Depuis la signature, le 6 juillet par le préfet de Paris, du permis de construire de la gare du Nord, la bataille contre le projet de rénovation et d’agrandissement de la gare repart de plus belle. « Le gouvernement invente un nouveau Notre-Dame-des-Landes en plein de cœur de Paris », dénonce Emmanuel Grégoire, le premier adjoint à la mairie de Paris, en fustigeant le projet de rénovation et d’agrandissement de la gare du Nord, surdimensionné selon lui. « La mairie de Paris va s’opposer politiquement et juridiquement avec tous les moyens à sa disposition », menace-t-il, sans plus de précisions. « Nos avocats y travaillent », ajoute-t-il. Des associations de riverains ont aussi annoncé qu’elles feraient des recours.
La gare qui accueille aujourd’hui quelque 700 000 voyageurs par jour devrait en voir passer plus de 900 000 à l’horizon 2030. Vieillissante, elle doit subir un sérieux lifting que personne ne conteste. En revanche, les opposants refusent ce qu’ils nomment un « paquebot commercial », au cœur du projet de rénovation. Il s’agit de faire passer la surface commerciale de 5 400 m2 actuellement à près de 19 000 m2. Au total 61 500 m2 de surfaces supplémentaires sont prévues qui comprennent aussi 10 375 m2 d’espaces de loisirs. « On ne peut pas reprocher à la SNCF de vouloir des commerces dans ses gares. Mais il y a une question de proportion », commente Emmanuel Grégoire.
Pour la SNCF, l’opération doit permettre de financer les travaux sans mettre la main à la poche (600 millions d’euros entièrement pris en charge par Ceetrus du groupe Auchan) puis de percevoir chaque année des redevances pour l’occupation des commerces. Sommes qui peuvent ensuite être utilisées pour financer des chantiers dans d’autres gares sur l’ensemble du territoire.
L’histoire de la rénovation de la gare du Nord est déjà longue de polémiques et de tentatives de conciliation. En septembre dernier, des urbanistes et des architectes avaient dénoncé dans Le Monde un projet « inacceptable » et « pharaonique ». En mars, une commission d’enquête publique avait formulé un avis favorable sur le permis de construire.
Mais face au tollé, les discussions entre StatioNord (la SEM qui réunit Gares & Connexions et Ceetrus (groupe Auchan) qui porte le projet) et la Ville n’avaient jamais cessé. Au contraire, elles ont même permis de faire avancer le projet dans le sens voulu par les élus municipaux. Le préfet de Paris, Pierre Cadot, cite ainsi 13 points d’amélioration, dont l’accroissement du nombre de places pour garer les vélos, passé de 1 200 à 3 000, le lancement d’une étude pour voir comment ouvrir la gare du Nord du côté de La Chapelle, ou encore la fin de la séparation des flux d’entrée et de sortie pour les voyageurs du quotidien (mais pas pour ceux qui empruntent les grandes lignes).
Emmanuel Grégoire propose encore « cinq axes » pour améliorer le projet.
Le premier consiste à revoir le calendrier qui n’est « pas crédible » tel qu’il est fixé : être achevé en 2024 au moment des JO. « Nous n’avons pas accès au planning de travaux. Il y a une stratégie de dissimulation. Le calendrier n’est pas crédible, ce n’est pas sérieux », estime l’élu.
Second impératif selon lui, il faut abandonner totalement le principe de séparation des flux d’entrée et de sortie pour ne plus être contraint de traverser le centre commercial.
Enfin, il demande de « dédensifier » le projet (le bâtiment prévu s’étendra sur 300 mètres et jusqu’à cinq étages), d’ouvrir la gare sur les quartiers environnants et de mettre en place une réelle intermodalité. « Nous voulons faire la part belle aux nouveaux modes comme le vélo », souligne Alexandra Cordebard, la maire du Xe arrondissement qui craint « quatre à cinq ans d’années difficiles, peut-être davantage, dans un quartier déjà hyper dense tant en bâti qu’en population ».
Pour l’association Retrouvons le nord de la gare du Nord, ce projet va compliquer la circulation dans ce quartier et l’accès à la gare. « Aujourd’hui, la gare est très facile d’accès mais demain, il faudra prendre des passerelles, ce qui allongera les trajets et pourra prendre jusqu’à huit minutes. En moyenne, il faudra compter quatre minutes », souligne un de ces porte-parole. « Or, nombre de liaisons proposées en TGV à partir de la gare du Nord sont assez courtes, que ce soit pour aller à Lille, à Bruxelles… Le TGV permet de gagner du temps mais on va en faire perdre dans la gare. C’est absurde », ajoute-t-il.
Surtout, poursuit l’association, ce chantier gigantesque ne va pas régler les problèmes des voyageurs de banlieue qui représentent pourtant 80 % des voyageurs de la gare. « Les voyageurs du quotidien ne sont pas pris en compte par le projet : les escalators sont placés perpendiculairement dans le but de faire voir les commerces. Mais tous ces cheminements vont allonger les trajets. Il faut un projet au service des voyageurs du quotidien ».
Les temps de trajet ont été recalculés côté promoteurs du projet qui démentent cette accusation. Et rappellent que les cheminements prévus à la gare du Nord sont calqués sur le modèle de ceux des gares de Saint-Lazare, Rennes, Nantes ou Lyon-Part Dieu, qui eux-mêmes s’inspirent de ce qui se fait à l’étranger, à commencer par les gares japonaises souvent citées en exemple.
M.-H. P.
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