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Keolis jubile avec de bons résultats 2018
Publié le 18/04/2019 à 15h00
Keolis a présenté ses résultats 2018 à Boston, où la filiale de la SNCF exploite les trains de banlieue depuis 2015, non sans encombres. © MBTA

Tout un symbole. C’est à Boston, ville de ses déconvenues américaines, que Keolis a choisi de présenter ses résultats 2018 à des journalistes français. Bien sûr, l’opérateur de transport public, filiale de la SNCF qui exploite les « RER »  de la capitale du Massachusetts depuis quatre difficiles années, ne l’aurait pas fait s’il n’avait pas redressé la barre et réussi à se sortir du bourbier bostonien qui lui a coûté 60 millions de dollars de pertes depuis 2015 (environ 53 millions d’euros), « pesant lourdement sur les résultats », a admis son dirigeant Jean-Pierre Farandou.

En 2018, pour la première fois depuis que Keolis a soufflé le contrat maudit à son concurrent français Transdev, le groupe dégage une petite marge opérationnelle de trois millions d’euros, fruit de quatre années d’un big bang managérial et de lourds investissements industriels pour faire revenir les clients dans des trains à bout de souffle (lire l’article).« Comme dans un marathon, il faut être opiniâtre », a comparé le patron de Keolis.

Le 16 avril, au lendemain justement du célèbre marathon de la ville et au-dessus du port où se déroula la Boston tea party en 1773 (1), M. Farandou a voulu « rendre hommage aux activités internationales du groupe » qui représentent désormais la moitié de son chiffre d’affaires, soit près 2,9 milliards d’euros sur les 5,93 milliards réalisés en 2018. « La mauvaise surprise de Boston » jugulée, « l’international est notre terrain principal de développement en chiffre d’affaires et en nombre de passagers », a-t-il indiqué. L’activité de Keolis hors de l’Hexagone participe pour 60% à la croissance du chiffre d’affaires, l’activité France pour 40%.

Près de 3 milliards à l’international

« Avec un chiffre d’affaires en hausse de 10% et une rentabilité qui progresse de 15%, 2018 est une année exceptionnelle », s’est félicité M. Farandou. Le CA global flirte avec les six milliards d’euros, contre 2,37 milliards dix ans plus tôt. Il progresse de 6% en France (+160 M€), de 13% à l’international (+325 M€). Une croissance à peu près en ligne avec le cap que s’était fixé Keolis, tirée par les gains et les renouvellements de contrats à l’étranger et en France, le développement d’activités connexes (transport sanitaire, aéroportuaire, navettes autonomes, digital, stationnement), le renoncement à d’autres. Exit l’expérience de VTC partagé qui a essuyé des pertes dont le montant n’est pas communiqué : Keolis cherche un acheteur pour LeCab.

Parmi les grosses prises de Keolis en 2018, le contrat ferroviaire décroché aux Pays de Galles aux dépens de l’Allemand Arriva, pour un chiffre d’affaires cumulé de six milliards d’euros sur 15 ans. Le plus gros marché ferroviaire de son histoire : 128 trains à exploiter sur les 1 600 kilomètres du réseau Wales & Borders que la filiale de la SNCF doit entretenir et rénover. La franchise a démarré en octobre 2018. « Ici aussi, nous allons devoir relever le défi d’un réseau vieillissant », indique Jean-Pierre Farandou.

Faire de la difficulté un argument commercial pour conquérir de nouveaux marchés, même les plus risqués ? Au coude-à-coude avec RATP Dev dans la dernière ligne droite de l’appel d’offres pour le métro de Buenos Aires, Keolis associé au londonien Tfl semble faire fi des risques politiques et financiers en Argentine (lire notre article paru dans VRT d’avril 2019). Les dévaluations incessantes du peso font trembler la directrice financière du groupe, Kathleen Wantz-O’Rourke, et pendant ce temps, le directeur Amériques de Keolis, Clément Michel, révise son espagnol. « Buenos Aires, ce n’est pas toute l’Argentine, la situation économique de la capitale est saine », balaie-t-il, serein.

En attendant de connaître les résultats de l’appel d’offres sud-américain  (personne ne se risque à donner une date), Keolis ratisse le terrain en Amérique du Nord, « avec Boston comme argument de développement », ose même Clément Michel. De la Floride (navettes de l’aéroport de Miami) à la Caroline du Nord (bus de Greensboro dont une ligne 100% électrique) en passant par le Nevada où Las Vegas a renouvelé son contrat d’exploitation de bus et où Reno, deuxième capitale du jeu de l’Etat, vient tout juste de confier au Frenchy son réseau urbain et suburbain, Keolis creuse son sillon. En offensif et en défensif. Au Canada, qui fut la première conquête du groupe sur le continent américain, les tramways de Waterloo (Ontario) roulent depuis quelques mois aux couleurs de Keolis.

