Traxx à la chaîne...
La SNCF vient de commander 35 locomotives Traxx ferme à Bombardier et 45 en option. Zoom sur une famille en forme Avec 60 % des parts de marché en Europe, le constructeur Bombardier s’affiche désormais, sans conteste, comme le grand leader sur le secteur des locomotives. Son produit phare reste bien sûr la Traxx, qui se décline désormais en version diesel comme en version électrique. C’est au départ une famille de locomotives « sur étagère », qui peuvent néanmoins être personnalisées selon les cahiers des charges des acheteurs, et dont la force première réside dans l’aptitude à se jouer des différences techniques d’un réseau à l’autre, notamment en matière d’électrification et de signalisation. Pour Janis Vitins, directeur marketing produit chez Bombardier, la famille Traxx est tout à fait comparable, dans sa constitution, à la plateforme A 320 de l’avionneur Airbus, avec ses dérivés A 318, A 319 et A 321. On y retrouve le principe d’un très haut degré de modularité, combiné avec un grand nombre d’organes communs. Ainsi, diesel et électrique partagent la même caisse, les mêmes bogies ou encore les mêmes réducteurs. « Entre 60 et 70 % de leurs pièces de rechange sont identiques, ce qui, pour un nouvel opérateur, rend la gestion d’un parc mixte particulièrement avantageuse », souligne Janis Vitins. L’an dernier, Bombardier a vendu 200 Traxx. Cette année, avant même l’ouverture d’Innotrans, 135 unités avaient déjà trouvé acquéreur…
La Traxx est une locomotive hautement standardisée, bien qu’elle puisse pourtant, selon ses équipements, circuler dans une quinzaine de pays différents, et bien sûr sous les grands quatre modes d’électrification européens. A l’absence de robots près, sa construction « à la chaîne » s’apparente à celle d’une automobile. Tous les sous-ensembles sont préassemblés aux seules fins d’optimiser la qualité, et le montage progresse ainsi extrêmement rapidement. En dix à douze jours, une Traxx peut être ainsi terminée. Du coup, Bombardier se paie même le luxe de produire des locomotives supplémentaires « juste pour faire du stock », autrement dit sans en avoir encore reçu la commande préalable : du « jamais vu » dans l’industrie ferroviaire, surtout sur ce créneau d’engins moteurs haut de gamme ! « On peut ainsi livrer à un client une Traxx standard en quatre semaines, pour autant qu’il nous indique simplement la couleur de la peinture et le numéro à coller dessus ! », s’amuse le directeur marketing produit de Bombardier. Sinon, le temps d’attente moyen est d’environ six mois, ce qui reste tout de même fort peu. A cet égard, le facteur dimensionnant demeure toujours les systèmes de signalisation, que le constructeur doit commander à l’avance, et qui peuvent requérir parfois des délais de livraison de huit à neuf mois… La fabrication de la Traxx a été concentrée sur deux sites : Kassel, en Allemagne, qui reste l’usine la plus importante, et Vadoligore, en Italie, où la capacité doit passer de 60 à 120 engins par an. Le constructeur peut, sans difficulté aucune, produire annuellement 200 à 250 locomotives avec une marge de manœuvre considérable, puisque l’usine de Kassel ne tourne encore journellement qu’avec une seule équipe…
Concernant la France, Janis Vitins, qui se déclare ouvert à toute solution de partenariat, imaginerait volontiers une percée prochaine de la Traxx selon en scénario idéal en trois étapes : d’abord la livraison de machines, puis la maintenance desdites machines avec le constructeur, et ensuite l’éventuelle mise en place de sous-traitances locales pour prendre part à leur fabrication.
Visitant le stand Bombardier d’Innotrans en sa compagnie, Jean-Paul Bachy, le président de la région Champagne-Ardenne, a néanmoins suggéré que la maintenance de futures Traxx françaises se fasse plutôt aux ateliers d’Epernay (Marne), craignant que les constructeurs ne reprennent en dix ans tout le travail actuellement effectué dans les établissements de la société nationale…
La Traxx est une locomotive de toute évidence bien conçue, d’une construction simple, et qui doit donc être relativement facile à entretenir. Dans sa configuration d’interopérabilité la plus élaborée, elle peut circuler dans cinq pays différents, mais le meilleur compromis semble bien être une limitation à trois pays, ce qui correspond aux besoins de la plupart des opérateurs, et évite de devoir gérer une trop grande complexité. Pour sa Traxx, Bombardier n’a pas fait le choix du pupitre central, ses clients préférant, de loin, la solution traditionnelle avec pupitre auxiliaire pour les manœuvres, sur le côté opposé. Cette solution permet d’aménager une place confortable pour un deuxième agent (aide-conducteur, formateur, etc.). Et l’on conserve, de la sorte, les deux classiques vitres frontales, plutôt que d’en avoir une seule de grande dimension dont le coût de remplacement peut s’avérer significativement plus élevé… Enfin, une Traxx électrique et une Traxx diesel peuvent fonctionner en unité multiple avec un seul conducteur sur la machine « menante », le moteur diesel d’une machine en position « menée » pouvant même être lancé à distance depuis la cabine de la machine électrique ! C’est sans nul doute une « première » dans le domaine des locomotives…
Philippe HÉRISSÉ
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