Short-lines d'Amérique du Nord
Coup d’œil en Amérique du Nord, où les short-lines permettent de rassembler les wagons et de massifier les flux Il y a d’abord eu un constat : le fret ferroviaire local n’intéresse pas les chercheurs en France. D’où la volonté, début 2006, de lancer un projet de recherche sur le sujet, associant le Predit et l’Ademe. Le projet européen, baptisé Shortlines, est désormais achevé. Il a donné lieu à la publication d’un ouvrage, Quel fret ferroviaire local, coordonné par Lætitia Dablanc, chercheuse à l’Inrets, et publié par la Documentation française. Cet ouvrage s’intéresse notamment aux short-lines apparues en Amérique du Nord, qui permettent de rassembler les wagons et de massifier les flux.
Aux Etats-Unis, les short-lines ont une longue existence. On en comptait près de 1 000 en 1916 mais, avec le temps, leur nombre s’est considérablement restreint : elles n’étaient plus que 240 en 1970. La politique de libéralisation mise en œuvre dans les années 80 leur a donné une nouvelle vigueur. En particulier la législation comme le « Staggers Rail Act » a conduit à simplifier la gestion du réseau ferré et a favorisé l’apparition d’opérateurs privés gérant des lignes courtes distances. Une vague de concentrations a également eu lieu, faisant passer les grandes compagnies ferroviaires – également dénommées les Class 1 – de 56 à 6. Parallèlement, des compagnies régionales se sont développées. En dix ans, 230 short-lines ont vu le jour. Actuellement, elles sont plus de 550. « Aujourd’hui, un quart des wagons transportés par les Class 1 aux Etats-Unis ont été apportés ou récupérés par une entreprise short-lines, cette proportion étant en croissance », notent les auteurs du livre. Ils précisent que les Class 2 et 3 représentent 30 % du kilométrage des voies ferroviaires. Leur chiffre d’affaires est passé de 1,49 milliard de dollars en 2002 à 1,63 milliard en 2004, soit une augmentation de 9,1 %. « Les short-lines sont majoritairement détenues par des entreprises ferroviaires privées indépendantes, un petit nombre de chargeurs, des entités publiques ou des compagnies de Class 1 », écrivent-ils. Les chercheurs évoquent également une étude du département du Kansas, réalisée en 2005, qui montre que l’abandon de lignes courtes distances dans les milieux ruraux a pour conséquence une hausse du prix du grain pour les agriculteurs, du fait de l’augmentation du coût des transports. De ce fait, certains Etats aident financièrement au développement des services ferroviaires régionaux, notamment via des aides aux infrastructures. Le Canada a également vu un développement des short-lines, poussé par la restructuration du réseau ferré dans les années 1990. « Entre 1996 et 1999, Canadian National Railway (CN) et Canadian Pacific Railway (CP), compagnies de Class 1, ont transféré plus de 8 500 km de voies à des entreprises ferroviaires dites short-lines ou CFIL (chemin de fer d’intérêt local) », rappellent les auteurs de l’ouvrage. « Ces lignes, identifiées comme déficitaires dans le cadre de l’exploitation par les compagnies de Class 1, sont alors exploitées par les short-lines avec une rentabilité liée à une structure différente : peu d’employés par compagnie, exécutant une grande variété de tâches, “ententes” de travail moins contraignantes que celles des chemins de fer de catégorie 1, épargne sur les coûts d’équipement (locomotives moins récentes), investissement limité et frais de structures (locaux, publicité…) plus bas. » Mais il y a un revers à la médaille. Si les short-lines rentabilisent les lignes jusqu’alors déficitaires, leurs marges sont très faibles. D’où des investissements limités dans les infrastructures et le matériel. « La dépendance aux subventions publiques pour l’entretien et l’aménagement des infrastructures peut constituer une tentation et, pour certaines compagnies (notamment au Canada), fait partie intégrante du système », peut-on lire dans l’ouvrage. « Le fait que les short-lines soient un élément direct de stratégie des Class 1 peut également constituer un élément de fragilité supplémentaire pour ces opérateurs de courte distance, qui sont finalement dépendants des trafics fournis par les Class 1 et de la mise à disposition des wagons. »
Marie-Hélène POINGT
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