Reconduit en Australie pour exploiter et renouveler les vieux tramways de Melbourne ainsi que les voies, Keolis a récemment mis sur les rails son premier tramway dans l’empire du Milieu ainsi qu’une ligne de métro automatique à Shanghai, « nouvelle vitrine de notre savoir-faire en matière de métro automatique qui nous permet de consolider notre présence en Chine », commente Bernard Tabary, directeur international du groupe. Prochaine étape de cette consolidation, toujours à Shanghai avec l’exploitation du nouveau métro circulaire de l’aéroport de Pudong.

Fin 2017, la filiale de la SNCF avait gagné le contrat d’exploitation du métro automatique de Doha et du tramway vers la ville nouvelle de Lusail au Qatar, en consortium avec RATP Dev et Hamad Group. La première ligne vers l’aéroport doit être mise en service en 2019 pour un déploiement progressif du réseau jusqu’à la Coupe du monde de football en 2022. « On est prêts », s’impatiente Bernard Tabary. La plainte de l’association française Sherpa à l’encontre de Qatari Diar Vinci Construction pour « travail forcé et réduction en servitude des ouvriers migrants » fait piétiner le projet.

En Europe enfin, Keolis a gagné l’an passé le tramway d’Odense au Danemark et été reconduit pour les bus de Copenhague et le tram de Bergen en Norvège.

En France, la ficelle Optile

« Au pays d’Asterix, nous faisons une super année, sans potion magique et avec des succès offensifs emblématiques » résume Frédéric Baverez, directeur de l’activité France. Le plus retentissant, le contrat d’exploitation du CDG Express arraché en novembre 2018 en partenariat avec RATP Dev, mais qui n’est pas au bout de ses peines. Le rapport du préfet Cadot sur les scénarios et le calendrier de réalisation de la liaison ferroviaire directe entre Paris et l’aéroport CDG se fait attendre. La signature du contrat avec l’Etat aussi. Pendant ce temps, Valérie Pécresse, présidente de l’Ile-de-France, pousse pour retarder le projet à 2026.

Si les gains des réseaux urbains de Nancy, Chambéry et Bourg en Bresse (90 millions de CA au total) compensent largement la perte de celui de Nîmes (35 millions d’euros), Keolis a dû récemment s’incliner à Angers, et si cela est confirmé par la collectivité locale, à Brest aussi. Deux déconvenues qui viennent rappeler l’ascension de RATP Dev, allié un jour, redoutable adversaire un autre.

« Sans appels d’offres avant les municipales de mars 2020, Keolis va tirer la ficelle d’Optile (transports par bus franciliens, hors RATP, NDLR) qui s’ouvre à la concurrence dans un cadre réglementaire baroque », poursuit Frédéric Baverez. Un marché d’un milliard d’euros pour 38 contrats. « Une opportunité de développement majeure avec une première vague d’appel d’offres en 2019 », ajoute-t-il.

Les yeux sont donc à présent braqués vers l’Ile-de-France mais aussi sur l’ouverture à la concurrence des TER, avec les premiers appels d’offres qui pourraient sortir en 2919-2020. Keolis répondra-t-il avec ou contre la SNCF ? « En harmonie avec notre actionnaire principal, mais l’on s’autorisera à regarder les appels offres TER dès lors qu’ils ont une composante urbaine et périurbaine », arbitre Jean-Pierre Farandou qui ne s’interdit pas également des acquisitions en 2019. CarPostal France, filiale de La Poste suisse, est à vendre.

Nathalie Arensonas


Détail des résultats 2018

CA global multiplié par 2,5 en 10 ans : 5,93 Mds€ (2,37 Mds€ en 2008).
En progression de 10% par rapport à 2017 (+12% hors effet change)
CA international : 2,8 Md€  (600 M€ en 2008)
CA France : 2,9 Md€ (1,8Md€ en 2008)
Rentabilité (Ebitda récurrent) : + 15% à 392 M€
Taux de marge (Ebitda récurrent en % du CA) : 6,6%  (6,3% en 2017)
Résultat net récurrent : 79 M€, en recul de 4 M€ par rapport à 2017, dû aux effets CICE et CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises)
Niveau d’endettement : 982 M€
Free cash flow (capacité d’autofinancement) : 107 M€
Ratio d’endettement/Ebitda : 2,2x


(1) Révolte politique en 1773  contre la taxe sur le thé imposée par les Britanniques sur ses colonies de Nouvelle-Angleterre : les « patriotes » bostoniens prirent d’assaut deux navires et jetèrent 342 caisses de thé par-dessus bord.
Junjie Ling
Par Junjie Ling
Journaliste
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