Postpaiement : voyagez d’abord, payez après
Facilité d’utilisation côté voyageurs, facilité d’installation pour les autorités organisatrices
de transports et les opérateurs, on comprend pourquoi les réseaux recourent de plus en plus au paiement différé. Une poignée d’entre eux vient de se convertir dans les derniers six mois. Malgré cet engouement, cette technologie n'est pas une nouveauté partout. Lille fin septembre, Nantes le 1er novembre, Valence-Romans le 5 novembre, mais aussi Nancy, Nîmes ou Dijon. Depuis quelques mois, le nombre d’agglomérations qui proposent le postpaiement à leurs clients ne cesse de croître. « Il y a un véritable engouement des autorités organisatrices pour le paiement différé. On trouve de plus en plus cette demande dans les appels d’offres les plus récents », constate Christophe Badesco, chargé de mission Billettique chez Keolis qui a accompagné le postpaiement à Tours en 2009.
Il faut reconnaître que le postpaiement a de quoi séduire. Les clients en premier lieu car ils paient seulement les voyages qu’ils effectuent. Un effet de la crise ? Elle entre en compte probablement, même si elle est difficile à quantifier.
Le recours au paiement différé n'est pas une nouveauté partout. A Belfort, la demande de postpaiement – même si elle n’était pas formulée ainsi – est assez ancienne. « Au cours d’une de nos enquêtes précédant la mise en place d’Optymo, j’ai été surpris par le nombre d’habitants disposant de revenus modestes qui craignaient de ne pouvoir payer un abonnement en fin de mois », se souvient Christian Proust, président du Syndicat mixte des transports en commun (SMTC).
Mais ce n'est pas principalement pour cette raison que le SMTC a lancé le postpaiement en 2008. Il a été mis en place pour augmenter la vitesse des bus ! « Quand nous avons pris les rênes des transports dans l’agglomération, nous avons constaté que les bus étaient la moitié du temps à l’arrêt. Soit devant un feu, soit à un arrêt, le temps que le conducteur vende des billets », raconte Christian Proust. Ce dernier préférant que les conducteurs… conduisent, il a été décidé de supprimer la vente à bord. Une très grosse campagne de promotion de la carte de postpaiement a été lancée. Avec l’idée qu’elle s'adresse à tous les voyageurs.
Le SMTC en a profité pour baisser le prix unitaire du ticket. 90 centimes le trajet valable pendant une heure, même en cas de changements de bus et de lignes. Autre avantage, le paiement différé est devenu dégressif et plafonné. Si le voyageur circule peu, il paie chaque trajet 80 centimes. Un plus gros utilisateur ne paiera jamais plus que 31 euros, prix plafonné de l’abonnement mensuel adulte, ou 9 euros pour les enfants et les scolaires.
« Le paiement différé facilite et simplifie l’acte d’achat, explique Christophe Badesco. Mais nous préconisons de le destiner à la seule clientèle occasionnelle. Ne serait-ce que pour conserver sa simplicité. Sinon, le client risque de se perdre s’il doit calculer le nombre de voyage qu’il a effectué, si cela correspond, ou dépasse le montant du carnet, ou du titre mensuel. »
Ce qui n’empêche pas le geste marketing. « C’est arrivé à Tours avec un client qui, un mois, avait largement dépassé le cadre des voyages occasionnels. Nous lui avons signalé, par courrier, qu’il existait des tarifs plus intéressants. Mais il a répondu que cette hausse soudaine était très ponctuelle et ne souhaitait pas changer de formule », poursuit Christophe Badesco.
Une politique tarifaire similaire est appliquée à Valence-Romans, où le réseau Citéa, géré par Transdev, a lancé Cité’zen le 5 novembre dernier. Il ne s’agit pas de proposer un tarif préférentiel, mais de faciliter l’achat de titres à des voyageurs occasionnels : l’étudiant qui rentre un week-end sur quatre, la personne âgée, qui va emprunter le bus une ou deux fois par semaine… Aucune politique tarifaire particulière ne l'accompagne : le titre reste à 1,20 euro. Seuls intérêts : le plafonnement de la carte à 40 euros de dépenses au maximum (soit environ 33 voyages !), et la garantie de ne pas être en fraude.
L’option Cité’zen est gratuite. Il suffit, comme pour tous les voyageurs, de s’inscrire avec une pièce d’identité, et de fournir un RIB pour le prélèvement, qui s’effectue le 10 du mois.
D’un point de vue technique, la mise en place du postpaiement, ne présente pas de difficultés particulières. A deux ou trois détails près. D’abord, il faut que le réseau soit doté d'un système de pass sans contact. Une exigence qui n’en est (presque) pas une, puisque de plus en plus d’agglomérations en ont un. Certaines d’entre elles, s'appuient sur la carte de transport multimodal développée au niveau régional. A l’instar de l’agglomération de Valence-Romans-sur-Isère qui propose Cité’zen sur la carte OùRA de Rhône-Alpes (en service sur le réseau Citéa).
L’autre condition pour le bon fonctionnement du système repose sur la validation. Sans elle, pas de facturation possible au client. Or le client peut facilement oublier, sciemment ou non, de glisser son pass devant le valideur. D’autant plus sur des réseaux ouverts comme les tramways ou pour les bus articulés à multiples entrées. « Dans nos recommandations, nous attirons toujours l’attention des élus sur ce phénomène lorsqu’ils souhaitent mettre en place le postpaiement », précise Christophe Badesco. Si le réseau a déjà un taux de fraude élevé, ce système aura du mal à faire ces preuves. « A Tours par exemple, qui est passé au postpaiement en 2008, le taux était de 2 %, poursuit Christophe Badesco. Et dans tous les cas, le postpaiement doit s’accompagner de campagnes d’informations sur le rôle et l’intérêt de la validation. »
Car, au-delà du postpaiement, la validation est un formidable outil de connaissance du réseau, de sa fréquentation, ligne par ligne, parfois arrêt par arrêt, ou encore de l’occupation des bus et des habitudes des voyageurs. A Belfort, on ne craint pas particulièrement la fraude qui atteint les 5 %. « Les contrôleurs sont équipés de lecteurs de carte qui révèle l’historique des validations. Ils voient si le porteur emprunte souvent le réseau ou une ligne. Cela permet de faire le tri entre un oubli ponctuel et une fraude caractérisée », explique Christian Proust. L’oubli ne sera facturé que 4,50 euros, mais la fraude 45 euros. Cette agglomération, convertie de longue date au postpaiement, l’utilise également pour les autres modes d’Optymo : les vélos en libre service, décompté à la minute. Ce sera aussi le cas pour les futures voitures en libre service qui seront lancées mi-décembre. A la clé aussi, des centaines de données utilisateurs, bien sûr collectées dans le respect de la vie privée, mais qui permettent d’affiner le service.
Yann GOUBIN