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Eiffage Rail a raccroché les wagons

Publié le 22/09/2010 à 02h15

Eiffage Rail est véritablement né le jour où Eiffage Travaux publics a racheté l'allemand Heitkamp Rail, spécialisé dans la construction et la maintenance des voies, en janvier 2010. Depuis début mai, Eiffage Rail travaille sur le lot 44 de la LGV Est-européenne. Un lot attribué par RFF certes modeste par sa taille, mais stratégique pour la réalisation de cette phase 2 prolongeant le premier tronçon en service depuis juin 2007 jusqu’à proximité de Strasbourg. Il consiste en une réhabilitation totale d’une partie de la ligne à voie unique de Drulingen (Moselle) et à créer un raccordement qui permettra aux trains-travaux d’alimenter la ligne nouvelle en matériaux de superstructure à partir de la future base-travaux de Réding. Stratégique, ce chantier l’est aussi pour l’entreprise qui le réalise. « C’est le tout premier sous le nom d’Eiffage Rail et il est essentiel pour montrer notre entrée dans ce milieu », explique Jean-Luc Trottin, directeur de cette société toute jeune. Celle-ci est en effet née en janvier 2010, lorsque Eiffage Travaux publics a finalisé le rachat au groupe néerlandais Heijmans de la société Heitkamp Rail GmbH. Spécialisée dans la construction et la maintenance des voies, cette entreprise allemande travaille bien sûr dans son pays d’origine, aux Pays-Bas, mais aussi en Suède, à Taïwan. En mai, elle a obtenu un contrat d’assistance technique en Chine pour le ministère des Chemins de fer, portant sur la réalisation d’une nouvelle ligne à grande vitesse de 150 km entre Hangzhou et Changsha, réalisée sur dalle béton pour un montant de 4,2 millions d’euros.
Cette acquisition s’avérait quasi indispensable pour que le groupe Eiffage renforce son offre ferroviaire, se positionne face à la concurrence et dispose de ses moyens techniques. « Nous avions trois motivations principales. La première, nous doter de notre propre outil pour être indépendant, autonome en matière de grandes infrastructures, et donc ne pas se retrouver dans les mains de nos concurrents. La deuxième, être présent sur un marché de régénération extrêmement porteur depuis l’inventaire sur l’état du réseau. Troisième motif, la construction de lignes de tramways », nous expliquait en janvier Jean Guénard, président d’Eiffage Travaux publics. Depuis, la nouvelle structure se met peu à peu en place et se renforce au fil des chantiers. Pour mener à bien le lot 44, des conducteurs de travaux, des chefs de chantier et des ouvriers ont été recrutés. « Au fur et à mesure des besoins, nous embauchons du personnel déjà issu du monde ferroviaire. Tout en étant embryonnaire, Eiffage Rail, appartenant à Eiffage Travaux publics, a une image de grand groupe. Mais attention, ce n’est pas un appendice de la route. Ma vision est que le rail est un métier bien établi, et ce n’est pas au travers de mutations de personnels de la route que l’on peut rentrer dans ce métier. Je tiens à avoir des gens opérationnels dès le premier jour, qui connaissent le métier. Je suis un manager et j’ai besoin de compétences autour de moi », insiste Jean-Luc Trottin. Parti d’un effectif zéro en début d’année, aujourd’hui, ces spécialistes du rail sont une soixantaine dans la société en France. Les embauches vont se poursuivre pour réaliser des études, « pour nous structurer en prévisions des chantiers que nous décrocherons immanquablement d’ici la fin de l’année et en 2011. Pour le matériel, par exemple, un technicien spécialisé va adapter le matériel ferroviaire allemand aux caractéristiques et contraintes du réseau ferré national ». A ces effectifs en pleine progression, s’ajoutent quelque 350 techniciens d’Eiffage Rail Allemagne (ex-Heitkamp) et 80 personnes de Wittfeld, entreprise elle aussi allemande rachetée voici quelques années déjà par Eiffage Travaux publics. Si elle contribue au pôle ferroviaire, Wittfeld a par ailleurs conservé ses activités de route, terrassement, génie civil. « Je tiens à avoir une réelle entité Eiffage Rail France qui devienne totalement