À Thouars, la SNCF s?efface devant une filiale
La SNCF a perdu un marché qu?elle exploitait à Thouars en raison du refus des syndicats cheminots de se plier aux nouvelles conditions de travail qu?elle voulait leur imposer. C?est donc Logistra qui opère le trafic de cailloux Le site de Thouars sera-t-il encore longtemps cité comme le symbole de l’opposition syndicale à la réorganisation de Fret SNCF ? Entre le 11 et le 14 janvier, une quarantaine de cheminots ont bloqué dans cette petite ville des Deux-Sèvres des trains de marchandises opérés par Logistra, une filiale de droit privé de la SNCF. Comme un baroud d’honneur. Le 14 janvier, lors d’une table ronde sur le fret, la direction a accédé à la demande de la CGT de laisser ce jour-là un conducteur de la SNCF (accompagné d’un cadre traction) conduire symboliquement un train de cette filiale. La situation a été débloquée, mais sans remettre en cause le contrat de Logistra.
Depuis le 1er janvier, c’est en effet cette société qui achemine vers le Centre et l’Ile-deFrance un trafic de cailloux qui alimente des chantiers d’autoroutes ou de voies ferrées. Jusque fin 2009, c’est la SNCF qui assurait cette tâche pour le compte d’Eurovia, filiale de Vinci. Mais le contrat arrivant à échéance, Eurovia a lancé un appel d’offres début 2009. La SNCF s’est retrouvée en compétition avec EuroCargoRail (ECR), la filiale française de fret de la Deutsche Bahn. Sur ce marché où les trafics à transporter ont une très faible valeur, le coût du transport est prépondérant. Or, la SNCF était 20 % plus cher que son concurrent. Pour emporter le contrat, Fret SNCF a proposé dans un premier temps aux cheminots de Thouars de travailler en acceptant des dérogations à la réglementation du travail RH0077. En clair, de travailler plus longtemps et avec davantage de flexibilité. Mais les délégués syndicaux ont refusé. La SNCF a alors décidé de faire appel à Logistra. Des cheminots ont accepté d’être détachés et de travailler pour cette filiale, avec des dérogations encore plus nombreuses qu’initialement.
Cette décision a donné lieu à de belles empoignades entre organisations syndicales, la CGT et Sud Rail se montrant inflexibles, la CFDT et l’Unsa préférant finalement défendre l’emploi des cheminots plutôt que de voir les trafics perdus pour la SNCF. « L’exemple de Thouars est révélateur de ce qu’on vit à Fret SNCF. Il reflète la déconnexion entre les agents locaux qui partagent les soucis locaux et sont prêts à travailler différemment et les positions dogmatiques de certains états-majors syndicaux. Environ 80 % des agents concernés avaient accepté les propositions de la direction. Mais la réglementation impose que ce soient les délégués syndicaux qui donnent leurs avis. Finalement, les conditions de travail de ces agents qui travaillent pour Logistra vont être beaucoup plus dures que ce qui était initialement proposé par la direction de Fret SNCF », estime un responsable de l’Unsa cheminots. « Les agents sont évidemment majoritaires à vouloir continuer à travailler à Thouars. Mais minoritaires à vouloir des modifications des conditions de travail. Tout dépend de la façon dont on leur pose la question, corrige Michel Ferey, le secrétaire du syndicat CGT cheminots de Thouars. En principe, il fallait une trentaine d’agents. Sept agents issus du bassin de Thouars et une douzaine d’agents du transport ont accepté d’être détachés. Logistra a lancé un appel à candidatures pour trouver des candidats. »
« Des dirigeants ont expliqué que Thouars est un site pilote. Ce qui était inacceptable le 11 janvier l’est encore aujourd’hui. Nous ne nous interdisons pas de relancer de nouvelles actions, et même des actions juridiques, prévient Michel Ferey. S’il doit y avoir d’autres Thouars, la CGT cheminots est prête », renchérit son secrétaire général, Didier Le Reste. En attendant, les trains de Logistra continuent de rouler.
Marie-Hélène POINGT
Publié le 10/12/2024 - Marie-hélène Poingt