Les Italiens de NTV préparent une gamme tarifaire entre grand luxe et low-cost
Le PDG de NTV (Nuovo Trasporto Viaggiatori), Giuseppe Sciarrone, estime pouvoir affronter la concurrence avec l?AGV rouge d?Alstom Dans le domaine de la grande vitesse ferroviaire, la concurrence a décidément l’avenir devant elle. A celle entre constructeurs, qui s’exerce déjà depuis de nombreuses années, va désormais s’ajouter celle, toute nouvelle, entre opérateurs. A cet égard, l’Italien NTV fait figure, en Europe, de grand précurseur. Il est vrai que l’Italie, anticipant la décision communautaire, avait introduit dès 2001 la libéralisation de ses services ferroviaires voyageurs en régime intérieur. Venu à Londres tout exprès pour le sommet afin de livrer ses premières expériences de nouvel opérateur, Giuseppe Sciarrone appartient à la « bande des quatre » qui fonda NTV en décembre 2006. Il en est aujourd’hui le directeur et expert technique. Partant de la constatation que le corridor Turin – Milan – Rome – Naples est l’un des plus importants d’Europe, desservant quelque vingt millions d’habitants, et que la grande vitesse en Italie, à l’horizon 2015, devrait représenter près de 150 000 voyageurs par jour et jusqu’à 18 milliards de voyageurs-kilomètres par an, Giuseppe Sciarrone estime qu’un tel marché pourra sans difficulté faire vivre profitablement jusqu’à trois acteurs en compétition. Lui-même vise une offre de 13,5 millions de trains-kilomètres par an, espérant en 2015 récupérer 20 % du marché avec 30 000 voyageurs par jour et 3,3 milliards de voyageurs-kilomètres par an. Les 25 rames AGV achetées par NTV, composées chacune de 11 voitures « courtes » pour une longueur totale de 200 m, vont permettre à l’opérateur de diversifier au maximum les espaces voyageurs. C’était d’ailleurs l’une des raisons du choix de ce matériel. Particularité, il n’y aura pas de vente de billets en gare : trop cher pour NTV ! Autre chiffre important, 16,4 millions d’euros (sur les 618,6 millions d’investissements initiaux) devront être consacrés à la formation du personnel. « Nous ne voulons pas d’anciens cheminots des FS, pour ne pas être accusés de monter notre entreprise sur le dos de l’opérateur historique », explique Giuseppe Sciarrone. Le volume de formation à dispenser n’est pas, loin s’en faut, le seul écueil que le directeur de NTV va devoir affronter. Le niveau des péages, qu’il qualifie déjà de « critique pour le succès de l’entreprise », représentera environ 44 % de ses frais de fonctionnement. Et les risques qu’il va devoir manager sont multiples, depuis les effets de la crise économique actuelle (qui, selon lui, se traduiraient aujourd’hui par une baisse des trafics de 5 à 10 %) jusqu’à d’éventuels problèmes de fiabilité du matériel roulant, en passant par un retard dans sa livraison. Concernant les deux derniers points, NTV travaille très étroitement avec le constructeur Alstom, « qui fait l’heure jusqu’à maintenant ». Moins évident semble être le contexte ferroviaire local dans lequel évolue NTV : « […] le gestionnaire d’infrastructures (RFI) et l’opérateur historique (Trenitalia) appartiennent au même groupe (FS) », regrette Giuseppe Sciarrone. « Aussi la tactique choisie par RFI pour dresser des obstacles devant nous est évidente : ils jouent la montre sur toutes les décisions les concernant. Avec pour conséquence qu’il nous est très difficile d’obtenir à temps des scénarios clairs pour notre future exploitation… » Pourtant, une chose est sûre : Giuseppe Sciarrone entend, quoi qu’il arrive, lancer ses AGV à la mi-2011 avec, sur chaque train, une offre tarifaire particulièrement large, calquée sur la différenciation extrême des espaces voyageurs, depuis la classe « grand luxe » vendue à prix plus élevé que chez Trenitalia jusqu’au véritable « low-cost » du transport ferroviaire…
Philippe?HERISSE
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Publié le 10/12/2024 - Marie-hélène Poingt