Accessibilité : encore des lacunes à combler
La loi impose aux autorités organisatrices de rendre accessibles leurs réseaux de transports en commun.?Il ne reste plus que cinq ans pour passer de la théorie à la pratique. Premier bilan Enlever une lacune, une marche, c’est bénéfique pour tout le monde. C’est en gros ce principe – ce qui est indispensable à certains est utile à tous – qui guide désormais les politiques d’accessibilité dans les transports collectifs. Selon le Gart, 5 millions de personnes sont gênées par une marche de 35 cm. En Europe, 30 % de la population est atteinte d’un handicap temporaire, complète la SNCF. Enfin, une enquête Insee de 1999 précisait que 35 % des Franciliens sont « en situation de handicap dans les transports ». Autant de statistiques qui ont mis tout le monde d’accord sur l’urgence à rendre les transports accessibles aux personnes à mobilité réduite (PMR) et aux handicapés. Promulguée le 11 février 2005, la loi handicap (voir ci-contre) a de grandes ambitions dans ce domaine et une échéance, le 1er janvier 2015. Un délai de dix ans, jugé trop long par les associations et trop court par ceux chargés d’appliquer la loi, les autorités organisatrices de transport (AOT). Pratiquement à mi-parcours, quel est le bilan ? Une enquête exclusive menée par le cabinet spécialisé Alenium Consultants, en partenariat avec Ville, Rail & Transports, nous présente une photographie précise. Nous la publions en intégralité dans nos pages « Forum ». Principaux constats : d’abord, les sommes en jeu sont lourdes. Alenium les évalue à 5,5 milliards d’euros, dont à peine 60 % sont réellement financés. Du côté des régions, c’est 87 euros dépensés par habitant en moyenne, dans une fourchette allant de 9,69 euros à 171 euros. Ensuite, les AOT ont pris du retard : 72 % n’ont pas tenu le délai légal de trois ans pour élaborer leur « schéma directeur d’accessibilité » (SDA). L’enquête menée par le Gart fin 2007 concluait qu’elles seraient 28 % à ne pas respecter le délai. Deux ans plus tard, c’est pile l’inverse : 28 % avaient terminé au 11 février 2008. Conséquence, 60 % des AOT anticipent un retard dans la mise en œuvre des aménagements. Avec de fortes disparités entre Rhône-Alpes, dont les 98 gares seront au rendez-vous de 2015, et des régions comme le Limousin, la Champagne-Ardenne ou le Nord-Pas-de-Calais, qui n’en ont pas finalisé un. Un constat partagé par l’Association des paralysés de France (APF), qui reconnaît toutefois des « circonstances atténuantes » : les AOT n’ont jamais eu de méthodologie. Théoriquement, l’article 45 de la loi aurait dû être complété par un décret d’application explicitant les modalités des SDA qui n’est jamais paru. « Sans outils, elles se sont tout de même approprié la démarche », salue Nicolas Mérille, conseiller national aménagement du territoire de l’APF. Mais avec un écueil : pas d’homogénéité dans les SDA, « en particulier sur les dérogations pour impossibilité technique, à ne pas confondre avec une impossibilité économique comme cela arrive », signale-t-il. Autre faille, soulignée par Catherine Chartrain, présidente du Coliac, l’observatoire de l’accessibilité du CNT : « Aucune obligation à faire le lien entre SDA et plans communaux d’accès à la voirie. Cette absence de continuité aurait pu être corrigée par décret. » Elle relève aussi que bien que les SDA soient « pris très au sérieux, on met ce qu’on veut dedans et, inconsciemment, on raisonne surtout “fauteuil roulant” ». Responsables de la mise en œuvre de l’accessibilité, les AOT sont soutenues par la SNCF, qui doit veiller à la mise aux normes des matériels roulants et à l’adaptation des services dans toutes les gares nationales sur lesquelles l’Etat lui délègue l’autorité. « Louis Gallois avait déjà signé la charte de l’accessibilité en 2003, souligne Brigitte Rigaud, responsable de la délégation à l’accessibilité et au voyageur handicapé de la SNCF. La loi a accéléré les choses et a élargi la problématique à tous les types de handicap. » Pour les handicaps sensoriels, la SNCF a utilisé les retours d’expériences de la gare-laboratoire en 2006 et du train labo au printemps dernier. « Une flèche sonore permettant de se représenter la direction mentalement a été validée, de même que la “table +” qui se replie », poursuit-elle. Parallèlement, RFF, propriétaire des quais et des voies, s’est engagé à réaliser des aménagements facilitant l’accès aux trains des PMR. Formalisés dans un schéma directeur national d’accessibilité (SDNA) validé par le ministère en juin 2008, les engagements communs visent 418 gares dont 162 nationales, 245 gares TER et 11 gares franciliennes recevant les grandes lignes. La SNCF a promis d’y consacrer 500 millions d’ici à 2015, dont 400 dans les gares et 100 dans le matériel roulant. RFF a pour sa part engagé 176 millions d’euros. A quoi s’ajoutent les 284 millions d’euros du contrat de performance signé avec l’Etat en novembre 2008, grâce auquel « on a un socle garanti de 250 gares, financé à l’échéance 2012, estime Denis Cauchois, délégué à l’accessibilité de RFF. Et le plan de relance prévoit 14 millions d’euros pour 37 gares d’ici à décembre 2010 ». A ce jour, 21 gares sont 100 % accessibles : celles, récentes, de la LGV Est, mais aussi Marseille-Saint-Charles ou Lyon-Saint-Exupéry. Le SDNA prévoit par ailleurs que le service d’accompagnement Accès + récemment étendu à 360 gares en touche 418. Du côté des agglos, « on ne partait pas de rien, grâce aux nombreux TCSP guidés de conception récente, où l’accessibilité est plus simple à gérer », souligne Anne-Marie Frédéric, adjointe au pôle système de transports du Gart, qui estime que seule une minorité d’AO ne fera rien. Seul écueil : les transports interurbains et scolaires, car « l’offre de cars à plancher bas est réduite et très chère ». Un contre-exemple, pourtant : la ligne directe Marseille – Aubagne, avec un car 100 % accessible toutes les heures, soit un sur six.
Cécile NANGERONI