Ces villes qui pourraient quitter Transdev
Souvent attachées aux relations de long terme qu?elles ont bâties avec Transdev, les agglomérations dont le groupe français est l?opérateur sont inquiètes des conséquences du rapprochement avec Veolia Si vous bouleversez « mon Transdev », il se pourrait que je le quitte. Voilà le message de plusieurs agglomérations sous contrat avec l’opérateur, dont certaines sont mécontentes du rapprochement en cours avec Veolia. « Nous sommes plus que gênés sur la méthode », confie Marc Baïetto, président de l’agglomération de Grenoble et de l’association Trans.Cité, qui regroupe les élus locaux et techniciens des villes Transdev. « La décision sur Transdev a été prise indépendamment de ce que pensaient les partenaires. Le bureau de Trans.Cité avait pourtant fait savoir qu’il n’était pas favorable à cette opération », poursuit-il. En première ligne, les villes où Transdev est impliqué dans des sociétés d’économie mixte (SEM) dont il possède une part du capital : Strasbourg, Nantes, Grenoble ou Montpellier. « Transdev n’est absolument pas assuré de garder sa place chez nous », nous a confié hors micros un grand élu de l’une de ces agglos. « Si l’on a le sentiment que le nouveau Transdev est dans notre SEM comme le loup dans la bergerie, alors, on se passera de Transdev. » Pour se déterminer, les élus attendent de voir quel sort sera réservé à « leur » Transdev. Car Transdev – l’ancien – , c’est d’abord une fine recette de gestion des transports publics locaux dans une approche partenariale avec la collectivité locale. La filiale de la Caisse des dépôts s’est fait une spécialité des transitions douces entre systèmes de régies et DSP, et elle est perçue comme un partenaire de choix pour les élus qui souhaitent « garder la main » sur leurs transports. Du côté des villes où Transdev exerce ses talents dans le cadre d’une DSP plus classique, des questions se posent également, mais plus sur le terrain de la concurrence. « Nous ne sommes pas juges des rapprochements entre opérateurs. Cela dit, on a nos idées. On comprend bien que la France ait besoin de constituer un opérateur qui fasse le poids sur le marché mondial. Mais on observe qu’en France la concurrence jouera moins », témoigne Roland Ries, président du Gart. « On réduit le champ de la concurrence, ce qui n’est pas un gain pour les autorités organisatrices urbaines. On avait trois partenaires possibles, on n’en aura plus que deux et demi en comptant la RATP », ajoute Marc Baïetto. Si la concurrence future se limitait à un partage de la France par un duopole, l’alternative pourrait se faire entre le système de DSP et le retour en force de la gestion autonome. Les grandes villes comme Nantes, Grenoble ou Strasbourg disposent de suffisamment de compétences « transports » en interne pour se passer d’un opérateur. Porté par les élus locaux, un nouvel outil juridique pourrait changer la donne : la société publique locale (SPL). Une proposition de loi sur ce sujet a été adoptée en juin 2009 par le Sénat et attend de trouver une place dans l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. La SPL serait une forme d’opérateur interne sous statut de société anonyme aux capitaux 100 % publics. « C’est le chaînon manquant entre la société d’économie mixte et la régie », estime Arnaud Rabier, secrétaire général d’Agir. Cette formule aurait pour les agglomérations actuellement sous le régime de la SEM le double avantage de garder à peu de choses près le même fonctionnement, sans avoir à remettre en concurrence son réseau de manière épisodique. Si ce nouvel outil était créé, ce qui n’est pas acquis, beaucoup des SEM pourraient se laisser tenter et se dire : « Je gère mes affaires moi-même, je garde la main sur mon réseau et, pour l’expertise la plus pointue, je me paye un consultant. »
Guillaume LEBORGNE avec François DUMONT
Publié le 10/12/2024 - Marie-hélène Poingt