Gilles Savary : « Le rapport Duron ? Un rapport de rupture »
Gilles Savary, ancien député, consultant, président de l’atelier « Mobilités plus sûres » des Assises de la mobilité, répond aux questions de VR&T à la suite de la publication du rapport « Mobilités du quotidien » du Conseil national des infrastructures, présidé par Philippe Duron.
Ville, Rail & Transports. Comment recevez-vous le rapport Duron ?
Gilles Savary. C’est un changement de doctrine assez clair, assez net, à bien des égards. C’est un rapport de rupture très intéressant.
VR&T. De rupture, à quels égards ?
G. S. C’est la première fois depuis les années 90 qu’on dit qu’il ne faut pas attendre de miracle de la politique de report modal. Jusqu’à présent nous avions des idées assez simples, inspirées des écologistes : il faut basculer les trafics sur le rail. Après plus de vingt ans d’efforts, partout en Europe, on s’aperçoit qu’on n’a pratiquement pas fait bouger, ou alors de façon extrêmement marginale, le pourcentage de voyageurs ou de marchandises transportés par rail, par rapport à la route, ou à l’aérien ou à la mer. On n’a pas réussi cette politique très coûteuse, qui repose sur des investissements géants et des subventions massives en faveur du rail, et sur la fiscalisation de la route, même si certains considèrent qu’elle n’est pas suffisante. C’est la première rupture doctrinale.
VR&T. D’autres ruptures ?
G. S. Une priorité affirmée pour les mobilités du quotidien. Cela avait déjà été évoqué par ce gouvernement, le précédent en avait beaucoup parlé mais n’avait pas fait grand-chose. On fait une priorité de mobilités considérées comme besoin de première nécessité pour des Français qui doivent se déplacer quotidiennement. C’est extrêmement important par rapport à la culture des grands projets prestigieux et des performances techniques des précédentes années.
Il y a une troisième rupture, c’est le début d’une véritable politique nationale pour les modes doux : vélos, marche, avec, en face, des propositions budgétaires qui ne sont pas complètement marginales ou anecdotiques. C’était jusqu’à présent une amélioration du cadre de vie en ville, ce n’était pas érigé en politique nationale. Ces modes trouvent leur lettre de noblesse dans ce rapport. Voilà trois grandes ruptures doctrinales qui me semblent extrêmement importantes.
VR&T. En matière de report modal, on se focalise souvent sur un échec français, notamment en fret. Pour vous, il est européen ?
G. S. Oui. Le livre blanc de 2001 sur les transports de Loyola de Palacio — qui a été un très grand commissaire européen — est axé essentiellement sur le report modal. Si on compare les chiffres d’alors pour la route et le fer aux chiffres d’aujourd’hui, on constate qu’on a beaucoup fiscalisé la route mais que cela n’a pas fait bouger de façon significative les parts modales. La route est plus souple, le chemin de fer est devenu moins fiable et, dans ses usages classiques, il n’est plus tellement adapté à notre époque, au fait qu’on a à faire du porte-à-porte, du just in time. Et puis, il y a une très grande résilience de la liberté de circulation individuelle.
Il y a aussi des phénomènes structurels. Pour en revenir à la France, aujourd’hui, dans la campagne, on a beaucoup de mal à massifier les déplacements. Le village français n’est plus complet. Il est éclaté. Il faut parfois emmener les enfants à la maternelle à trois kilomètres, faire quatre kilomètres à l’opposé pour aller à l’école primaire, aller ailleurs à la perception ou voir le médecin. Les parcours sont devenus chaotiques, on peut difficilement les regrouper. Le véhicule individuel reste pour un grand nombre de Français incontournable, sans compter l’attachement qu’on peut avoir à la route, au fait qu’elle est synonyme de liberté. Jusqu’à présent, on a tenu un discours politique à l’envers de ce qui se passe : les mobili
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