La fronde anti-TGV coupe les vivres à Alstom en Argentine
Les usagers de la capitale s’insurgent contre le projet de TGV argentin et réclament des investissements sur le réseau de banlieue : les fonds consacrés à la LGV ont disparu du projet de budget 2009 ! La révolte des trains de banlieue aura-t-elle la peau du projet de TGV argentin ? Depuis la mise à sac d’une gare, le 4 septembre, par des voyageurs mécontents, le projet de ligne à grande vitesse entre Buenos Aires, Rosario et Córdoba (710 km), dont les travaux devaient démarrer avant la fin de l’année, risque de prendre un sérieux retard. La ligne budgétaire de 545 millions de pesos (122 millions d’euros) initialement prévue pour le financement du projet a en effet disparu de la préparation du budget 2009, ramenée à une simple enveloppe de 4 millions de pesos (900 000 euros) pour des études d’impact. Directement impacté par cette décision, Alstom, chef de file du consortium Veloxia, en charge de sa réalisation, se veut confiant. « L’Agence nationale pour les infrastructures ferroviaires a été dotée de 2,3 milliards de pesos (520 millions d’euros) pour la grande vitesse entre Buenos Aires et Cordoba » et la modernisation d’une ligne ferroviaire dans la banlieue de Buenos Aires, relève le président d’Alstom Argentine, Thibault Desteract. Le gouvernement nuance cependant son propos : « Il n’est pas spécifié si [cette somme] sera affectée à la grande vitesse ou à d’autres projets », rétorque un porte-parole du secrétaire d’Etat aux Transports. En résumé, le projet n’est pas annulé, certes, mais il a pris du plomb dans l’aile. Cet imbroglio budgétaire résulte d’un important mouvement de grogne, né de la situation désastreuse des trains de banlieue dans la capitale argentine. Compartiments bondés, pannes systématiques, mauvaise humeur généralisée : chaque matin, c’est le même scénario sur les quais de Buenos Aires. Le 4 septembre, alors qu’un énième incident technique avait interrompu le trafic sur la ligne Sarmiento (qui relie la capitale à sa banlieue ouest), des passagers excédés ont été pris d’une brusque montée de violence, lançant des pierres sur les guichets, bloquant les voies et incendiant les machines. Le concessionnaire, Trenes de Buenos Aires, reconnaît volontiers que sa ligne est saturée. Depuis quatre ans, le nombre de voyageurs a augmenté de 20 %, sans qu’aucun moyen n’absorbe cette hausse. Et cette situation d’engorgement se retrouve sur l’ensemble des réseaux exploités dans la capitale. Le jour même de ces violences, le nouveau documentaire du réalisateur argentin Pino Solanas, La Prochaine Gare, sortait dans les cinémas. Ce film revient sur la désintégration des services ferroviaires, notamment pendant la période de privatisation orchestrée par le Président Carlos Menem dans les années 90. « L’Argentine a compté jusqu’à 44 000 km de voies ferrées, explique Jorge Contesti, ancien cheminot et auteur de l’ouvrage La République a perdu le train, il n’en reste que 7 500 km en exploitation. » Dans ce contexte, le projet de ligne à grande vitesse entre Buenos Aires, Rosario et Córdoba est pointé du doigt. Une pétition, lancée en mai par les frères Contesti, a rassemblé plus de 850 000 signatures, soit au-delà du seuil qui permet de mobiliser l’agenda politique. « En réunissant 1,5 % du nombre d’électeurs inscrits, nous pouvons présenter un projet de loi au Congrès qui aura deux objectifs : la reconstruction des chemins de fer nationaux et l’annulation du TGV. » Ignorant l’opinion publique, Cristina Kirchner a jusqu’ici défendu cet investissement, au nom d’« un saut vers la modernité » du pays. Mais la récente polémique budgétaire pourrait annoncer un revirement. C’est en tout cas ce que souhaite Jorge Rico, membre fondateur de l’association “Non au TGV” : « Dépendre d’une technologie française, ce n’est pas construire une Argentine moderne. Le même investissement pourrait servir à reconstruire 18 000 km de voies dans le pays, en se basant sur le savoir-faire local. »
Caroline BÉHAGUE
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