L’image du train après le déraillement, avec ses 12 voitures dispersées ou en équilibre précaire sur le pont au-dessus de l’autoroute Interstate 5 à DuPont (Etat de Washington), a fait le tour du monde dès le matin du 18 décembre (heure du Pacifique). Et le bilan est tragique, avec au moins trois morts (chiffre provisoire) et une centaine de blessés, tant parmi les 77 voyageurs et 7 agents à bord du train Amtrak Cascades 501 que parmi les automobilistes. Reliant les villes côtières du nord-ouest des Etats-Unis à Vancouver (Colombie-Britannique, Canada), les trains Cascades sont exploités par Amtrak pour le compte des départements des Transports de l’Etat de Washington (WSDOT) et de l’Oregon (ODOT) avec sept rames Talgo articulées et pendulaires (celle de du déraillement était encadrée par une locomotive diesel GE Genesis, restée sur la voie, et une toute nouvelle Siemens SC-44 Charger, qui a déraillé).
Trois heures après la catastrophe, Donald Trump twittait que cette dernière montrait « plus que jamais pourquoi notre plan d’infrastructure qui sera bientôt examiné doit être vite adopté ». Mais, comble de l’ironie, l’infrastructure n’avait ici rien de vétuste. Bien au contraire : le 501, qui était parti à 6h00 de Seattle pour Portland (Oregon), était le tout premier train à emprunter en service régulier le tronçon dénommé Point Defiance Bypass. Il s’agit d’un raccourci de 23 km récemment amélioré pour faire gagner 10 minutes aux trains de voyageurs au sud de la ville de Tacoma (Etat de Washington, 60 km au sud de Seattle) par rapport à l’itinéraire le long de la côte du Puget Sound via le tunnel du Point Defiance, partagé avec les trains de fret. Racheté par Sound Transit, l’autorité organisatrice des transports publics de la région de Seattle, à la compagnie de fret BNSF, qui ne s’en servait plus qu’à de rares occasions, le bypass avait été autorisé à la circulation de trains de voyageurs « après des semaines d’inspections et d’essais » selon le WSDOT, responsable de sa modernisation (avec financement fédéral, la facture s’élevant à 181 millions de dollars, soit 153 millions d’euros).
Sans anticiper des résultats de l’enquête du National Transportation Safety Board (NTSB), la survitesse figure au premier rang des suspects. En effet, si le Point Defiance Bypass est globalement autorisé à 79 mph (127 km/h), certains points singuliers imposent des ralentissements, comme la courbe menant au pont sur l’Interstate 5, limitée à 30 mph (48 km/h). Or l’application donnant la position des trains Amtrak indique que le 501 roulait à 81 mph (130 km/h), alors qu’il se trouvait à environ 400 m du point de déraillement. Ce que confirme un enregistrement dans la machine de queue (80 mph, soit près de 129 km/h). Reste à voir pourquoi le train n’a pas ralenti à temps, la limite à 30 mph étant annoncé 2 miles (3,2 km) en amont par des signaux latéraux. Le train n’était pas équipé du contrôle de vitesse américain par géolocalisation, dénommé Positive Train Control (PTC).
En attendant le départ des enquêteurs du NTSB (qui ont prévu de rester sur place entre une semaine et dizaine de jours) et la remise en état du Point Defiance Bypass, les trains sont détournés par l’ancien itinéraire côtier, entraînant la réouverture de la gare Amtrak de Tacoma, la ligne nouvelle desservant la gare Sound Transit de Tacoma Dome.
Publié le 28/11/2024 - Philippe-Enrico ATTAL
Publié le 27/11/2024 - Hervé Deiss