SNCF : ne pas se tromper de « donnant-donnant » !
Par Yves Crozet, Professeur à l’Université de Lyon (IEP)
Laboratoire Aménagement Economie Transports
Un vent nouveau souffle sur la politique des transports. Les plus hautes autorités de l’Etat ont cessé de promettre des infrastructures pour lesquelles les financements n’existent pas. Les projets ne sont pas tous abandonnés, mais l’extension des réseaux n’est plus la priorité. Pour donner corps à l’acronyme anglais Maas (mobility as a service), l’accent est mis sur les services et les nouvelles mobilités. Les Assises de la mobilité devraient concrétiser cette nouvelle donne qui touche aussi l’exploitation ferroviaire avec l’ouverture à la concurrence pour le transport de voyageurs. Dans ce nouveau paysage, que faire avec la SNCF ? La ministre des Transports, Elisabeth Borne, a évoqué un « donnant-donnant ». Quel contenu recèle cette formule ? Pour répondre à cette question, nous commencerons par rappeler la situation délicate dans laquelle se trouvent aujourd’hui le ferroviaire et les trois Epic de la SNCF. Dans ce contexte, il est préférable de s’orienter vers un donnant-donnant de longue durée et « à bas bruit » plutôt que de faire de la dette ferroviaire la base d’un grand marchandage qui profiterait plus à quelques intérêts particuliers qu’à l’intérêt général.
L’hiver ferroviaire
Le transport ferroviaire est en France un des plus importants d’Europe. Avec le développement de la grande vitesse ferroviaire, il a même longtemps fait figure de modèle. Mais ce temps-là est révolu. Quelques chiffres montrent que nous sommes entrés dans un long hiver ferroviaire. Les données récemment publiées par la commission des comptes transport de la nation sont éloquentes.
– Les trafics poursuivent leur régression pour le fret (en tonnes-kilomètres, -20 % de 2008 à 2016 après -30 % de 2000 à 2008 !).
– Fait moins connu, il en va de même pour les passagers. Le trafic ferroviaire longue distance (60,2 milliards de passagers-km) est en 2016 inférieur de 3,6 % à celui de 2008 (62,5 milliards). La crise n’explique pas tout puisque dans le même temps le nombre de passagers dans les aéroports de métropole a progressé de 19 %. Pour la longue distance en autocars et autobus la progression en huit ans atteint 31 % (60,8 milliards de Pkm(1), plus que le ferroviaire…).
– Les TER aussi sont à la peine. Après avoir atteint un maximum en 2012 (14,2 milliards de Pkm), les trafics ont plafonné (13,2 milliards en 2016) principalement du fait de la réduction de l’offre. Face au coût croissant du train-km (+33 % de 2004 à 2011, trois fois plus que l’inflation…), les régions ont transféré sur des autocars les services les moins fréquentés.
– Les seules progressions notables du trafic ferroviaire se trouvent en région parisienne, +21 % pour les trains et RER (19,6 milliards de Pkm en 2016).
Ainsi que l’avait déjà indiqué en 2013 la Commission Mobilité 21, nous sommes devant une nouvelle donne qui sonne le glas des espoirs placés dans le ferroviaire par le Grenelle de l’environnement. Si les nouvelles LGV sont problématiques, ce n’est pas seulement par manque de financements innovants comme l’ont laissé entendre les maires de Bordeaux et Toulouse. C’est, comme l’a indiqué la Cour des comptes dès 2014 parce qu’il faut s’interroger sur le niveau de subventions que cela requiert. Ainsi, la LGV Tours – Bordeaux a nécessité quatre milliards d’argent public, soit, selon les hypothèses de trafic, trois à quatre euros de subvention par jour et par passager pendant 50 ans ! Pour le segment Bordeaux – Toulouse, il faudrait multiplier ce chiffre par dix. Il n’est pas raisonnable de subventionner ainsi une mobilité qui profite essentiellement aux CSP+ alors même que les trafics sont décevants. L’ouverture de la LGV Rhin – Rhône en 2011 a eu un impact très faible sur les trafics.
Les limites de la grande vitesse ferroviaire s’observent d’ailleurs à l’échelle européenne.
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