Avec Utilisacteur, l’usager devient le propre acteur de sa mobilité et réinvente la multimodalité
On n’est jamais mieux servi que par soi-même. C’est en substance le message que délivre l’application de mobilité lancée début janvier par la start-up Utilisacteur, qui fait de l’usager le propre acteur de sa mobilité, mais aussi de celle des autres. Il ne s’agit pas cette fois d’une énième application sur les transports à partir de données parfois aléatoires, puisque celle développée par Utilisacteur se base sur les informations délivrées par les utilisateurs eux-mêmes. On accuse souvent ce type d’applications d’être cloisonné à un seul mode de transport. Utilisacteur fait au contraire de la multimodalité son cheval de bataille, s’adressant ainsi autant aux automobilistes qu’aux usagers des transports en commun, pour faire se croiser ces utilisateurs aux habitudes en apparence si différentes, mais en réalité complémentaires.
La réflexion de la start-up se base sur l’idée que l’usager est avant tout le propre acteur de sa mobilité mais aussi de celle des autres : si tout le monde partageait des informations sur sa place de stationnement, sur les difficultés rencontrées dans le réseau de bus, sur les stations de vélo en libre-service, cela créerait un véritable flux d’informations en temps réel sur les transports et soufflerait au passage sur les opérateurs de transport, qui sont de leur côté plus réticents à dévoiler leurs données. « Le réseau peut avoir de l’information mais mal la communiquer aux usagers, et les usagers peuvent avoir des informations, peut-être même avant les acteurs transports, et les fournir plus vite à travers les réseaux sociaux », résume Christophe Tallec, l’un des fondateurs d’Utilisacteur. De la mobilité participative en somme, pour résoudre ce que l’entrepreneur appelle des « asymétries d’informations » dans les différents réseaux de transport. Ce service de mobilité globale est divisé en plusieurs offres aussi différentes que complémentaires, de l’info-stationnement à l’info-transports en commun, en passant par le covoiturage.
Partager le temps de stationnement pour désengorger la ville
Il n’y a pas plus d’inconnues que dans le domaine du stationnement des véhicules personnels. Lorsqu’on cherche une place de stationnement en surface, rien ni personne ne peuvent vous aider aujourd’hui (si ce n’est les premiers systèmes de capteurs au sol expérimentés aujourd’hui par Lyberta et SmartGrains), l’usager étant le seul à savoir quand il va libérer sa place de parking. Or, avec la première offre « Infostationnement » d’Utilisacteur, ce temps pourra être échangé avec la communauté d’usagers en recherche de stationnement. En anticipant cette donnée et en la délivrant dans le système, les autres automobilistes pourront savoir quel emplacement sera libéré et dans quelle plage horaire. Le cas échéant, ils pourront réserver leur place (en entrant dans l’application, la géolocalisation se fait automatiquement), qui disparaîtra du système et ne sera plus disponible pour les autres usagers, afin d’optimiser la gestion de l’offre et la demande. Il est utile de rappeler qu’environ un tiers de la congestion des grandes villes est dû à la recherche de stationnement. En optimisant cette recherche, on diminue d’autant les embouteillages et la pollution atmosphérique.
Mais le déploiement de cette offre, aussi philanthropique qu’elle soit, dépend beaucoup du bon vouloir des utilisateurs. Pour cela, Utilisacteur a notamment réfléchi à un modèle de partenariat où les usagers les plus actifs seraient récompensés par de « bons points » qui seront par exemple échangeables contre des places de cinéma ou des bons d’achats.
Corrélée à cette offre, on trouvera également très prochainement l’offre de covoiturage d’Utilisacteur, qui donnera aux usagers qui viennent de rater leur dernier train ou qui font face à des blocages sur leur ligne de métro la possibilité de trouver une voiture qui passe à proximité et qui dispose de places de covoiturage. En somme, du covoiturage 2.0 qui n’oblige pas les utilisateurs à réserver leur place longtemps à l’avance, mais qui se fait au contraire en temps réel.
