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L'étude de l'EPFL et de SMA sur le cadencement en France

Publié le 23/02/2010 à 11h00

Ce que les experts suisses, L?Ecole polytechnique fédérale de Lausanne et le cabinet SMA, pensent du cadencement français em>Vous pouvez télécharger grâce au lien en bas de page, dans sa version intégrale (avec les références bibliographiques), le chapitre 2.2, consacré à l’évolution de la demande de transport, du rapport établi par l’EPFL de Lausanne et le cabinet SMA pour le compte de RFF sur le cadencement en France. Cette partie du rapport a été publiée dans le n° 490, du 24 février,  de Ville , Rail & Transports,  et précédé d’un article de présentation que nous reproduisons également.
 

La France, qui ne manque pourtant pas de singularités ferroviaires, en ajoute une avec la question du cadencement. De fait, elle est le premier pays qui passe au cadencement après la séparation entre entreprise ferroviaire et gestionnaire d’infrastructure. En Allemagne, en Suisse, en Belgique, la volonté de cadencer est venue du transporteur historique, et le gestionnaire d’infrastructure, qui n’en était pas encore séparé, venait en prestataire. Aujourd’hui, en France, c’est le gestionnaire d’infrastructure, Réseau ferré de France, qui a pris son bâton de pèlerin afin de convaincre ses partenaires de la pertinence d’un concept qui, selon lui, serait intéressant pour eux.
Donc, RFF est moteur. Mais, s’il est maître du graphique et des sillons, il n’est pas maître du fait que le sillon va être effectivement occupé par un train. Le graphique le permet, mais est-ce que la SNCF va l’activer ? Le gestionnaire d’infrastructure ne peut pas le dire. Est-ce que l’autorité organisatrice du TER va l’activer ? Ca ne dépend pas de lui non plus.
Dans les faits, il y a donc beaucoup de trous, d’exceptions, d’entorses. Cela vient en partie de raisons techniques : du fait que le cadencement a été fait par sous-réseau et qu’il faut tenir compte de trains qui viennent de l’extérieur de chaque sous-réseau. Mais, à côté de ces exceptions subies, il y a aussi beaucoup d’exceptions voulues. Résultat pour le client du TER dans une région comme Rhône-Alpes ou l’une des deux Normandie, c’est que, à la différence de la Suisse ou de l’Allemagne, il y a de grands trous dans la journée, des correspondances qui ne sont pas assurées.
Mais, au fait, qu’entend-on par cadencement ? L’étude relève l’ambiguïté du terme. Elle distingue surtout deux concepts : cadencement au départ, cadencement en réseau. Dans le cadencement en réseau, le sillon est cadencé sur l’ensemble de l’itinéraire : ce cadencement va se reproduire sur tout le parcours, avec des mêmes arrêts, des mêmes temps de parcours. Le cadencement au départ est celui qui a été initialement adopté par la SNCF, au départ de Paris, pour ses TGV, dans une logique d’optimisation du remplissage, ce qui fait que selon les heures les trains peuvent s’arrêter plus ou moins. Les minutes d’arrivée vont varier, et empêcher de systématiser la chaîne aval du transport.
Autre ambiguïté, la correspondance. La notion est comprise différemment selon les pays. Ajouter des correspondances peut être conçu comme un bonus, en plus des relations directes. En France, c’est plutôt entendu comme négatif. Entre Lison et Saint-Lô, on a électrifié une ligne à voie unique. Les responsables ont aussitôt voulu une relation directe entre Paris et Saint-Lô. Or ce train est perturbateur. C’est l’approche d’un pays centralisé, où la correspondance est perçue comme quelque chose de négatif. Chacun veut avoir son TGV une fois par jour. C’est un défi pour tout cadencement, mais c’est aussi une ossature.
On voit donc, pour schématiser, que le cadencement français est pris dans une contradiction, ou une tension entre deux acteurs dont l’un, la SNCF, a souhaité un cadencement au départ, dans une logique centralisée ; tandis que l’autre, RFF, tente de mettre en place après coup un cadencement en réseau.
