Grand Paris, cartes sur table
Le double débat public sur Arc Express et la double boucle s’achève le 31 janvier. Le gouvernement et le conseil régional s’activent pour parvenir avant l’échéance à une « vision partagée ». Enjeu : sortir par le haut d’une usante guéguerre des projets, en apportant une vraie réponse aux attentes des Franciliens. Après Christian Blanc, après Michel Mercier, le troisième ministre chargé du Grand Paris est une fois de plus un centriste. Mais bien différent du premier titulaire. Et qui prend le dossier par un autre bout. Pas de passage en force, mais la recherche de la conciliation, comme l’avait fait Michel Mercier.
Chargé du dossier depuis le dernier remaniement, Maurice Leroy, le ministre de la Ville, connaît bien la région. Cet ancien communiste a été directeur de cabinet du maire d’Orly (1982-84), du président du conseil général du Val-de-Marne (1990-91), du maire de Nanterre (1991-92), du maire de Colombes, avant d’être chargé de mission auprès de Charles Pasqua, président du conseil général des Hauts-de-Seine (1993-97), puis d’Eric Raoult, alors ministre de la Ville et de l’Intégration (1995-97). Et dernièrement, comme il l’a rappelé dans un entretien à Libération le 28 décembre dernier, « en tant que vice-président (Nouveau Centre) de l’Assemblée nationale, j’avais présidé tous les débats de la loi Grand Paris ».
Son objectif, exprimé le 6 janvier lors d’une réunion à la mairie de Bondy, c’est de parvenir au plus vite à une « vision partagée ». Avec un financement, un calendrier et une carte. En effet, deux débats publics sont en cours depuis le 30 septembre et doivent s’achever le 31 janvier. Un tel double débat, l’un sur Arc Express et l’autre sur le projet de la Société du Grand Paris, projets rivaux, est aberrant en soi. Mais cela a semblé la seule issue lors du vote rocambolesque de la loi Grand Paris. Aujourd’hui, pour éviter de consacrer à un troisième débat public du temps et de l’argent (celui-ci aura coûté 6 millions d’euros), il faut être en mesure de présenter avant la fin du mois une synthèse qui rentre juridiquement dans le cadre du débat actuel.
La synthèse a déjà été préparée. Michel Mercier, appuyé par la Datar, y avait travaillé avec Jean-Paul Huchon, avec qui, a précisé Maurice Leroy, lui aussi « travaille vraiment bien ».
Le 15 novembre, Jean-Paul Huchon avait donc mis sur la table une première proposition de synthèse. Idées du conseil régional : maintenir Arc Express, dont une version complète était proposée le même jour. Reprendre de la double boucle de Christian Blanc la branche est, garder l’idée de desserte des aéroports, mais en proposant d’autres solutions que le prolongement de la ligne 14 ; remettre le métro pour Saclay à plus tard.
Les architectes, pour leur part, ont présenté le 19 novembre un travail un peu différent. Leur credo, qui est aussi celui de Nicolas Sarkozy : bâtir la ville sur la ville. Pour le transport, donc, il faut se fonder sur l’existant. Réutiliser. Et combiner l’existant remanié aux projets en débat, pour fonder un système métropolitain à l’échelle de la région.
Maurice Leroy est parti du projet des architectes, ce qui lui permettait, dit-il, de « dépassionner » le débat entre tenants du Grand Paris et ceux d’Arc Express, entre Etat et région. Cela permettait aussi d’intégrer l’ensemble des projets à l’existant dans un souci de maillage et de cohérence. Et de donner la priorité à la réutilisation de l’existant, à commencer par la rénovation des lignes C et D du RER pour répondre à l’urgence.
Comment faire en sorte que les deux projets de rocade n’en fassent plus qu’un et que celui-ci s’articule bien à l’existant ? Toute une partie d’Arc Express et de la boucle interne du Grand Paris se prête à la conciliation. Grosso modo, dans le sens des aiguilles d’une montre, de Saint-Maur-Créteil (au sud-est) à Saint-Denis-Pleyel (au nord), soit sur les trois quarts du projet Arc Express, le projet de la SGP est compatible. Les tracés divergent peu, même si l’on sait que la question est aussi celle du nombre de dessertes, beaucoup plus nombreuses dans le cas d’Arc Express (pour répondre aux besoins des populations) que dans le grand huit (pour garantir la vitesse entre les pôles).
Sur le futur tracé commun, on a quelques lumières. Orbival, soutenu par le conseil général du Val-de-Marne, s’impose comme référence de la branche sud. Le conseil général de Seine-Saint-Denis, de son côté, a voté à l’unanimité un tracé pour Arc Express, et le ministre a dit le 6 janvier à Claude Bartolone, le président du conseil général, qu’il intégrait ce tracé à la « vision partagée ». Il a répondu aux inquiétudes de Valérie Pécresse, en l’assurant que Saclay aurait bel et bien son métro automatique, et que le plateau, comme l’a demandé Nicolas Sarkozy, serait à 30 minutes du centre de Paris. Le métro, précise-t-il, se fera d’abord en version légère (jusqu’en 2020), et l’on évoque un prolongement d’Orlyval.
Au conseil régional, on se félicite que l’on ait enfin – depuis Michel Mercier – des relations normales avec l’Etat. On partage avec Maurice Leroy l’objectif d’un accord avant la fin janvier. Le tracé ne semble plus un problème. Pour le financement, l’Etat a fait un geste avec l’extension du VT et la taxe sur les bureaux, mais on n’est pas tout à fait au bout. La question du plan de mobilisation restait encore en suspens ce 6 janvier, tout comme celle de la maîtrise d’ouvrage, mais on était confiant. La vision n’était pas encore tout à fait partagée, mais l’espoir d’y parvenir l’était.
Par François DUMONT
Publié le 10/12/2024 - Marie-hélène Poingt