autonome. Qu’elle puisse se développer à côté de ses deux grandes sœurs allemandes, mais aussi grâce à elles. » Les deux sociétés – Eiffage Rail et Wittfeld –, qui bénéficient en la matière d’une très belle carte de visite avec la livraison en temps et en heure de la concession « clés en main » de la LGV Perpignan – Figueras, ont uni leurs forces pour élaborer leurs études sur les projets les plus avancés de lignes nouvelles en concession ou en partenariat public-privé. D’une part le contournement de Nîmes et Montpellier et, d’autre part, la ligne Bretagne – Pays de Loire entre Le Mans et Rennes sur laquelle elles fondent beaucoup d’espoirs et vont d’ailleurs soumettre une deuxième offre courant septembre.
Une autre grande ambition pour Eiffage Rail concerne la suite rapide, c’est-à-dire les grosses opérations de régénération des principales lignes classiques du réseau. Pour se positionner sur ce créneau jusqu’alors exclusivement détenu par TSO, Colas Rail et ETF- Européenne de Travaux ferroviaires, fin mai, elle a répondu à l’appel d’offres lancé par RFF de renouvellement des suites rapides sur la période 2013-2017 qui, pour la première fois, comptera trois lots. « Nous nous y sommes intéressés parce que nous avons un nouveau train de suite rapide qui va être livré par le constructeur Matisa en septembre. Nous voulons nous positionner par rapport aux majors et tenons à faire valoir notre longue expérience outre-Rhin », poursuit Jean-Luc Trottin. Cette expérience dans la maintenance des lignes, ils la tiennent de la première suite rapide qu’Heitkamp Rail exploitait depuis plus de dix ans en Allemagne, en Hollande et en Suède. Outre ce train de substitution en attente, le parc des engins, qui arborent désormais le logo de la nouvelle entreprise, vient tout récemment d’être complété par une bourreuse 3X et dix wagons MSF autodéchargeants fournis par Plasser & Theurer. Autre sujet suivi de près par l’entreprise, les régénérations de lignes régionales menées en voies fermées, notamment sur celle de Toulouse – Saint-Sulpice, les lots de Bergerac – Sarlat. Elle guette également la sortie des prochains appels d’offres, notamment le C3 à Tarascon. Là encore, elle dispose d’une belle référence avec le plan rail Midi-Pyrénées. Elle vient d’achever le lot B, la rénovation de la ligne Saint-Sulpice – Castres – Mazamet et surtout la rénovation de celle remise en service le 30 juin 2009 entre Tarascon-sur-Ariège et Latour-de-Carol. Un chantier complexe par sa taille, sa réalisation dans des délais courts, dans des sites montagneux, dans des conditions climatiques parfois très difficiles : « Nous l’avons terminé sous 1,20 m de neige à L’Hospitalet pendant le mois de mai ! » Un autre intérêt concerne le développement des tramways, pour lesquels Eiffage Rail a fait des offres, sans succès pour Brest, mais avec réussite à Dijon où elle a obtenu fin juin le lot n° 2. L’entreprise soumissionne aussi sur l’extension du T4 à Lyon, le T8 en région parisienne, et attend les appels d’offres pour les projets de Valenciennes, de Bordeaux et de Tours. Dans un autre domaine, elle s’intéresse beaucoup aussi aux ports français, notamment ceux du Nord, puisque via les activités qu’elle a reprises de STPV-Voies ferrées (Société des travaux publics de Valenciennes), elle y est bien implantée. Cette présence et cet intérêt portent déjà leurs fruits. Elle a décroché un marché à Dunkerque, en a emporté un à Rouen, petit mais important car les nombreuses voies dans ces ports nécessitent de l’entretien, et a soumissionné à Calais. Mais la suite rapide et les plans rail restent cependant ses objectifs prioritaires. « Il nous semble qu’une entreprise comme Eiffage ne peut pas être absente de ce genre de chantier important. Ce sont des références dans l’emploi de ses salariés et de son matériel qui apportent un peu de visibilité. Une maîtrise des techniques aussi. Et cela prouvera que Heitkamp que nous avons rachetée est tout à fait apte à les appliquer en France », conclut Jean-Luc Trottin.

 

Michel BARBERON

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