Des TGV de rêve pour le futur
30 Déc 2009
Mis à jour le 23 mai 2017
Le voyage à grande vitesse de demain, la SNCF s?applique dès maintenant à en dessiner les grandes lignes, histoire de ne pas avoir un TGV de retard sur l?avenir A l’origine : un sérieux travail d’enquête lancé voici un an et demi. Une sorte de « grande interview européenne » traduite en six langues qui a porté sur 212 000 personnes pour imaginer le TGV du futur idéal. A quelques jours maintenant de l’ouverture à la concurrence du trafic voyageurs international, cette enquête constitue un « observatoire unique » des désirs des passagers. Directrice générale déléguée SNCF Voyages, Mireille Faugère pose la question centrale : « Quelle offre différente peut-on proposer dans un univers de concurrence ? » Et amorce une réponse : « Nous voulons […] garder la meilleure efficacité tout en réintroduisant ce qui fait rêver » dans le voyage en train. La grande vitesse à la française a déjà connu deux époques. Celle du lancement, fondée sur la performance, et une seconde génération, construite en référence à l’aérien. Pour la troisième génération, donc, place aux rêves…
Bulle, flèche ou fusée
Les trois univers imaginaires retenus l’ont été grâce à cette « grande interview » et aussi à une enquête réalisée à partir de scrapbooks, autrement dit de carnets dans lesquels à travers des dessins, des collages, des notes… des voyageurs, des cheminots, des « personnalités publiques » très diverses ont pu laisser s’exprimer leur créativité.
Le voyage « bulle », plébiscité par 60 % des personnes interrogées, considère le parcours comme une plage de temps libre à bord d’un mode de transport confortable, dans une atmosphère sereine pour se reposer, dormir, contempler le paysage ou profiter de la vie à bord. De quoi rompre avec la pression des activités et les sollicitations quotidiennes. Ce temps entre parenthèses, le voyageur va l’utiliser pour se retrouver lui-même, faire le point, penser, créer… C’est cette vision qui met le plus en avant le plaisir du voyage.
Le voyage « flèche » concernerait un quart des voyages. Il doit être est avant tout efficace, permettre de continuer dans le train ses activités quotidiennes. Equipé de toutes les technologies, il fait rimer utilité et efficacité. Ces voyageurs attendent plus de vitesse encore pour le train, revendiquent une autonomie qui les libère des aléas du service. Ce sont aussi les plus nombreux à dire que, si le bar était supprimé, cela ferait plus de places assises. Ils affirment avoir envie de voyager avec un confort restreint, sans service ajouté, en payant le moins cher possible. Plus que les autres, ils attendent de l’arrivée de la concurrence de meilleurs prix, plus de choix d’horaires, de destinations et de services repensés.
Le voyage « fusée » fait rêver 10 % des voyageurs. Il est porteur « d’intensité excitante, d’exceptionnel ». C’est pour celui qui veut, le temps du transport, échapper au train-train quotidien, vivre intensément. Son voyage doit être riche en divertissements, sensations, évasions, entre lesquels il veut pouvoir choisir. Il attend plus de tout, notamment des relations fortes avec les autres, y compris avec des équipes TGV qu’il souhaite encore plus disponibles. C’est un grand consommateur potentiel des services.
Cocon, quartier ou place de village
Dans ces voyages idéals, la SNCF va prendre son inspiration. « Les voyageurs mettent en lumière une fonction du voyage en train que la performance de la grande vitesse a progressivement estompée, celle du train comme espace à vivre ensemble. » Cet espace, elle le décline du coup aussi en trois « versions ». Le TGV donnera le choix, dans un train qui roule à plus de 300 km/h entre trois espaces.
Le « cocon », un espace pour soi où chaque voyageur peut reconstituer son petit monde. Les bagages ne sont pas loin, la tablette doit convenir à une très large palette d’activités. Les rangements multiples, les baies vitrées, les sièges et les lumières réglables assurent confort et adaptation aux activités de chacun. Le temps y est suspendu.
Le « quartier », un espace choisi par le voyageur, qu’il partage avec sa famille ou des compagnons de voyage. Ses ambiances et modes de vie restent à construire. Cela s’inscrit dans la stratégie visant à développer des services et des univers différenciés, comme les Zen et ZAP sur iDTGV, le TGV Pro ou le TGV Family.
La « place de village », l’espace du vivre ensemble. Pour cela, il faut réinventer certains endroits aujourd’hui plus techniques que conviviaux. Comme les plateformes, par exemple, considérées comme « des non-lieux » aujourd’hui. Elles seront réaménagées pour ceux qui apprécient de partager leur temps avec d’autres et deviendront de véritables zones d’accueil. Quant au bar, il sera imaginé « comme le zinc où l’on se retrouve, à l’opposé du self où l’on ne souhaite pas s’attarder ».
Toutes ces idées inspireront sans doute les rames rénovées qui circuleront dès fin 2011 sur l’axe Rhin-Rhône. Elles vont se traduire dans le cahier des charges destinées aux 35 rames nouvelles qui seront commandées et livrées entre 2015 et 2018. Et dans les appels d’offres qui devraient suivre. Et, déjà, Mireille Faugère d’évoquer le concept de « TGV 2041 » – un nom de code. 2041 : c’est trente ans après l’anniversaire des 30 ans du TGV. Pour cela, des designers et des historiens vont être mis à l’ouvrage. « Et des enfants, puisque ce sera leur TGV. »
Pascal GRASSART