Le péage urbain bien installé à Stockholm
La circulation a diminué de 18 % par rapport à 2005 et les émissions de CO2 ont baissé d?environ 20 % dans la capitale suédoise Le référendum semble vraiment bien loin. C’était pourtant il y a tout juste trois ans. Le 17 septembre 2006, les électeurs de Stockholm ont en effet voté « oui » à 53 % au péage urbain, après l’avoir testé pendant sept mois. Oubliée la polémique car les banlieues n’avaient pas voté. Oublié le paradoxe électoral qui a vu le même jour la droite suédoise gagner la mairie (et aussi le département et le pays tout entier), alors qu’elle avait fait campagne contre le péage… Mais elle avait promis de respecter le choix des citoyens. Depuis le 1er août 2007, les automobilistes doivent payer pour entrer dans le centre de Stockholm, ou en sortir. Et tout le monde semble content. Même les banlieusards, s’il faut en croire les sondages. « Aujourd’hui, plus personne ne remet en cause le principe du péage urbain », nous disait l’an dernier Eva Söderberg, de la direction suédoise des transports. Depuis la rentrée, elle profite de la présidence suédoise de l’Union européenne pour vanter le modèle à des délégations venues du monde entier. Le fonctionnement est assez simple et a très peu varié depuis l’expérience de 2006. Le tarif est modulé selon l’heure : il faut payer de 10 à 20 couronnes (1 à 2 euros) par passage entre 6h30 et 18h29 en semaine, avec un maximum de 60 couronnes (6 euros) par jour. C’est gratuit le week-end, les jours fériés et veilles de jours fériés, et en août. Concrètement, les plaques d’immatriculation des véhicules – suédois uniquement – sont lues par des caméras placées sur des portiques aux dix-huit portes de la zone centrale de la capitale. Les automobilistes reçoivent chaque mois une facture pour leurs allers et retours du mois précédent, et ils doivent la régler par virement au Trésor public avant la fin du mois suivant. En cas de retard, l’amende est de 500 couronnes (50 euros). « Les gens voient les bénéfices tous les jours, décrit Gunnar Johansson, qui suit l’expérience pour IBM (le groupe américain gère le système, et de ce fait compte les voitures) : un meilleur environnement, une meilleure accessibilité au centre-ville car il y a moins de bouchons… Ils veulent garder le péage urbain ! » La circulation a diminué de 18 % par rapport à 2005, observe-t-il. Et ce chiffre s’est stabilisé. En revanche, elle a augmenté de 5 à 10 % sur les routes permettant de contourner la zone payante. Les émissions de CO2 ont baissé d’environ 20 % dans le centre-ville. Sur les 96 000 voyages de moins par jour payant en 2008, la moitié se sont reportés sur les transports publics (dont la part de marché était déjà très importante à Stockholm). Et les autres ? « Ils ont changé leur comportement, d’une façon plus efficace. La grande leçon, c’est que les Stockholmois utilisent mieux les systèmes de transport ! » En tout cas, ils n’ont pas délaissé les commerces du centre-ville, qui étaient très inquiets. Observation : 28 % des véhicules passant la barrière des péages en sont dispensés, ils font en moyenne 70 % de voyages en plus. Parmi eux, on trouve les services d’urgences, bus, voitures étrangères, diplomates, mais aussi les « voitures vertes », fonctionnant au moins en partie aux biocarburants. A cet égard, on peut dire que le péage a beaucoup fait pour la filière, puisque leur part dans le parc automobile stockholmois est passée de 3 % à 14 % ! Il faut dire aussi que la plupart d’entre elles ont bénéficié d’une prime à l’achat de 10 000 couronnes (1 000 euros). Mais la récréation est bientôt finie : cette exemption sera supprimée en 2012. Enfin, il reste à voir ce que va devenir l’argent : La droite suédoise a décidé que les revenus du péage urbain iraient à la construction du grand contournement autoroutier prévu à l’ouest de l’agglomération. L’essai de 2006 avait coûté au total 3,4 milliards de couronnes (340 millions d’euros) à l’Etat suédois, une somme passée par pertes et profits dans les comptes publics. La direction des routes a gagné 460 millions de couronnes (46 millions d’euros) l’an dernier et compte atteindre les 600 millions par an à partir de 2010 grâce surtout à une baisse des coûts d’exploitation du système. Mais, à ce rythme, l’Etat n’est pas près de payer le grand contournement, dont 17 km sur 21 seront souterrains. Il est estimé à au moins 27 milliards.
François ENVER