La singularité, que relève l’étude, qui consacre un long passage à la question des modèles de prévision de la demande, c’est que chaque système invente les modèles qui lui correspondent et qui légitiment son approche de façon circulaire. Or, relèvent les auteurs, les modèles de prévision utilisés en France privilégient les effets de la grande vitesse et sous-estiment ou ignorent des effets que pourrait induire le cadencement. Le risque, c’est qu’au bout du compte on passe à côté d’une refonte indispensable des transports publics. Comme nous le dit un expert : « Si on appliquait le modèle suisse en France, ou le modèle français en Suisse, chaque fois, on prédirait la banqueroute d’une réalité pour laquelle il n’est pas fait. La SNCF prend donc son modèle actuel, qui lui dit que certains changements ne sont pas pertinents. On ne peut pas dire qu’elle ait complètement tort. Mais, si on change de logique, d’autres effets apparaissent. »
La mise en place d’un cadencement en réseau suppose une grande densité de l’offre. On voit qu’une telle approche s’oppose assez à celle de la Cour des comptes, qui a regretté dans son dernier rapport le coût de circulation des trains en heure creuse. Mais, dans une logique cadencée, on soulignera au contraire que, quand l’appareil de production est mis en place, le prix marginal des trains en heure creuse est faible. Et que ces trains induisent de la demande.
Un renforcement de l’offre suppose une lisibilité qui permette son appropriation par le client. De ce point de vue, le fait que RFF soit moteur du cadencement est un moyen de conserver une cohérence d’ensemble entre les TER, entre le TGV et le TER. Mais on peut regretter que chaque région y aille de sa politique tarifaire, de son marketing. On peut regretter aussi que la structuration du marché entre grande vitesse et TER, qui ont trouvé leur pertinence et leur modèle, ne permette pas l’émergence, ou le maintien, de trains intercités. Soit un exemple que relève un expert : « Entre Dijon et Lyon, le train peut mettre 1 heure 40 seulement, quand la voiture met 1 heure 50. Mais, dans les faits, les TER mettent plus de 2 heures parce que les deux régions organisatrices, Bourgogne et Rhône-Alpes, veulent de nombreux arrêts intermédiaires. Le résultat, c’est qu’il n’y a que les TGV qui mettent 1 heure 40. Mais ils sont rares, et ils nécessitent une réservation parce qu’ils ne sont pas conçus pour ce marché. Il n’y a donc pas d’offre ferroviaire pertinente entre les deux villes. »
Mais le principal obstacle au développement d’une offre intermodale, c’est sans doute l’émiettement des diverses autorités organisatrices, qui se traduit, globalement, par une mauvaise offre. Quand on est dans le système métro-TGV, ça va, mais après cela reste, comparé aux autres pays d’Europe, singulièrement plus faible.
La France, qui a mis aujourd’hui en place un embryon de cadencement, n’a pas l’entièreté des effets de la réforme. Ils devraient être plus grands si on allait jusqu’au bout du concept. C’est pourquoi le rapport insiste dans ses recommandations sur la continuité de l’offre et sur l’intermodalité.
Mais n’est-ce pas utopique ? La France, avec ses populations aussi inégalement réparties, se prête-t-elle vraiment au cadencement ? Le doute est souvent émis. Au contraire, insiste l’expert déjà cité, « la France est un pays radial, et c’est plutôt plus facile de cadencer l’offre dans un tel pays que dans un pays dense. Pour le reste, petit ou grand pays, c’est affaire d’homothétie, le problème ne change pas de nature entre petites mailles et grandes mailles si on a un maillage équivalent. Or la France est entrée dans la pertinence du cadencement en termes de densité d’offre. Elle l’a fait grâce à la grande vitesse. Ce qui compte, ce ne sont pas les distances en kilomètres, ce sont les distances en temps. On a un pays, comme le montrent les cartes établies selon les temps de parcours, qui, à l’exception du Massif central, est bien intégré en termes d’espace-temps ».
La réussite de la grande vitesse a fait que, subrepticement, on est entré dans la zone de pertinence du cadencement. Lyon – Marseille en est un des meilleurs exemples. On a fait la LGV pour la grande vitesse mais, ce faisant, on a fait de Lyon-Part-Dieu et de Marseille-Saint Charles des hauts lieux de correspondances.
 

François DUMONT

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