Ségolène Royal veut acheter ses TER sans la SNCF
L?appel d?offres portera sur l?achat de 10 à 30 rames de TER pour répondre aux besoins de matériel roulant sur la période 2012-2030 Entre un bail commercial anodin et le marché d’aménagement de la salle des profs d’un lycée, une délibération majeure de la région Poitou-Charentes a failli passer inaperçue. « Commande directe de matériel roulant ferroviaire », est-il inscrit au titre VIII du relevé de décisions de la réunion de la commission permanente du conseil régional du 27 novembre 2009. Derrière ce vocable, une petite révolution : la région présidée par Ségolène Royal se prépare à lancer un appel d’offres pour acheter de 10 à 30 rames de TER pour répondre à ses besoins de matériel roulant sur la période 2012-2030. Et cela, en se passant des services de la SNCF, ce qui serait une grande première. Jusqu’à aujourd’hui, bien que les régions soient devenues autorités organisatrices des TER, c’est toujours la SNCF qui a fait l’intermédiaire et passe commande pour l’acquisition des nouveaux trains. Cette année, la SNCF a instruit deux commandes cadre régionales, le PP (Regiolis), attribué à Alstom, et le PHD, en voie d’attribution à Bombardier. Ségolène Royal envisage aujourd’hui une troisième voie : acheter ses trains toute seule. D’après un juriste, bien que jamais encore expérimentée par les régions, la commande en direct de trains ne serait pas interdite par la Loti ni par la loi SRU, ni même par le code des marchés publics. « Les AOT urbaines passent bien leurs commandes en direct, on ne voit pas bien en vertu de quoi ce même droit serait refusé aux régions », commente le même juriste. Mais, au fait, pourquoi passer une commande en direct et se passer de la SNCF et de sa parfaite connaissance de l’instruction de ce type de marchés ? Interrogée, la région ne nous a pas répondu. Mais d’après nos informations il s’agirait, d’une part, de pouvoir disposer de rames dans un délai plus court (2012 contre 2015 pour les premières rames en option du Regiolis) et, d’autre part, de se procurer des trains « sur étagère » dont la plupart des frais fixes sont déjà amortis. Egalement, il s’agirait de faire des économies sur certains frais liés à l’intervention de la SNCF : la fourniture d’équipements et de frais d’ingénierie dont le montant avoisinerait les 400 000 euros par rame. Evidemment, la région Poitou-Charentes se trouvera obligée de se doter de moyens humains pour instruire la passation de l’appel d’offres et de la commande, dont la responsabilité technique lui incombera. Bien qu’informée, la SNCF fait aujourd’hui mine d’ignorer la démarche de la région frondeuse. Même si l’affaire semble jouable d’un point de vue juridique, elle ne pourra se concrétiser sans l’aval, même tacite, de la SNCF. Car aucun des constructeurs ferroviaires français ne prendra le risque de se fâcher avec son plus grand client pour quelques rames de plus. Au-delà du cas de Poitou-Charentes, c’est une question majeure qui est posée ici : peut-on empêcher une région d’acheter ses TER toute seule ? Et si oui, pour combien de temps encore ? De nombreuses régions vont suivre cette affaire avec beaucoup d’intérêt. Et l’on attend, pourquoi pas, un avis sur ce sujet du ministre de tutelle de la SNCF, Dominique Bussereau. Le principal adversaire de Ségolène Royal en Poitou-Charentes.
Guillaume LEBORGNE
Publié le 10/12/2024 - Marie-hélène Poingt