La LGV Paca passera par le Sud
Le pouvoir politique a choisi le tracé par Aix-en-Provence, Marseille et Toulon pour rejoindre Nice. C’est le plus coûteux mais aussi le plus logique en termes de dessertes Fin du suspense. Fin aussi d’une épique polémique entre élus et associations, d’un feuilleton à rebondissements pour le choix du tracé de la LGV qui reliera Nice à la capitale en moins de 4 heures. La promesse a été tenue : le ministre de l’Écologie, Jean-Louis Borloo, et le secrétaire d’État aux Transports, Dominique Bussereau, ont tranché le 29 juin, la veille de l’expiration du délai de réflexion. En faveur du tracé sud, dit « des Métropoles ». Celui qui dessert Aix-en-Provence, Marseille et Toulon. Sur la base du rapport remis quinze jours auparavant par le médiateur Yves Cousquer, nommé en février, les ministres ont fait savoir aux élus que ce scénario était « le mieux adapté » et qu’il faisait « l’objet de l’accord des parties ».
Deux tracés en concurrence divisaient les élus du Sud-Est. Celui qui est abandonné, dit tracé nord, traversait le haut Var en suivant l’A8 pour rejoindre directement Nice. Moins onéreux de 3,5 milliards d’euros, il ne desservait pas les grandes métropoles régionales et longeait la montagne Sainte-Victoire, rendue célèbre par Cézanne. Dans leur courrier, les ministres soulignent que la LGV « s’inscrira dans un projet d’amélioration globale de la desserte » de Marseille, Toulon et Nice, « comprenant son insertion dans le réseau européen à grande vitesse et le développement des services TER intrarégionaux ». C’est la réaffirmation de la double vocation de la LGV : moderniser une desserte locale au bord de la saturation – une seule ligne Marseille – Vintimille pour desservir trois millions de personnes – et faire passer Marseille à moins d’une heure de Nice au lieu de 2 heures 30, mais aussi constituer le maillon central de l’arc méditerranéen à grande vitesse Barcelone – Marseille – Gênes. Des études complémentaires devront « préciser les enjeux et les conditions de réalisation d’un prolongement de la ligne nouvelle vers l’Italie ».
Autres précisions ministérielles : le projet « empruntera les lignes ou emprises existantes ». À défaut, « les solutions d’enfouissement seront massivement privilégiées pour protéger les riverains, la biodiversité, les espaces remarquables ainsi que les exploitations agricoles et viticoles ». Des impératifs qui font gonfler la facture. Si les estimations tablaient sur 11,5 milliards pour 180 km en passant par la Côte d’Azur, les derniers chiffres avancés font état de 15 milliards. Jolie culbute sachant que les premières hypothèses, il y a encore trois ans, étaient de l’ordre de 5 à 7,5 milliards. C’est que le travail de l’ingénieur général des Ponts et chaussées, Yves Cousquer, a permis de pointer l’énorme difficulté pour traverser Marseille et redimensionner la gare Saint-Charles en créant une gare souterraine. Le préfet de région, Michel Sappin, le rappelait le 28 juin : « Le médiateur explique qu’il y aura un gros problème d’ici dix, vingt ou trente ans à Saint-Charles. » Les 10 km de souterrain, sur les 60 envisagés au total sur la LGV, qu’il faudra construire sous Saint-Charles pourraient coûter plus d’un milliard d’euros, a déjà précisé RFF. « La mission d’Yves Cousquer a jugé plus judicieux de placer les projections de trafic non pas en 2020, mais en 2040, explique Jean-Michel Cherrier, chef de la mission LGV Paca de RFF. De ce fait, il y a 7 milliards de travaux sur le réseau classique et l’obligation de refaire Saint-Charles. » Avec une telle hypothèse, le scénario nord tombait quasiment de lui-même. Autre point dur, la traversée de Toulon, à cause d’un paysage extrêmement urbanisé. Et le choix politique des élus toulonnais d’une gare en centre-ville. « C’est très délicat et pourrait coûter très cher », avance-t-il.
Au lendemain du choix du gouvernement, RFF a annoncé le lancement immédiat des études préliminaires pour « moins de 70 millions d’euros », attendues d’ici à quatre ans, en vue de l’enquête d’utilité publique. Leur objet : affiner le tracé, qui n’en est qu’à une bande théorique de 7 km de large, la localisation des gares à construire entre Les Arcs et Le Muy dans le Var ainsi que près de Grasse, la répartition du financement. « Entre les deux scénarios, il n’y avait pas une solution plus facile que l’autre, précise Michel Croc, directeur régional Paca de RFF. Soit [on traverse] un milieu naturel de grande valeur, soit un milieu humain très dense. En passant au milieu des villes, on offre un meilleur service », a-t-il souligné.
Selon les dernières études RFF, à 4,8 %, le tracé des métropoles du Sud possède un meilleur taux de rentabilité interne que le scénario abandonné (4,6 %), pour un gain de trafic potentiel de 5,5 millions de voyageurs contre 3,8 millions. Les projections à 2020 faisaient état de 80 millions de voyageurs, dont 80 % se rendant à Nice. C’est ce qui minorait l’écart de prix net pour les collectivités locales : « Avec quelque 2 millions de voyageurs en plus, la capacité d’autofinancement de RFF sera supérieure. Globalement, RFF pourrait ajouter un petit tiers de la différence de prix », avait confié Jean-Louis Cherrier, selon qui « le raisonnement reste valable ».
La mise en service ? Plus question d’horizon 2020. Adieu le rêve d’un TGV aux JO d’hiver de 2018 pour lesquels Nice est candidate. RFF table sur 2022-2023. Et c’est maintenant l’épineuse question du financement qui fera l’actualité, les collectivités locales devant en assurer 40 %. Une mission devrait être confiée à l’inspecteur général des finances, Francis Idrac. Une autre raison pour s’écharper ? Et le rendez-vous des élections régionales mi-2010 pourrait perturber le débat. Ne serait-ce qu’à cause de la gare de Toulon, dont le maire Hubert Falco pourrait être candidat. Nicolas Sarkozy l’en presse. L’intéressé réserve sa réponse pour la fin de l’été.
Cécile NANGERONI
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