DeinBus, le cauchemar de la DB
L’opérateur historique voit d’un très mauvais œil le succès grandissant de cette plateforme qui permet aux internautes de se regrouper pour affréter un bus et se déplacer ainsi à prix cassé. Une plainte est en cours d’instruction pour concurrence illégale. Gare centrale de Cologne, un vendredi soir. Alors que des usagers de la Bahn grelottent sur les quais dans l’attente d’un train de la DB annoncé en retard, d’autres se dirigent vers la sortie sud, direction la gare routière. Un autocar pas comme les autres les y attend : DeinBus, littéralement « ton bus », est un système de covoiturage d’un genre nouveau. Il permet aux voyageurs de se regrouper sur Internet afin d’affréter un autocar.
« Cela fonctionne sur le principe que les communautés d’achats », détaille Christian Janisch, l’un des cofondateurs de DeinBus. « Les usagers se rassemblent pour faire baisser les prix. »
Si un nombre suffisant d’internautes manifestent leur intérêt pour un trajet entre deux villes et à une date donnée, le voyage s’organise. Selon la destination et le prix réclamé par l’autocariste, un minimum de 10 à 20 passagers est requis.
Un procédé simple et « gagnant-gagnant » : pour DeinBus, c’est la garantie que chaque trajet est rentable. Quant aux usagers, ils ont l’assurance de se déplacer à prix cassés. De 5 à 15 euros par exemple pour effectuer les 200 km séparant Cologne de Francfort. Avec la Bahn, le même trajet coûte entre 19 et 64 euros. « Même avec une carte de réduction de la DB, DeinBus reste de 30 à 50 % moins cher », calcule un habitué.
Résultat, aujourd’hui, six à dix cars affrétés chaque semaine. Un succès grandissant, stimulé par le bouche-à-oreille ou Facebook. Et qui n’en finit plus d’inquiéter la Deutsche Bahn. L’opérateur historique a même déposé une plainte pour concurrence illégale. Motif invoqué : DeinBus enfreindrait la loi sur le transport des passagers. Voté en 1934, ce texte garantit au rail un monopole de fait sur les longues distances. Les autocars ne sont admis qu’à titre exceptionnel et sur des liaisons qui ne sont pas desservies par la Bahn.
Une accusation que les trois étudiants fondateurs récusent. Car leur compagnie a bien reçu une licence les autorisant à circuler de façon « ponctuelle et irrégulière ». « C’est exactement ce que nous proposons : des trajets collectifs, organisés au coup par coup. Cela n’a rien d’illégal », affirme Christian Janisch. « Notre projet a d’ailleurs reçu l’aval des autorités compétentes. »
Seulement voilà : la popularité du site Internet est aujourd’hui telle que certaines liaisons s’effectuent désormais sur un rythme hebdomadaire. C’est le cas de la ligne Cologne – Francfort, avec un aller-retour chaque week-end. « De notre point de vue, il s’agit là d’une compagnie de ligne non déclarée », affirme l’opérateur historique. Faux, réplique l’avocat de la start-up : « Une compagnie de ligne prend la route quel que soit son taux de remplissage. Ce n’est pas le cas de DeinBus qui roule uniquement quand le nombre requis de passagers est atteint. »
Deux visions qui s’affrontent : c’est désormais à la justice de trancher. Attendu fin janvier, le verdict du tribunal de Francfort a finalement été reporté à une date ultérieure. En attendant, DeinBus continue sa route. Ses fondateurs ont même reçu 7 000 euros de dons de la part des usagers, afin de financer un éventuel procès en appel.
L’affaire est en tout cas suivie de près par le secteur, alors que la coalition gouvernementale dirigée par Angela Merkel doit libéraliser le transport par car longue distance d’ici la fin de l’année. « Même si nous perdons cette fois-ci, nous reviendrons sous une autre forme. Nous sommes d’ailleurs à la recherche de partenaires, pourquoi pas une compagnie française qui voudrait se lancer sur ce créneau ? », lance Christian Janisch. « Le secteur est à la croisée des chemins et nous ne manquons pas d’idées ».