Reporter le trafic aérien sur le train, une fausse bonne idée ?
10 Mar 2020
Europe , France , Fnaut , Aérien , Grande vitesse , Trains de nuit
© Lukas3333
Mis à jour le 12 mars 2020
Delphine Batho et François Ruffin rêvent d’interdire les trajets courts en avion que l’on pourrait faire en train. Greta Thunberg applique ce principe, quelle que soit la distance. Mais le constat est là, pour la Fnaut : en France et dans le monde, le transport aérien est de plus en plus populaire, du fait des gains de temps et d’argent qu’il permet, entraînant une multiplication des déplacements de longue distance et épousant ainsi l’évolution de la société (études loin du domicile familial, séparations des parents, développement du tourisme…)
Et, pour l’association des usagers des transports, cette tendance se poursuivra « vraisemblablement », malgré la montée des préoccupations environnementales. Toutefois, la Fnaut souligne que si le transport aérien est si bon marché, c’est parce qu’il bénéficie d’aides. Des aides qui ont été précisées dans une expertise de Jacques Pavaux, ancien directeur de l’Institut du Transport Aérien, réalisée à la demande de la Fnaut. « Les aides au seul transport aérien intérieur (aéroports et compagnies aériennes) se montent au moins à 500 millions d’euros par an et permettent aux compagnies de proposer des tarifs très bas qui attirent les voyageurs : la subvention abaisse le prix du billet de près de 20 euros (25 millions de passagers par an environ, le prix moyen du billet est de 110 euros). »
Et côté environnement, le tableau ne serait pas aussi « vert » que celui peint par les compagnies aériennes, selon lesquelles l’avion est responsable de 2 % seulement des émissions mondiales de CO2. Or, selon Jacques Pavaux, ce pourcentage pourrait plus que doubler d’ici 15 ans, en tenant compte du fret aérien et du développement du trafic passagers, malgré un gain de 1 % par an en efficacité énergétique. De plus, « en haute altitude, les avions émettent aussi de la vapeur d’eau, des oxydes d’azote, des aérosols, et provoquent la formation de traînées de condensation et de cirrus. En définitive, la contribution de l’avion au réchauffement climatique est d’environ le double du seul effet dû au CO2, soit environ 6 % des contributions mondiales d’origine anthropique aujourd’hui, 6,5 % dans 15 ans et même 8 % si les autres secteurs parviennent à réduire de 25 % leurs émissions. »
Si l’on veut éviter une telle évolution, que faire ?
Plusieurs associations proposent de faire payer le vrai prix de l’avion, tout en développant une alternative ferroviaire, de jour comme de nuit. Mais au sujet des trains de nuit, la Fnaut estime que l’association Oui au Train de Nuit en surestime leur rôle. En effet, un tel train transporte moins de 500 voyageurs, une fois par nuit sur chaque relation, voire moins suivant la destination, la saison ou le jour de la semaine, rappelle la Fnaut, citant les ÖBB, exploitants de l’offre Nightjet : « le train de nuit est un marché de niche, pas de masse ».
Pour la Fnaut, le TGV est l’outil le plus efficace pour capter du trafic aérien. Pour autant, faut-il interdire les vols courts qui pourraient être effectués en train ? C’est « une fausse bonne idée », selon Jacques Pavaux : « cette politique dirigiste ne permettrait pas d’éviter les abus de position dominante de la SNCF », tout en pouvant être contournée par des correspondances entre vols internationaux, à Francfort, par exemple…
Au-delà de l’opposition entre train de nuit et TGV comme alternative à l’avion, la Fnaut propose de prendre le meilleur des deux pour développer le TGV de nuit, solution déjà mise en œuvre en Chine. En Europe, « des relations à longue distance traversant la France seraient envisageables entre métropoles européennes, par exemple Londres – Milan – Rome, Francfort – Lyon – Barcelone, Bruxelles – Paris – Madrid… », selon la Fnaut. Souhaitant une relance des trains de nuit, cette dernière a enfin lancé un questionnaire afin de mieux connaître les besoins des voyageurs et de pouvoir faire des propositions « réalistes ». Parallèlement, l’association d’usagers a envoyé une lettre aux voyagistes, les « remerciant de bien vouloir proposer à [leurs] clients l’alternative d’un déplacement en train chaque fois que c’est possible, en particulier vers l’Italie du Nord, la Suisse, l’Autriche, l’Allemagne et le Benelux ».
P. L.