Twitter, le nouvel opérateur de données de transport par les utilisateurs
Le réseau de microblogging Twitter est un atout considérable pour Utilisacteur, qui en a fait son outil phare pour développer cette troisième offre « Infotransports » pour l’information sur les transports en commun. « Le service est connecté à Twitter et agrège donc un ensemble d’informations suivant la ville ou le pays où l’on se trouve. » En clair, n’importe quel usager du métro, du bus, des vélos en libre-service peut lui-même fournir des informations utiles à la communauté. C’est déjà le cas des applications CheckMyMetro ou MétroEclaireur, qui permettent de partager l’état du trafic en temps réel ou les incidents survenus sur les réseaux, offrant ainsi aux autres la possibilité de réorienter leur trajet en fonction de ces données, contribuant ainsi à une « cocréation en temps réel du réseau », souligne Christophe Tallec.
Dans le cas d’Utilisacteur, Twitter est utilisé pour donner accès à « une arborescence des hashtags les plus utilisés en fonction des villes où l’on se trouve ». Ainsi, si je désire emprunter la ligne 2 du métro et un vélo en libre-service, je peux suivre ces fils en temps réel pour anticiper les incidents, les retards… et fournir à mon tour les mises à jour de ces informations en direct.
Affiner les parcours des différents usagers
Mais Utilisacteur ne s’arrête pas aux quais des métros et des arrêts de bus. L’idée est d’explorer comment l’information des usagers peut aller au-delà de la simple navigation et « peut être une information qualitative pour explorer les points d’ergonomie différents », expose Christophe Tallec. Les parents avec poussette développent par exemple des parcours et des stratégies en fonction des contraintes du réseau (ascenseurs d’accès aisé, escalators souvent en panne…). Ces parcours connus des seuls parents représentent pourtant une opportunité pour la communauté de créer des cartes d’informations et de bonnes pratiques. Les transporteurs ont eux aussi tout intérêt à avoir accès à ces informations précieuses pour voir émerger ces problèmes de parcours en fonction des différents profils d’utilisateurs, et d’y pallier.
Avec les nombreuses discussions qui s’ouvrent aujourd’hui dans des villes comme Rennes ou Paris sur l’ouverture des données publiques, Utilisacteur démontre que les usagers sont de précieux vecteurs d’information pour les transporteurs, qui sont eux plus frileux à dévoiler leurs données : « Il y a des problèmes de collaboration sur cette idée même de multimodalité, dans les situations de compétitions de marché qu’on connaît aujourd’hui : chez ces acteurs, la multimodalité a tendance à se traiter en silo. On attend aujourd’hui des actions politiques et du financement pour créer des zones neutres entre ces acteurs », résume Christophe Tallec. Des zones où les applications comme celle d’Utilisacteur auraient toute leur place.
En étude de faisabilité
La jeune start-up, qui a reçu un coup de pouce d’Oseo pour son développement, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin et réfléchit déjà à la façon d’envisager le paiement dynamique à travers son application, en collaboration avec les villes. Utilisacteur fourmille d’idées pour favoriser la multimodalité : « Au fur et à mesure, on greffera plusieurs services à l’application, du style de l’information sur l’état des routes, les accidents de la circulation… », ambitionne Christophe Tallec, qui estime qu’on « va aller vers des parcours de plus en plus naturels à l’intérieur de l’application. On a identifié ces trois besoins de manière claire, c’est déjà un premier pas vers ces rencontres de communautés qui ont du mal à se rencontrer ». Et de l’« utilisacteur », on passera enfin au « mobilisacteur », qui sera à la fois moteur de sa mobilité et de celle de ses compagnons de route. Après avoir été testée par quelques technophiles, l’application Utilisacteur est téléchargeable sur iPhone depuis le 27 janvier dernier.