Bordeaux, Rennes : terminus pour la grande vitesse
03 Juil 2017
Bretagne , Nouvelle-Aquitaine , Pays de la Loire , Eiffage , Ministère des Transports , SNCF , Vinci , Grande vitesse , LGV Bretagne Pays de la Loire , LGV Sud Europe Atlantique
© FD - Photorail
Assises de la mobilité en septembre, loi d’orientation des mobilités au premier semestre 2018. En attendant, c’est la pause : l’Etat ne lancera pas de grand projet tant que la loi ne sera pas adoptée, loi qui offrira une programmation précise, année par année. Un conseil d’orientation des infrastructures de transport réunissant toutes les parties prenantes surveillera la mise en place de cette programmation auprès de la ministre des Transports. Mais déjà, dès le 17 juillet, sera lancée la conférence nationale des territoires, où le sujet des mobilités sera abordé. Emmanuel Macron a annoncé le programme, à Rennes, le 1er juillet, en inaugurant en fin d’après-midi la LGV Bretagne, à la veille de l’ouverture des deux nouvelles lignes, pour Rennes d’un côté, Bordeaux de l’autre.
Rien ne sera donc décidé des investissements à venir avant la loi. Mais on sait dans quel état d’esprit Elisabeth Borne, chargée de piloter ce chantier, va devoir travailler. On ne peut pas tout faire. Financièrement, l’audit de la Cour des comptes vient de tomber à point nommé pour le rappeler. Et, surtout, la grande priorité, c’est la rénovation des réseaux de transports : ferroviaires, routiers, fluviaux. Il va falloir, comme l’a dit le président de la République, renoncer au « plaisir coupable des inaugurations ». Plaisir auquel il s’est livré doublement samedi dernier, d’une part en célébrant la dernière réalisation, de l’autre en expliquant que désormais on allait faire autrement.
On ne peut être surpris du tournant. Le président de la République a reconnu qu’il n’avait pas pris part aux deux nouvelles LGV. On ajoutera qu’il n’est pas l’auteur du grand tournant. On ne va pas retracer une nouvelle fois l’histoire, mais dans le ferroviaire, l’inflexion du discours officiel a déjà 20 ans. Les premiers signes remontent à la création de RFF et au constat que fait son premier président, Claude Martinand : le réseau que la SNCF vient de remettre au gestionnaire d’infrastructure n’est pas, mais, pas du tout, en bon état. S’en sont suivis les rapports Rivier sur l’état du réseau, le plan Perben, ou le rapport de Philippe Duron, auquel Emmanuel Macron a rendu hommage ce 2 juillet.
Les politiques publiques ne se manœuvrent pas comme un vélo et, tandis que la nouvelle politique se cherchait, en même temps, l’ancienne se poursuivait : projet de Snit, Grenelle de l’environnement et « listes au Père Noël » que dénonçait alors le député Hervé Mariton. Le grand tournant d’aujourd’hui a déjà failli avoir eu lieu. C’était en 2011, au moment des Assises du ferroviaire, quand Nathalie Kosciusko-Morizet a fait passer le message : une fois réalisés les quatre LGV qu’on vient de lancer, on arrête.
Le constat était là, quasiment dans les mêmes termes. Mais le pouvoir se préparait alors aux élections de 2012, et NKM a dû faire machine arrière. Emmanuel Macron vient de sortir grand vainqueur des scrutins. Il a une autoroute (ou une LGV) devant lui, et cela change tout. Et puis, les analyses ont mûri, se sont affinées, Emmanuel Macron s’est entouré d’une ministre des Transports, experte de ces dossiers et d’un ministre d’Etat, qui, au nom justement de l’Ecologie et de la Solidarité, se méfie des grands travaux. Et, donc, pas de couac. Elisabeth Borne, Nicolas Hulot le matin à Bordeaux, Emmanuel Macron l’après-midi ont dit la même chose. Chacun dans son rôle, chacun à sa façon. Elisabeth Borne, a souligné que le TGV devait avant tout rester un « transport populaire accessible au plus grand nombre », et invité à « une nouvelle architecture de toutes les mobilités, connectées entre elles ». On n’a pas été surpris d’entendre Nicolas Hulot s’exprimer par paraboles. Un Indien de Colombie qu’il recevait s’étonnait de notre coutume de creuser des tunnels sous les montagnes : « Pourquoi faire ainsi ? – Pour aller plus vite ! – Plus vite, mais pourquoi ? – Pour aller plus loin ! – Mais pourquoi aller plus loin ? » Nicolas Hulot s’inquiète d’une accélération du temps qui s’accompagne d’une « accélération des fractures sociales », veut « reprendre la main sur le temps », ou « redonner du sens au progrès ».
Quant à Emmanuel Macron, il conclut : « Le rêve des cinq prochaines années ne doit pas être un projet comme celui-ci. » Il faut penser à « la mobilité qui fait le quotidien de nos concitoyens ». Et donc « s’engager à ne pas relancer de grands projets nouveaux, mais financer tous les renouvellements d’infrastructure ». Quant à la SNCF, elle doit devenir ce « champion de la mobilité du XXIe siècle » Ce qui passe par un changement des métiers : « Ceux qui contrôlent aujourd’hui ne contrôleront plus, ceux qui sont au guichet ne seront plus au guichet. »
Les objectifs fixés à la SNCF lui vont d’autant mieux que ce sont ceux de Guillaume Pepy. Trains du quotidien, nouvelles mobilités, la doctrine est mûre, en grande partie élaborée d’ailleurs au sein de la SNCF ou par un proche comme David Azéma, portée aussi par Gilles Savary, qui ont joué l’un et l’autre joué un rôle dans l’élaboration du programme du candidat Macron.
L’essentiel, c’est que, cette fois, tout le monde est en phase. On n’imagine pas que l’on se lance en dépit de la règle d’or dans une LGV Poitiers – Limoges. Jusqu’où va aller l’aggiornamento ? Emmanuel Macron dans son discours s’est moqué de certains projets d’aéroports. Visait-il Notre-Dame-des-Landes ? La formule était assez ambiguë pour qu’on se pose la question… et pour qu’on puisse soutenir qu’elle n’avait pas été abordée. Interrogé sur Lyon – Turin, Nicolas Hulot s’est refusé à toute réponse tant qu’un examen complet n’a pas eu lieu. Mais il n’a pas brandi le classique argument ; le projet fait l’objet d’un traité européen, qui permet d’évacuer les interrogations. On l’a compris : plus aucun projet n’est tabou.
F. D.
L'accès à la totalité de l'article ( 926 mots) est réservé aux abonnés, aux utilisateurs d’un porte-monnaie ou aux acheteurs de l’article à l’unité.
Vous avez déjà un compte ?
Connectez-vous
S’abonner à
Ville, Rail & Transports
ou
Acheter à la carte
Porte-monnaie électronique
à partir de 20 €