Réforme ferroviaire : les syndicats réformistes sur plusieurs fronts
Après avoir fait part de ses réticences, l’Unsa a finalement accepté de participer à la consultation proposée par la CGT pour tenter de relancer la mobilisation contre la réforme ferroviaire. L’intersyndicale cheminote (CGT, SUD-Rail, Unsa et CFDT) qui s’est réunie le 9 mai en a ainsi validé le principe. La consultation, qui aura lieu dans le cadre des assemblées générales (AG) mises en place pour décider des suites de la grève, sera organisée du 14 au 21 mai. Elle s’adressera aux 150 000 cheminots – mais en réalité plutôt à ceux qui viennent aux AG – et leur posera la question suivante : « Etes-vous pour ou contre le pacte ferroviaire porté par le gouvernement ? »
Les organisations syndicales sont en effet confrontées à l’essoufflement du mouvement de grève lancé deux jours sur cinq depuis début avril (mercredi, le nombre de grévistes est passé pour la première fois sous la barre des 15 %, même si le nombre de conducteurs grévistes est toujours élevé : plus de 50 %). L’initiative proposée par la CGT-Cheminots s’inspire du référendum organisé à Air France sur les propositions de la direction pour sortir du conflit, qui a abouti le 4 mai à la démission du président de la compagnie Jean-Marc Janaillac. Pour éviter toute comparaison, l’Unsa Ferroviaire et la CFDT-Cheminots se sont opposés à l’appellation « référendum » comme le proposait la fédération cégétiste, pour lui préférer le nom de « Vot’Action ». « Ce n’est pas un référendum. Un référendum est organisé par l’entreprise qui utilise les listes de tous les personnels. Nous allons organiser une consultation syndicale et donc cela n’aura de valeur que par rapport aux personnes qui se seront exprimées. Nous souhaitons ainsi contrecarrer les propos du président de la SNCF qui affirme que seuls 20 % des cheminots sont en grève et que 80 % soutiennent la réforme », explique à VR&T Roger Dillenseger, le secrétaire général de l’Unsa Ferroviaire.
Ainsi, l’unité syndicale a encore une fois pu être préservée. « L’unité syndicale est toujours d’actualité », a affirmé Laurent Brun, le secrétaire national de la CGT-cheminots, à l’issue de la réunion de l’intersyndicale. Pour Bruno Poncet, de SUD-Rail, le lancement du « Vot’Action » est « un moyen donné à nos collègues d’exprimer leur opposition à cette réforme ».
Interrogé par Le Parisien du 11 mai, Guillaume Pepy a estimé que ce référendum n’aura « aucune » légitimité, le Parlement ayant seul le pouvoir de décider. « La réforme ferroviaire est un sujet qui ne concerne pas que l’entreprise mais tous les Français et qui sera tranché par les élus nationaux dans quelques semaines. Personne ne peut confisquer le débat et le vote au Parlement », a expliqué le patron de la SNCF.
Selon lui, le projet de réforme ferroviaire arrive désormais à un moment « charnière ». Après avoir suspendu leur participation aux rencontres organisées par la ministre des Transports, l’Unsa et la CFDT ont participé à une réunion avec Elisabeth Borne, concernant les amendements au projet de loi, ce qui est « une avancée », juge Guillaume Pepy. Pour Roger Dillenseger, qui a présenté à la ministre la trentaine d’amendements proposés par son syndicat, « il y a une écoute positive à des sujets concrets ». Selon lui, « les postures ont évolué sur les questions de transfert de personnel, la rémunération et même la gouvernance ». Sur le fond, il n’en dit pas plus, renvoyant à des nouvelles réunions de travail.
Un premier pas vers la sortie de crise pour les syndicats réformistes ? « On travaille à sortir proprement du conflit avec des garanties à la sortie », a encore indiqué Roger Dillenseger, expliquant vouloir « aller positivement dans cette réforme, pour la transformer en une réforme efficace ».
Par ailleurs, d’ici le passage du projet de loi au Sénat fin mai, « le Premier ministre va également annoncer des mesures de désendettement, ainsi que des investissements supplémentaires », a rappelé Guillaume Pepy, qui de son côté présentera « l’ensemble de l’agenda social lié aux questions de l’après-statut à partir de 2020 ». L’objectif, a-t-il ajouté, « n’est pas d’avoir des cheminots au rabais et de jouer au dumping social » .
D’ici là, la journée du 14 mai, qui était initialement prévue par les organisations syndicales comme une journée sans cheminots, a été revue à la baisse : les syndicats appellent à une très forte mobilisation ce jour-là. Pas la peine d’organiser « un fiasco », pour reprendre les termes d’un syndicaliste, mieux vaut être réaliste et maintenir la pression sur le gouvernement pour obtenir des garanties.
M.-H. P.
Publié le 10/12/2024 - Marie-hélène Poingt