour parvenir à une même définition du futur CBTC. Un domaine dans lequel, reconnaît François-Régis Orizet, la RATP a « une longueur d’avance », comme on le voit avec la mise en place d’Ouragan sur la ligne 13, ainsi que sur les lignes 3, 5, 9 et 12. En fait, cela semble aller de soi que les RER, dont la plupart sont mixtes RATP et SNCF, aient une seule et même logique d’exploitation et fonctionnent avec de mêmes outils. Mais, alors que RFF et SNCF reconnaissent qu’ils « apprennent » la ville, on voit en fait la RATP définir touche après touche la future exploitation des RER. On l’a observé avec le poste de commandement unique du RER B à Denfert-Rochereau, plutôt d’esprit RATP, glissait-on mezza voce à RFF au moment de sa mise en service, en février 2009. On le voit avec l’extension de l’exploitation de type métro assignée au RER, à l’inverse des missions multiples pratiquées par la SNCF. On le voit encore dans le choix par RFF de Xelis, filiale de la RATP, comme maître d’ouvrage de l’élaboration du schéma de principe pour l’extension d’Eole à l’ouest. Un RER estampillé SNCF…
François DUMONT
Publié le 10/12/2024 - Marie-hélène Poingt